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rapport aux phénomènes de l'acide trouvé dans la liqueur condentée, ont été faites dans l'été de 1781, & j'en fis alors part au Docteur Priestley, qui, d'après cela, fit quelques expériences de même nature, comme il le rapporte dans un Mémoire imprimé dans le dernier volume des Tranfactions. C'eft aufli l'été dernier qu'un de mes amis en fit part à M. Lavoifier, ainsi que des conféquences que j'en tirois, que l'air déphlogistiqué eft l'eau dépouillée de phlogistique. Mais M. Lavoifier étoit alors bien éloigné de croire à cette opinion; & jufqu'à ce qu'il a eu par lui-même répété l'expérience, il ne pouvoit penfer que ces deux airs pouvoient être changés presque en totalité en eau. Il est à remarquer que ces deux Meffieurs n'ont point trouvé d'acide dans l'eau produite par la combustion; ce qui me fait croire que le dernier a brûlé les deux airs d'une manière qui diffère de la mienne, & que le premier a fait ufage d'un air inflammable différent peut-être de celui retiré des charbons, ou peut-être en l'employant en plus grande quantité.

Avant d'entrer dans les caufes de ces phénomènes, je dois faire obferver que je regarde l'air phlogistiqué comme l'acide nitreux uni au phlogistique; vu que, lorfquel'on fait détoner le nitre par le charbon, l'acide nitreux fe trouve prefque entièrement couverti en cette efpèce d'air. Le même acide est auffi encièrement changé en air par le procédé connu fous le nom de clyffus de nitre; car fi on a eu la précaution de faire bien fécher le hitre & le charbon avant l'opération, à peine trouve-t-on quelque chofe dans le récipient qu'on a mis pour condenfer les vapeurs; mais s'ils font humides, on obtient un peu de liqueur, qui n'eft que l'eau que ces deux fubftances contenoient, laquelle fe trouve imprégnée d'un peu d'alkali volatil, dû, felon toutes les apparences, au charbon qu'il eft rare d'avoir bien brûlé. Elle eft auffi imprégnée d'un peu d'alkali fixe, qui provient du nitre alkalifé & volatilisé par la chaleur & l'humidité des vapeurs. Je ne crois point que cet air diffère de l'air commun phlogistiqué; cependant il y a une petite portion de l'acide qui eft changé en air nitreux, & le tout eft mêlé à une affez grande quantité d'air fixe, & quelquefois à une petite portion d'air inflammable, tous deux produits par le charbon.

Il est bien connu que l'acide nitreux eft auffi changé, par la phlogistication, en air nitreux; ce qui fait voirla grande analogie qui fe trouve entre ce phénomène & celui qui arrive avec l'acide vitriolique; car ce dernier acide, uni à une très-petite portion de phlogistique, produit de l'acide fulfureux & du gaz acide vitriolique; & tous deux, expofés à l'air, perdent leur phlogistique, à la vérité lentement, & ils paffent de nouveau à l'état d'acide vitriolique: mais quand il eft uni à une plus grande portion de phlogistique, il forme le foufre, qui ne donne des fignes d'acidité que par le léger degré d'affinité qu'il a avec l'alkali; & le phlogistique s'y trouve tellement combiné, que quand vous l'expofez à l'air, il ne peut s'en échapper, à moins que vous n'aidiez d'une chaleur qui le fasse brûler:

de même l'acide nitreux, uni à une certaine quantité de phlogistique, forme les vapeurs nitreufes, & le gaz nitreux, qui, expofé à l'air, abandonne fur le champ fon phlogistique: mais quand la combinaifon eft faite d'une manière différente, &, comme je le crois probable, à une plus grande portion de phlogistique, il forme l'air phlogistiqué, qui ne donne point de fignes d'acidité, & qui eft moins difpofé que le foufre à quitter fon phlogistique.

Cela pofé, on peut expliquer de deux maniéres comment l'acide s'eft trouvé dans la liqueur condenfée; 1°. en fupppofant que l'air déphlogiftiqué contient un peu d'acide nitreux, qui fe trouve une de fes parties conftituantes, & que cet acide, uni au phlogiftique, fe change en air phlogiftiqué, pourvu que l'air inflammable foit employé en proportion fuffifante; ce qui n'a pas lieu lorfque l'air inflammable eft en trop petite quantité; 2°. en fuppofant qu'il n'y a pas d'acide nitreux mêlé à l'air déphlogistiqué, ou entrant dans fa compofition; mais que, par la grande affinité qu'a le phlogistique avec l'air déphlogistiqué, une partie de l'air phlogistiqué eft dépouillée du phlogistique par l'air déphlogistiqué, & changé en acide nitreux; au lieu que lorfqu'il n'y a que la quantité néceffaire d'air déphlogistiqué pour confumer l'air inflammable, il n'y en refte point du tout pour dépouiller l'air phlogistiqué de fon phlogistique, & le changer en acide nitreux.

que

Si la dernière explication eft vraie, je crois que nous devons avouer l'air déphlogistiqué n'eft pas l'eau déphlogistiquée, ou l'eau dépouillée de fon phlogistique, ou, dans d'autres expreflions, que l'eau eft le réfultat de l'union de l'air déphlogistiqué avec le phlogistique, & que l'air inflammable eft ou pur phlogistique, comme le Docteur Priestley & M. Kirwan le croient, ou l'eau unie au phlogistique (1), puifque, d'après

(1) L'une & l'autre de ces fuppofitions feront d'accord avec les expériences fuivantes; mais la dernière me paroît la plus vraisemblable; & ce qui me fait adopter cette opinion, c'eft que l'air commun & l'air déphlogiftiqué n'abforbent point le phlogistique de l'air inflammable, à moins qu'ils ne foient en contact avec un corps déjà allumé, au lieu que, fans ce fecours, ils abforbent le phlogistique de l'air nitreux, du foie de foufre, & de plufieurs autres fubftances; & il paroît inexplicable qu'ils refu faffent de s'unir au phlogistique pur, quand ils peuvent l'enlever aux fubftances dans lesquelles il eft combiné; c'eft à dire, qu'ils euffent une affinité affez grande avec le phlogif tique, pour l'enlever aux fubftances qui le contiennent, tandis qu'ils ne pourroient s'unir avec lui, quand on le leur préfente dans un état de pureté. D'un autre côté, je ne connois point d'expérience qui prouve que l'air inflammable eft le phlogistique pur, plutôt que l'union de ce dernier avec l'eau. J'en excepte les expériences du Docteur Priestley, qui confiftent à chaffer l'air inflammable du fer par la chaleur, Je ne connois pas affez les circonftances de cette opération, pour en parler avec certitude; mais je crois qu'il eft plus vraisemblable qu'il eft ici formé par l'union du phlogistique de la limaille de fer avec l'humidité qu'elle pouvoit contenir accidentellement, foit en

cette

cette fuppofition, ces deux fubftances, unies enfemble, forment l'eau pure.

D'un autre côté, fi la première explication eft vraie, nous devons fuppofer que l'air déphlogistiqué eft compofé d'eau dépouillée de fon phlogiftique, & unie à un peu d'acide nitreux: mais je le répète, l'acide nitreux qui s'y trouve doit faire une bien petite portion du tout, puifque l'air phlogistiqué dans lequel il fe trouve changé, eft bien peu de chofe en raifon de l'air déphlogistiqué employé.

Je crois que la feconde de ces explications paroît bien plus vraifemblable, d'autant que j'ai prouvé que l'acide qui fe trouve dans la liqueur condenfée, étoit de nature nitreufe, foit que l'air déphlogistiqué eût été retiré du précipité rouge, foit même qu'on l'eût obtenu des plantes ou du turbith minéral. J'ai auffi fait voir qu'on trouve un peu d'acide nitreux dans l'air déphlogistiqué retiré des plantes, & je l'y ai démontré d'une manière bien moins douteufe que dans l'air retiré du turbith mi

néral.

• Une autre forte preuve en faveur de cette opinion, eft est que l'air déphlogiftiqué ne donne pas d'acide nitreux, quand il eft phlogistiqué par le foie de foufre; car fi cet air contient de l'acide nitreux, qu'il manifefte quand il eft phlogistiqué par la détonation avec l'air inflammable, il eft très-extraordinaire qu'il ne le fourniffe pas de même quand il eft phlogiftiqué avec d'autres fubftances. Mais une preuve encore plus forte, & je crois prefque décifive en faveur de cette théorie, eft que lorfque l'air déphlogistiqué eft très-pur, & qu'on mêle à l'air qu'on doit faire détoner, un peu d'air phlogistiqué; alors la liqueur condenfée eft beaucoup plus acide. C'eft ce que les expériences fuivantes vont démontrer.

J'ai fait détoner, à la manière accoutumée, un mélange de 18500 grains (mefure) d'air inflammable, avec 9750 d'air déphlogistiqué tiré du précipité rouge.

Dans une feconde expérience, j'ai fait auffi détoner un mélange des mêmes quantités des deux airs déphlogistiqué & inflammable, auxquels j'avois ajouté 2500 d'air qui avoit été phlogistiqué par le fer & le foufre mêlés ensemble. Les liqueurs condenfées dans les deux expériences étoient acides; mais l'acidité étoit plus grande dans la dernière, comme je m'en fuis affuré en les faturant féparément avec du marbre en poudre, &précipitant la terre des diffolutions par l'alkali fixe. Le précipité de la feconde expérience pefoit la cinquième partie d'un grain, & celui de la première

core que cette humidité fe trouvât dans la cornue, ou autre vaiffeau dans lequel la limaille a été chauffée ; & il eft d'autant plus probable que cela eft la vraie caufe de la féparation du phlogifique, c'eft que le fer ne paroît point difpofé à quitter fon phlo giftique par le feu feul, à moins qu'il ne foit aidé de l'eau, de l'air, où de toute autre fubftance.

plufieurs fois moins. Le degré de pureté de l'air brûlé dans la première expérience, étoit 1,86; & dans la feconde, 0,9.

J'obferverai que toutes les circonstances étoient les mêmes dans ces deux expériences, excepté que dans la dernière, où l'air avoit été mêlé à de l'air phlogistiqué avant la détonation, & que l'air brûlé en conféquence s'eft trouvé plus phlogiftiqué que dans la première; & d'aprèsce que j'ai dit plus haut, il paroît que cette dernière circonftance devoit rendre la liqueur condenfée moins acide. Cependant elle l'étoit davantage; ce qui fait voir que c'est l'air phlogistiqué qui a fourni l'acide.

Afin de confirmer davantage cette affertion, j'ai répété ces deux expériences, en les variant un peu ; c'est-à-dire, dans la première expérience, j'ai commencé par introduire dans le globe 1500 d'air déphlogistiqué, & alors le mélange, qui étoit de 12200 d'air déphlogistique, & de 25900 d'air inflammable, y a été auffi-tôt introduit en divers temps, comme j'avois coutume de procéder. Dans la feconde expérience, outre les 1500 d'air déphlogistiqué que j'ai introduit dans le globe, j'y ai auth fait paffer 2500 d'air phlogistiqué; enfuire le mélange, qui étoit det même que dans la première expérience, a été introduit de même en différentes parties. La liqueur condenfée de la feconde expérience étoir environ trois fois plus acide que celle de la première, puifqu'il a fallu 119 grains de diffolution de fel de tartre pour les faturer, & 37 pour fa turer la liqueur acide de la première expérience. Le degré de pureté de l'air brûlé étoit 0,78 dans la feconde expérience, & 1,96 dans la pre

mière.

Dans ces deux dernières expériences, j'ai commencé par introduire un peu d'air déphlogistiqué, parce que, cette précaution contribue à rendre la liqueur condenfée plus acide; & je crois avoir prouvé que cela en est la vraie caufe.

Dans la première de ces deux expériences, pour être affuré que l'air qu'on feroit déroner ne contiendroit point du tout d'air commun, j'ai eu la précaution de remplir le globe avec un mélange d'air inflammable & d'air déphlogistiqué; puis y ayant fait le vide, j'y ai introduit l'air qui a fervi à l'expérience. Par ce moyen, j'étois, affuré que le globe ne contenoit pas du tout d'air commun. D'après ce procédé, quoiqu'il fûr impoffible de faire le vide parfait dans le globe, l'air commun qui pou voit y refter étoit peu de chofe. Je n'avois pas eu égard à cette circonftance dans mes premières expériences, & if ne m'étoit pas encore venu à l'idée de m'affurer de la pureté de l'air déphlogistiqué.

D'après tout ce que je viens d'avancer, je penfe avoir la plus grande raifon de croire que l'air déphlogistiqué n'eft que l'eau dépouillée de fon, phlogistique, & que l'air inflammable, comme je l'ai dit, eft l'eau phlo: giftiquée ou pur phlogistique: mais la première manière de voir me paroît la plus probable.

Comme M. Watt avance, dans un Mémoire la dernièrement devant cette Société, que l'eau eft compofée d'air déphlogistiqué & de phlogif tique, dépouillés de la partie de leur chaleur cachée ; & comme je ne fais point mention de cette dernière circonftance, je crois qu'il convient que je dife en peu de mots les raifons de cette différence apparente dans nos fentimens. Si c'eft de la chaleur élémentaire que veut parler M. Watt, j'accorderai que ce qu'il avance eft vrai; mais, par la même raifon, nous devons dire que les acides minéraux affoiblis font compofés de leurs acides concentrés unis à l'eau & dépouillés de la partie de leur chaleur cachée; que les diffolutions de fel ammoniac & de prefque tous les autres fels neutres, font formées de leurs fels unis à l'eau & à la chaleur élémentaire; & un pareil langage doit être mis en ufagé dans prefque toutes les combinaisons chimiques, vu qu'il y en a très-peu qui ne puiffent être regardées avec quelque augmentation du diminution de chaleur. Maintenant, je ne me fervirai point de cette manière de parler, parce que je crois qu'il n'existe point une chofe telle que la chaleur élémentaire, & que, s'exprimant ainfi dans cette circonstance, & n'employant point des expreffions femblables en parlant des autres combinaisons chimiques, ce langage feroit impropre, nous conduiroit à de fauffes idées, & nous jetteroit même dans des doutes, fi toutefois, en l'employant en général, il ne caufoit plus de Troubles & d'incertitudes que la chofe ne le mérite.

Nous avons la plus grande raifon de croire que les airs déphlogistiqué & phlogistiqué, comme MM. Lavoifier & Scheele le prétendent, font des fubftances tout à fait (diftinctes; que ce n'eft pas feulement dans leur degré de phlogistication qu'ils diffèrent, & que l'air commun eft un mélange des deux : car fi l'air déphlogistiqué est bien pur, il perd toute fon élasticité par la phlogistication ; & il est changé en eau, au lieu d'être converti en air phlogistiqué, comme il a été démontré par les expériences précédentes; car, dans prefque toutes du tout ont été pour le moins changés en eau; & en traitant l'air déphlogistiqué avec du foie de foufre, je l'ai réduit à moins de de fa première quantité ; & d'autres perfonnes, je crois, l'ont réduit à une quantité moindre; de manière qu'il y a tout lieu de croire que la petite portion qui refte après la phlo giftication, eft due feulement aux impuretés qui lui restent mêlées.

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J'ai déjà dit que l'air déphlogistiqué étoit réduit, par le foie du foufre, à de fa quantité première; le degré de pureté de cet air étoit 4,8, & conféquemment celui de l'air déphlogistiqué abfolument pur, doit être bien près de 5 ; ce qui confirme l'opinion précédente: car fi le degré de pureté de l'air déphlogistiqué pur eft comme 5, l'air commun, d'après cela, en contient un cinquième, & conféquemment il doit perdre, par la phlogistication, un cinquième de fa quantité. C'est ce que nous ve nons de trouver qu'il perdoit.

D'après cela, au lieu de dire que l'air eft phlogistiqué ou déphlogistiqué

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