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par divers moyens, il paroît plus vraisemblable qu'il eft dépouillé d'air déphlogistiqué, ou qu'il a reçu quelque addition d'air déphlogistiqué: mais comme l'autre expreffion peut convenir, & qu'on ne peut point la regarder comme impropre, j'en ferai plus fréquemment ufage à la fin de ce Mémoire.

On avoit raison de croire, d'après les expériences du Docteur Priestley, que les acides nitreux & vitriolique pouvoient être convertis en air déphlogiftiqué, d'autant qu'on fe procure cette efpèce d'air, des fubftances qui contiennent ces acides, fur-tout le premier. Cependant les expériences que j'ai faites précédemment femblent prouver que ces acides ne peuvent être convertis en air déphlogistiqué, & qu'ils n'ont d'autre fonction que de mettre en ufage le pouvoir qu'ils ont de dépouiller les corps de leur phlogistique; & ce qui en eft une forte preuve, eft que le précipité rouge, qui eft une des fubftances qui fourniffent la plus grande quantité d'air déphlogistiqué, & qui eft préparé par le moyen de l'acide nitreux, ne contient réellement pas du tout d'acide. J'en ai pris 400 grains, que j'ai triturés avec l'efprit de fel ammoniac, & je les ai tenus en digeftion, pendant quelques jours, dans une bouteille que j'avois le foin d'agiter fouvent. La couleur rouge du précipité eft devenue pâle, mais n'a pas été entièrement détruite. Ayant enfuite évaporé la liqueur décantée, je n'ai point obtenu de nitre ammoniacal.

Il est naturel de croire que fi le précipité rouge contenoit de l'acide nitreux, çelui-ci feroit uni à l'alkali volatil pour produire du nitre ammoniacal, que j'aurois obtenu par l'évaporation. Mais, dans le defsein de m'affurer d'une manière plus certaine fi le moyen que j'avois employé étoit bon, j'ai pris une certaine quantité de la diffolution de mercure qui m'avoit fervi à préparer le précipité rouge, & je ne l'ai évaporée qu'à Forangé; & dans cet état, j'en ai traité la même quantité avec l'alkali volatil, avec les précautions que j'avois employées pour le précipité rouge. It y a eu auffi-tôt effervefcence; la couleur eft devenue grisâtre, & j'ai obtenu, par l'évaporation, 52 grains de nitre ammoniacal. J'ai donc maintenant les plus grandes raifons de croire que le précipité rouge ne contiene pas d'acide; & conféquemment, que lorfqu'on en retire l'air dephlogistiqué, il n'y a point d'acide converti en air. Il eft de même raifonnable de conclure, d'après cela, que lorfqu'on le retire des autres substances, ce ne font pas les acides qui fouffrent une converfion pour le fournir.

Il reste à confidérer comment ces acides agiffent dans la production de l'air déphlogistiqué.

Je crois que l'acide nitreux agit de la manière fuivante dans la production de l'air déphlogistiqué du précipité rouge. Si on diftille un mélange de mercure & d'efprit de nitre, l'acide monte très-phlogistiqué fous la forme de vapeurs nitreufes, & il continue à en donner jufqu'à ce que la matière reftante acquiere la couleur rouge; & pendant ce temps-là, tout l'acide nitreux s'échappe, & il ne refle plus qu'une portion d'eau qui fe

trouve fortement adhérer au mercure. Ainfi donc le précipité rouge peur être regardé comme du mercure dépouillé de la partie de fon phlogistique, & uni à une portion d'eau, ou comme du mercure uni à l'air déphlo→ giftiqué (1) fi enfuite on lui donne plus de chaleur, l'eau s'élève dépouillée de fon phlogiftique: c'eft à dire, fous la forme d'air déphlogisti qué, & en même temps le mercure diftille fous fa forme métallique. Le Docteur Priestley a remarqué avec raifon, que la diffolution de mercure ne donne de l'air déphlogistiqué, qu'autant qu'elle a acquis la cou leur rouge.

Le mercure précipité per fe ne paroît être que le mercure qui a abforbe l'air déphlogistiqué de l'atmosphère pendant la calcination ; & de même fi on échauffe ce précipité, on obtient de l'air déphlogistiqué, & le mercure paroît fous fa forme métallique. Il paroît donc que le mercure préci pité per fe & le précipité rouge font les mêmes, quoique préparés d'une manière différente.

Il fuit de ce que nous avons dit, que le mercure précipité per fe & le précipité rouge contiennent autant de phlogistique que le mercure qui a fervi à les préparer: mais comme unir l'air déphlogiftiqué à un métal, ou le dépouiller de la partie de fon phlogiftique & l'unir à l'eau, ont une même fignification, le mercure peut auffi être confidéré comme dépouillé de fon phlogistique. Quant aux métaux imparfaits, ceux-ci paroiffent, non feulement abforber l'air déphlogistiqué pendant leur calcination, mais encore perdre leur phlogiftique, vu qu'ils n'acquièrent pas leur forme métallique, lorfqu'on vient à les dépouiller de l'air déphlogiftiqué.

Lorfqu'on retire l'air déphlogistiqué du nitre, l'acide agit d'une ma nière différente; car fi on chauffe le nitre à une chaleur rouge, l'air dé→ phlogistiqué fe dégage, mêlé à un peu d'acide nitreux, & en même temps l'acide qui refte dans le nitre fe trouve beaucoup plus phlogistiqué, ce qui prouve que l'acide devient phlogiftiqué, en abforbant le phlogistique de l'eau contenue dans le nitre. En diftillant 3155 grains de nitre dans une retorte non vernissée, j'ai obtenu 256,000 grains (mesure) d'air déphlo

(1) A moins d'avoir des connoiffances plus approfondies de la manière dont fe trouvent unies les diverfes fubftances dans les corps compofés, il feroit ridicule de dire que c'est le mercure, dans le précipité rouge, qui eft dépouillé de fon phlogistique, & non l'eau, ou que c'eft l'eau qui eft dépouillée de fon phlogistique, & non le mercure. Tout ce que nous pouvons donc dire, eft que le précipité rouge eft compofé de mer. cure & d'eau, dont l'un, ou même tous deux font dépouillés de la partie de leur phlogiftique. D'après cela, lorfqu'on prépare le précipité rouge, il eft certain que l'acide abforbe le phlogistique du mercure ou de l'eau: mais rien ne nous autorife à dire

gistiqué (1), qui, reçu en différentes parties, n'avoit pas la même pureté; elle varioit de 3 à 3,65. D'après un terme moyen, je l'ai fixé à 3,35. La matière reftante dans la cornue fe diffout facilement dans l'eau, & a le goût d'une matière alkaline & cauftique. Lorsqu'on verse sur la dissolution de l'efprit de nitre étendu d'eau, il fe dégage des vapeurs rouges; ce qui eft une preuve que l'acide s'y trouve très-fort phlogistiqué, d'autant qu'on ne peut pas produire ces mêmes vapeurs rouges, en ajourant du même efprit de nitre à la diffolution du nitre ordinaire. On remarque auffi que cette diffolution fuperfaturée avec l'acide, devient bleue ; couleur que l'acide nitreux étendu a coutume de prendre lorfqu'il eft très-phlogiftiqué. Quand la dissolution a été faturée avec l'acide, elle a perdu fon goût alkalin & cauftique; mais néanmoins elle diffère au goût du vrai nitre. On croiroit qu'elle eft mêlée à du fel marin, & de même le résidu a demandé beaucoup moins d'eau pour être diffout: mais en l'expofant pendant quelques jours à l'air, & y ajoutant de nouvel acide, tant qu'il continue à donner des vapeurs, l'alkali fe trouve enfin faturé, & redevient vrai nitre, sans être mêlé à d'autres fels, comme j'ai pu le voir (2).

On avoit remarqué que l'air déphlogistiqué tiré du nitre étoit moins pur que celui obtenu du précipité rouge, & de plufieurs autres substances; ce qui peut provenir de ce que les retortes qu'on a coutume d'employer ne font pas vernies; ce qui, conformément à la découverte du Docteur Priestley, peut avoir donné lieu à l'abforption de quelques parties d'air commun, qui aura enfuite été fourni avec l'air déphlogistiqué : mais fi on peut démontrer que l'air déphlogistiqué retiré du nitre dans des vaiffeaux de verre ou de terre verniffée eft auffi impur, cela fera voir que c'eft une partie de l'acide contenu dans le nitre, qui éft changé en air phlogiftiqué, en abforbant le phlogiftique de la partie aquenfe.

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D'après ce queje viens de dire, il paroît que l'acide agit d'une manière bien différente dans la production de l'air déphlogistiqué qu'on retire du précipité rouge & du nitre. Dans le premier cas, l'acide commence à monter laiffant la fubftance qui fe trouve dépouillée de la partie de fon phlogiftique; dans le fecond cas, l'air déphlogistiqué paffe d'abord, & laiffe l'acide combiné au phlogistique de l'eau, dont celle-ci étoit formée.

(1) C'eft environ 81 grains (mefure) par grain de nitre, & la pefanteur de l'air déphlogistiqué le fuppofant 800 fois plus léger que l'eau, eft un dixième de celle du nitre, & certainement j'aurois eu une plus grande quantité d'air, fi j'avois donné un feu plus fost.

(2) Cette phlogiftication de l'acide dans le nitre par la chaleur, a été observée par M. Scheele. Voy. fes Expériences fur l'air & le feu.)

Lorfqu'on diftille un mélange de mercure & d'huile de vitriol jufqu'à ficcité, une partie de l'acide monte unie au phlogistique fous la forme d'acide fulfureux volatil & de gaz acide vitriolique. Ainf, la maffe blanche qui refte peut être confidérée comme du mercure dépouillé de fon phlogistique & uni à une certaine quantité d'acide & d'eau, ou comme du mercure uni à une certaine proportion d'acide & d'air déphlogittiqué. D'après cela, fi on donne à cette matière blanche un feu plus violent, l'air déphlogistiqué monte, & en même temps une portion du mercure paffe fous fa forme métallique. Il y a auffi une portion de la maffe blanche qui fe fublime, unie fans doute à une plus grande proportion d'acide qu'auparavant. Ainfi, les circonftances de la production de T'air déphlogistiqué du turbith minéral ou du précipité rouge, font prefque les mêmes.

Le vrai turbith minéral eft préparé avec la masse blanche dont je viens de parler, qu'on lave bien avec de l'eau; & par ce lavage, il acquiert une couleur jaune, & il contient auffi moins d'acide que la maffe non lavée. D'après cela, il paroît vraisemblable que lorfqu'on l'expofe à la chaleur, il y en a bien moins qui fe fublime fans fe décompofer, & on en retirera conféquemment une plus grande quantité d'air déphlogistiqué que de la maffe non lavée.

Ceci est une preuve que l'eau peut être préférée au feu dans certains cas, pour féparer avec avantage l'excès d'acide vitriolique que diverfes bafes peuvent avoir. Le tartre vitriolé en eft une nouvelle preuve; car fi ce fel fe trouve mêlé à de l'huile de vitriol, & qu'on vienne à lui donner une grande chaleur, la maffe reftera très-acide; mais fi on la diffout dans l'eau & qu'on évapore: les criftaux ne feront pas fenfiblement acides.

Il paroît probable que l'acide vitriolique agit de la même manière dans la production de l'air déphlogistiqué retiré de l'alun, que l'acide nitreux le fait en le fourniffant du nitre; c'eft-à-dire, la partie aqueufe s'élève d'abord fous la forme d'air déphlogistiqué, laiffant l'acide chargé de fon phlogistique. Je ne puis point affurer fi c'eft la même caufe à l'égard du vitriol bleu & du vitriol vert, ou fi, dans ceux-ci, l'acide n'agit pas de même que dans le turbith minéral. Je préférerois cependant ce der

nier fentiment.

On a trouvé un autre moyen pour le procurer l'air déphlogistiqué en très-grande quantité: je parle des végétaux qu'on fait croître au foleil ou à la lumière. Il me paroît probable que ces plantes, aidées par la lumière, dépouillent de fon phlogiftique la partie de l'eau pompée par les racines, & la changent en air déphlogiftiqué, & alors le phlogiftique, s'uniffant à la fubftance de ces plantes, vient en former partie.

Il y a plufieurs circonstances qui prouvent que la lumière a un pouvoir remarquable pour difpofer un corps à abforber le phlogiftique d'un autre. M. Senebier a obfervé que les teintures vertes retirées des feuilles des vé

pas

ou fi

getaux par l'efprit-de-vin, perdent bientôt leur couleur quand on les expofe au foleil dans une bouteille remplie au tiers: mais cela n'a lieu à l'obfcurité, ou quand la bouteille eft pleine de la teinture, l'air de la bouteille eft phlogistiqué. D'après cela, il eft naturel de conclure que c'eft la lumière qui facilite la partie déphlogiftiquée de l'air à abforber le phlogistique de la teinture; & cela eft d'autant plus vraifemblable , que je trouve que l'air dans la bouteille eft confidérablement phlogistiqué par cette expérience. L'efprit de nitre déphlogistiqué acquiert auffi une couleur jaune, & devient phlogistiqué en l'expofant aux rayons du foleil (1); & je trouve de même que l'air de la bouteille qui le contient, devient déphlogistiqué, ou, dans d'autres expreffions, qu'il reçoit une augmentation d'air déphlogistiqué; ce qui fait voir que le changement qui arrive dans l'acide n'eft pas dû aux rayons du foleil qui lui fourniffent du phlogistique, mais à ce que ces rayons lui donnent la faculté d'abforber le phlogiftique que l'eau contient, & de produire par-là de l'air déphlogistiqué. M. Scheele a auffi trouvé que la couleur noire que la lune cornée acquiert lorfqu'elle eft expofée à l'air, eft due à la partie revivifiée, & que l'or diffout dans l'eau régale, & privé, par la distillation, des acides nitreux & marins en furabondance, eft revivifié par un moyen femblable; & il y a tout lieu de croire que, dans ces deux cas, la réduction du métal eft due à l'abforption du phlogiftique de l'eau.

Les végétaux femblent être compofés prefque entièrement des airs fixe & phlogistiqué unis à une grande quantité de phlogistique & à un peu d'eau, puifque, lorfqu'on les brûle à l'air libre, le phlogistique qu'ils contiennent s'unit à la partie déphlogistiquée de l'atmosphère, pour former l'eau. Cela fait voir qu'ils font changés prefque entièrement en eau & en ces deux espèces d'air. Maintenant les plantes qui croiflent dans l'eau pure fans terre, peuvent recevoir leur nourriture de l'eau & de l'air feuIement, & elles doivent auffi absorber en toute probabilité le phlogistique de l'eau. On fait auffi que les plantes qui croiffent dans l'obfcurité n'ont pas leur vigueur ordinaire, & elles croiffent d'une manière différente de celles qui ont le contact de la lumière.

D'après ce que nous avons dit, il paroît vraisemblable que l'utilité de la lumière aux végétaux eft de leur donner la faculté d'abforber le phlogiftique de l'eau, en avançant leur végétation, & en augmentant la pro

(1) Si on diftille de l'efprit de nitre à une chaleur très-foible, la portion qui paffe eft très-colorée & fumante, & celle qui refte eft fans couleur & moins fumante, quoique de la même force que celle qui a diftillé, & les vapeurs font auffi fans couleur: on le nomme dans cet état efprit de nitre déphlogistiqué, vu qu'il paroît être réellement dépouillé de phlogistique par ce procédé. La manière de le préparer, ainfi que la faculté qu'il a de reprendre fa couleur en l'expofant à la lumière, ont été détaillées dans les Mémoires de Stockholm, par Scheele, 1774.

duction

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