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'duction de l'air déphlogistiqué. On pourroit peut-être objecter que, quoique les plantes ne paroiffent pas profiter beaucoup dans l'obfcurité, néanmoins elles y croiffent, & elles peuvent donc, d'après cette hypothèse, abforber l'eau de l'atmosphère, & donner de l'air déphlogistiqué, qu'on n'a point trouvé qu'elles fourniffoient. Mais nous n'avons pas de preuves qu'elles font la moindre végétation dans tous les cas où elles ont été obfervées ne pas donner de l'air déphlogistiqué; car de même que les plantes croîtront dans l'obfcurité, de même leur pouvoir végétatif peut être fur le champ entièrement arrêté par cette caufe, fur-tout fi on fait attention à la fituation contre nature dans laquelle elles doivent être placées dans de femblables expériences. Peut-être même que les plantes qui croiffent dans l'obfcurité peuvent être en état d'abforber le phlogiftique de l'eau légèrement imprégnée d'air déphlogistiqué, & non pas de celle qui en eft fortement imprégnée; & conféquemment, lorfqu'elles font tenues au-deffous de l'eau dans l'obfcurité, elles peuvent peut-être donner d'abord un peu d'air déphlogistiqué, qui, au lieu de s'élever à la furface, peut être abforbé par l'eau; & avant que l'eau en foit affez im prégnée pour lui laiffer gagner la partie fupérieure, les plantes peuvent bien ceffer de végéter, à moins de changer l'eau. Ainfi, on ne peut rien objecter, d'après ces expériences, fi on ne commence point par prouver que les plantes peuvent croître dans l'obfcurité, & augmenter en grandeur, fans fournir de l'air déphlogistiqué.

M. Senebier a trouvé que les plantes donnoient beaucoup plus d'air déphlo giftiqué dans l'eau diftillée imprégnée d'air fixe, que dans l'eau diftillée ordinaire; ce qui eft parfaitement conforme à l'hypothèse dont j'ai fait mention ci-deffus: car comme l'air fixe eft une des parties conftituantes des végétaux, il eft raifonnable de croire que l'ouvrage de la végétation ira beaucoup plus vite dans l'eau qui contiendra l'air fixe, que dans une

autre eau.

Il y a plufieurs Mémoires de M. Lavoifier, publiés par l'Académie des Sciences, dans lefquels il fe déclare contre le phlogiftique, & il explique ces phénomènes, qui avoient été généralement attribués à la perte ou à l'attraction de cette fubftance, par l'abforption ou par l'expulfion de l'air déphlogistiqué; & comme non feulement les expériences précédentes, mais encore tous les autres phénomènes de la Nature peuvent s'expliquer auffi bien, ou prefque auffi bien, d'après ces principes que d'après ceux qu'on attribue communément au phlogistique, je crois à propos de dire en peu de mots de quelle manière je défirerois en donner l'explication dans ce dernier fentiment, & pourquoi je donne la préférence à l'autre. Je ne me conformerai point ftrictemenr à cette théorie dans ce que j'en dirai, mais j'y ferai les additions & corrections qui me paroiffent convenir davantage à ces phenomènes; d'ailleurs elles pourront engager

peut-être l'Auteur lui-même à croire que de telles additions ne font pas plus éloignées de ce fujet que les expériences précédentes.

Suivant cette hypothèse, il faut fuppofer que l'eau eft compofée d'air inflammable uni à l'air déphlogistiqué; que l'air nitreux, que le gaz acide vitriolique, & que l'acide phofphorique font auffi des combinaifons d'air phlogiftiquê, de foufre, & de phofphore, avec l'air déphlogistiqué, & que les deux premiers font réduits, par une addition plus grande de la même fubftance, aux acides nitreux ordinaire & vitriolique; que les chaux métalliques font compofées des métaux eux-mêmes, unis à la même fubftance, communément cependant avec un mélange d'air fixe; qu'en expofant les chaux des métaux parfaits à une chaleur fuffifante, tout l'air déphlogistiqué fe trouve chaffé, & qu'alors ces chaux reparoiffent fous leur forme métallique mais comme les chaux des métaux imparfaits font vitrifiées par la chaleur, & ne reparoiffent point fous leur forme métallique, cela doit faire voir que tout l'air déphlogistiqué ne peut pas en être chaffé par la chaleur feulement. De cette manière, fi on accorde à cette hypothèse la raifon de la production de l'air déphlogistiqué par le précipité rouge, c'eft que, durant la diffolution du mercure dans l'acide & pendant fa calcination, l'acide fe trouve décompofé, & il fournit partie de fon air déphlogistiqué au mercure: par-là il s'élève fous la forme d'air nitreux, & il laiffe le mercure uni à l'air déphlogistiqué, qu'une chaleur plus grande fait paffer, tandis que le mercure reparoît fous la forme métallique. Lorfqu'on retire l'air déphlogistiqué du nitre, l'acide eft auffi décomposé, mais avec cette différence qu'il fournit quelques portions de fon air dé phlogistiqué, tandis qu'il refte lui-même uni à l'alkali dans l'état d'acide nitreux phlogistiqué. Quant à la production de l'air déphlogistiqué des plantes, on peut dire que les fubftances végétales confiftent particulièrement dans des combinaisons variées de trois différentes bafes, dont une, quand l'union a lieu avec l'air déphlogistiqué, forme l'eau, une autre l'air fixe, & la troisième l'air phlogistiqué, & que, par les moyens de la végétation, chacune de ces fubftances font décompoféés, & fourniffent leur air déphlogistiqué; & que lorfqu'on vient à les brûler, elles s'emparent de l'air déphlogistiqué, & redeviennent à leur état premier.

Il femble donc, d'après ce que nous venons de dire, qu'on pourroit expliquer très-bien ces phénomènes de la Nature fur ces principes, fans le fecours du phlogistique; & de même comme ajouter l'air déphlogistiqué à un corps, vient à la même chofe que de le dépouiller de fon phlogistique & de lui unir l'eau ; & comme auffi peut-être les corps ne fe trouvent entièrement dépouillés d'eau; & comme je ne connois point de moyens par lefquels le phlogiftique peut être porté d'un corps à un autre, fans nous laiffer incertains fi l'eau ne paffe pas en même temps; il fera trèsdifficile de déterminer, par des expériences, laquelle de ces opinions eft

vraie; mais je donne la préférence à l'opinion communément reçue du phlogistique, d'autant que ce dernier explique tous les phénomènes d'une manière auffi fatisfaifante que le font les principes de M. Lavoifier. Il y a auffi une circonftance que je regarde d'une grande force, quoiqu'elle ne foit pas regardée de même par beaucoup de perfonnes. Cette circonf tance eft que, comme les plantes femblent tirer leur nourriture totale de l'eau & des airs fixe & phlogistiqué, & qu'elles retournent de nouveau en ces fubftances par la combuftion, il me paroît raifonnable de conclure que, malgré leur variété infinie, elles confiftent prefque entièrement en des combinaifons variées d'eau, d'air fixe, & d'air phlogistiqué, unis, d'après une de ces opinions, au phlogiftique; & d'après l'autre, dépouillés d'air déphlogistiqué. Ainfi, fuivant la dernière opinion, la fubftance de la plante eft moins compofée que 'le mélange de ces corps dans lefquels elle fe trouve changée par la combuftion. Il eft donc plus raifonnable, vu la grande variété, de chercher dans les fubftances compofées, plutôt que dans celles qui font fimples.

Une autre chofe que M. Lavoifier a cherché à prouver, eft que l'air déphlogistiqué eft le principe des acides. D'après tout ce que nous avons expliqué, il paroît néanmoins que les acides ne perdent rien de leur acidité lorfqu'on les unit au phlogistique ; ce qui a lieu à l'égard des acides nitreux, vitriolique, phofphorique & arfenical. Je crois qu'on peut dire la même chofe à l'égard de l'acide du fucre; & l'expérience de M. Lavoisier confirme l'opinion de Bergman, que l'acide faccharin ne retient aucune portion de l'acide nitreux, & que ce dernier ne fert qu'à dépouiller le fucre d'une portion de fon phlogistique. Quant à l'acide marin & à l'acide du tartre, il paroît que le phlogiftique peut leur ôter, leur acidité; mais il faut remarquer que les acides du fucre & du tartre, & probablement tous les acides végétaux & animaux, se changeant, par la combustion, en eau, air fixe & air phlogistiqué, doivent par conféquent contenir plus de phlogistique & moins d'air déphlogiftiqué que ces mêmes fubftances; favoir, l'eau, l'air fixe, & l'air phlogistiqué.

EXTRAIT D'UN MÉMOIRE

SUR LES DIFFÉRENTES ESPECES DE CHIENS DE MER; Par M. BROUSSONET, Affocié ordinaire de la Société Royale de Londres, &c. &c.

LES

ES Auteurs ne font point d'accord fur l'espèce de poiffon à laquelle les Anciens avoient donné le nom de fqualus. Artedi a compris fous

cette dénomination une famille de poiffons cartilagineux, qui fe reffem blent affez, & qu'on appelle communément chiens de mer; leur corps eft alongé, les yeux & les évents (1) font placés fur les côtés; & ces caractères fuffisent pour les diftinguer d'avec les raies, qui ont d'ailleurs avec eux beaucoup d'analogie. Dans les espèces de ce genre, le nombre des évents fe porte jufqu'à fept, & n'eft jamais au-deffous de quatre. Ce caractère empêche qu'on ne les confonde avec les poiffons cartilagineux, qui n'en ont qu'un, tels que les efturgeons, & ceux que Linné a compris fous le nom de chimara. La préfence des nageoires de l'abdomen fert encore à les féparer d'avec les lamproies.

Aucun chien de mer, de ceux que nous avons vus, n'a les dents de la mâchoire fupérieure entièrement femblables à celles de l'inférieure. Cette différence eft fur-tout remarquable dans celui que nous appellerons le grifet, dont les dents fupérieures font fans dentelures coniques, & les inférieures, très-larges & dentelées. MM. Geoffroy (2), Hériffant (3) & Stenon (4) nous ont donné des détails curieux fur le mécanisme de ces parties, & fur la manière dont elles font remplacées les unes par les autres. Comme elles ne font jamais abfolument femblables dans les efpèces, même les plus voifines, elles fourniffent des caractères spécifiques très-sûrs. Un poiffon de cette famille a les dents fi peu différentes de celles de quelques raies, qu'il feroit impoffible de déterminer auquel des deux genres on doit le rapporter, fi les mâchoires ne fourniffoient d'ailleursd'autres caractères propres à les diftinguer. Dans tous les chiens de mer que nous avons eu occafion d'examiner, la mâchoire fupérieure étoit plus longue que l'inférieure; dans les raies, au contraire, celle-ci furpaffoit l'autre en longueur. Les cartilages de la mâchoire inférieure des chiens de mer étoient auffi beaucoup plus larges que ceux de la fupérieure; ce que nous n'avons pas remarqué dans les raies, où les uns & les autres étoient peu près également larges.

à

On obferve, dans le plus grand nombre des espèces de ce genre, une ouverture particulière derrière chaque oil, & qui leur fert peut-être à recevoir l'eau, pour la faire paffer dans la gueule. Nous appellerons cette partie le trou des tempes.

Les nageoires pectorales font conformées à peu près de la même manière dans le plus grand nombre des efpèces; elles font prefque toujours plus grandes que les abdominales, & le plus fouvent également diftantes de celles-ci & du bout du mufeau. Dans quelques-unes cependant, elles

(1) Ce nom nous a été communiqué par M. d'Aubenton, qui s'en ett fervi pour défigoer les ouvertures des ouies des poiffons cartilagineux. On a nommé quelquefois ces parties boutonnieres. Les Auteurs Latins les ont appelés fpiracula; ils euffent mieux dit exfpiracula. (2) Mém. de l'Acad. 1741, pag. 34. (3) Idem. 1749, pag. 235. (4) Elém Myol. cap. carrhar. diffect. Amftel. 8°. 1669

font plus rapprochées de cette dernière partie; & dans ce cas, la nageoire de derrière l'anus manque ordinairement. Celles de l'abdomen font rapprochées entre elles, fituées autour de l'anus, & unies avec les parties de la génération dans les mâles; un feul a ces nageoires jointes enfemble.

La première nageoire du dos fe trouve tantôt devant, tantôt derrière l'aplomb des abdominales; & cette différence, qui dépend de la forme du corps & de la place qu'occupent les autres nageoires, fournit une divifion fenfible dans ce genre. Dans les espèces dont le corps eft effilé & alongé, dont le bout du mufeau eft pointu, & où l'on ne trouve point de nageoires derrière l'anus, & dont les abdominales & les pectorales font plus larges, la première du dos eft fituée au delà de l'aplomb de celles de l'abdomen. Dans ces dernières, les pectorales font plus baffes; elles s'ouvrent horizontalement, & ont beaucoup de ressemblance avec les abdominales.

Quelques espèces de chiens de mer font très-voraces; d'autres vivent prefque entièrement de plantes marines ou mollaffes, mollusca: cellesci vont en troupes, le befoin ne rompt point leur fociété; celles au contraire qui ne fe nourriffent que d'animaux & qui n'épargnent pas même ceux de leur efpèce, vivent ifolées & reftent peu de temps dans les mêmes endroits. Ces poiffons font à la fois un plus grand nombre de petits que les raies, parce que leur forme quand ils font jeunes, ne les empêche point, comme celles-ci, de devenir la proie des gros animaux, & que la Nature, toujours occupée à conferver les efpèces, a accordé plus de moyens de fe multiplier aux individus qui ont des organes foibles, qu'à ceux dont les parties plus robuftes & une forme plus avantageufe les mettent à même d'éluder la loi du plus fort.

On s'occupe très-peu de la pêche de ces poiffons; on n'en rencontre qu'un petit nombre dans les marchés ; leur chair eft dure & de mauvais goût. Leur peau féchée eft employée à différens ufages; celles qu'on voit dans le commerce, fous le nom de peaux de chien de mer & de chagrin (1), appartiennent à plufieurs espèces. On retire de l'huile de quelques

unes.

Les Anciens & les Auteurs qui ont les premiers écrit, particulièrement fur les poiffons, ne nous ont laiffé que des defcriptions très-incomplettes fur ceux de ce genre ; ils paroiffent avoir plutôt confulté dans

(1) Ces peaux fervent à polir le bois, l'ivoire, &c. Les Gainiers les emploient, après les avoir adoucies & polies, pour couvrir leurs ouvrages. C'est ce qu'on appelle couvrir en Galluchat, du nom de l'Ouvrier qui a fait le premier de ces fortes d'ouvrages, (Voy. du Hamel, Hist, des Pêch., part. II, feft, IX, pag. 297.)

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