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mais moins hautes en couleur du côté de leur nervure. Ces feuilles font alternes, leur plus grande longueur ne paffe pas 9 à 10 lignes. Cette plante eft vivace; fa claffe doit être, fuivant Linné, celle des décandries, & fon ordre celui des monogénies. On en va juger par le détail de fes parties caractéristiques.

Figure 1ere. Mouretier dans fon état naturel, partie en fleurs & partie en fruits, a racine, b tige, ccc fleurs monopétales en grelots & à cinq divifions; elles font hermaphrodites & axillaires; elles portent fur un péduncule d. Ces fleurs font de couleur rofe; elles montrent cinq côtés à leur extérieur; elles commencent à paroître dès le mois de Mai.

Figure 2, Fleur ou corolle ouverte pour laiffer voir la dentelure de fon tube e.

Figure 3.f. Calice polyphyle de fa fleur; il fort de l'aiffelle des feuilles; g, feuille florale.

Figure 4. Grandeur & couleur des feuilles qui compofent le calice; les deux grandes i font placées entre les deux petites j. (Voy. les lettres f & h, fig. 3 & 5.) Ces feuilles tombent avant la maturité de la baie, à peu près en même temps que la corolle & les étamines; il ne refte pour l'ordinaire que le piftil. La lettre k, fig. 1, représente une baie dans ce

dernier état.

Figure 5. Difpofition des étamines, autour du piftil m. Les étamines font au nombre de dix; elles font de couleur aurore ou fouci foncé. Le piftil eft d'un vert tendre à fon fommet, devenant plus rembruni à fa bafe. Lorsqu'il refte attaché au fruit mûr, il prend une teinte rougebrun; n, projection de la corolle, pour faire voir la manière dont elle enveloppe fes étamines & le piftil.

Figure 6. Courbure que prend le péduncule à fa partie inférieure, lorfqu'il eft chargé du fruit. La même figure repréfente une étamine vue de profil auprès du piftil.

Figure 7. Etamine ifolée, o fon filet, p fon anthère; les deux par. ties q s'infinuent fur le piftil, & les deux autres r fe jettent en ar

rière.

Figure 8. Piftil ifolé; s, fon couronnement.

Figure 9. Fruit ou baie nommée mouret ; fon épiderme, couvert de rofée, préfente une couleur approchante de celle du raifin noir;, nombril; u, dentelures: ce font les places d'où fortent les filets des étamines. On peut cueillir ces fruits depuis le 25 Juin jufqu'à la Saint-Denis en

viron.

Figure 10. Baie coupée en deux, pour montrer les deux loges qui contiennent ensemble une cinquantaine de graines. Le parenchyme ou la pulpe de cette baie tire plus ou moins fur le cramoifi.

Figure 11. Graine. Elle eft jaune lorfqu'elle eft deiféchée; mais elle paroît rougeâtre étant enfermée dans fa loge; fa figure eft triangulaire & taillée en forme de coin.

Figure 12. Partie des branches ou de la tige, vue féparément.

Figure 13. Partie d'une branche fur laquelle fe trouvent deux feuilles ifolées & placées comme elles le font naturellement, c'est-à-dire, en sens

alterne.

Nota. Une tige de mouretier, femblable à celle deffinée fig. 1, donne fouvent à la fois plus d'une douzaine de mourets,

Après avoir détaillé les parties qui caractérisent cette plante, je vais paffer aux propriétés que j'ai cru lui reconnoître, en la foumettant à différentes expériences. Je préviendrai auparavant que les gens de la campagne, fur tout les enfans, recherchent le mouret pour le manger: on en vend même dans les Villes. Les habitans de l'Ile d'Aurigny achètent beaucoup de ce fruit à Cherbourg. Le fuc en eft rouge cramoifi; il paroît légèrement acide. Réduit en confiftance d'extrait, il attire l'humidité de l'air; la pointe de l'acide domine la partie fucrée.

Sur la remarque que les perfonnes qui mangeoient du mouret avoient les dents, la langue & les lèvres teintes en une efpèce de violet; que les mains, le linge fur lequel on les effuyoit, devenoient teints pareillement de la même couleur, qui réfiftoit, jufqu'à un certain point, au lavage à l'eau froide, il me vint à l'idée de faire quelques effais.

Je fis bouillir quelque temps une certaine quantité de mourets dans un pot de terre neuf non verniffé, après y avoir ajouté un peu d'eau ; j'en paffai le fuc, & preffai le marc à travers une toile groffière de lin, un torchon blanc de leffive. La couleur du fuc me parut d'un affez beau rouge; la toile teinte par l'effet de l'expreffion fut expofée & féchée à l'air, après en avoir enlevé le marc avec la lame d'un couteau. De rouge qu'elle étoit, la toile prit un ton-de violet; toutefois on y reconnoiffoit des teintes bleuâtres.

Je trempai des chiffons de femblable toile blanchie dans le fuc exprimé. Séchés de même au foleil, ils préfentoient les mêmes effets, mais pas tout à fait auffi marqués.

La lame du couteau qui m'avoit fervi à enlever le marc ci-dessus, ayant été effuyé fur un torchon blanc de leffive, la toile m'a paru teinte d'un bleu affez décidé; on en remarquoit même la nuance fur la lame.

un

Je mis dans un verre contenant du fuc de mouret bouilli, de la limaille peu rouillée; le fuc ne tarda pas à prendre une couleur bleue ; j'y trempai quelques chiffons, qui en prirent une foible teinte.

J'effayai de faire digérer à froid le fuc de mouret fur le fer dans fon état d'agrégé. J'en verfai fur des clous non rouillés, fa teinte violette a bientôt paru; il s'eft formé un dépôt de la même couleur, qui, lavé

avec de l'alkali, a pris une couleur de bleu noir ou bleu foncé. L'alkali · phlogistiqué l'a changé en beau bleu de Pruffe.

Des morceaux de toile imbibés du fuc de mouret bouilli, après avoir été féchés, furent trempés dans une diffolution de favon; ils ne tardèrent pas à y prendre une teinte bleue.

Je tentai fur ce fuc l'épreuve des acides & des alkalis fixes & volatils ordinaires; l'un & l'autre alkali produifirent une couleur bleue très-foncée. Les acides la rougiffant, préfentèrent les mêmes changemens qu'avec le tournefol que je mettois à côté en comparaifon. La couleur rouge mouret feroit peut-être un bon réactif pour les alkalis.

du

Les alkalis fixes & volatils concentrés donnèrent une couleur bleue des plus foncées; mais les chiffons prirent en féchant une teinte plus ou moins verdâtre, felon qu'ils avoient été plus ou moins imbus de la diffolution peu étendue de ces alkalis, J'attribuai le changement du bleu en vert la force & à l'activité des alkalis trop concentrés. En effet, ayant coupé d'eau les menftrues, jufqu'à ce qu'ils euffent acquis feulement une légère faveur, de nouveaux chiffons ont confervé, en féchant, la teinte de bleu décidé que le bain d'alkali leur avoit donnée.

Raffuré fur la couleur bleue que donnoient les alkalis fixes & volatils, j'en conclus que l'urine putréfiée pourroit me donner le même résultat, & avec une économie fenfible dans une opération en grand.

J'expofai donc à la vapeur de l'urine putréfiée quelques chiffons imbibés auparavant de la couleur rouge de fuc de mouret bouilli: ils prirent à la vérité une teinte bleue, mais elle étoit pâle. Je développai l'alkali volatil de l'urine avec de la chaux; les chiffons prirent une teinte plus foncée, mais tirant fur le vert. Je pris le parti de ne pas laiffer fécher tout à fait ces chiffons, & de leur conferver une certaine moiteur. Je croyois par-là me rapprocher davantage de leur état d'immersion dans les alkalis affoiblis. Cet effai me réuffit, & j'obtins une teinte bleue décidée & égale. Il faut remarquer que les teintes n'étoient pas d'un bleu noir dès cette première expofition des chiffons; mais trempés une feconde fois dans le fuc, féchés à moiteur, & expofés de nouveau à la vapeur de l'urine remuée & aiguifée tant foit peu par la chaux, ils ont pris une

couleur bleue noirâtre.

Cette couleur cependant, obtenue comme nous venons de le dire, n'eft pas de bon teint, puifque le lavage à l'eau chaude décolore un peu les chiffons; ce qui femble démontrer que l'on pourroit obtenir cette couleur en poudre ou en pâte.

La foie, le lin & le coton prennent très-bien la couleur bleue foncée.

Deux poignées de mourets donnent de fix à huit cuillerées de fuc.

Après avoir effayé d'obtenir, par l'urine, une couleur bleue du fuc

>

rouge des mourets, j'ai tenté la précipitation de la partie colorante par la voie de quelques fels neutres.

Avec la diffolution d'alun, la couleur rouge eft devenue obfcure; elle a tiré plus fur le pourpre ; il s'eft fait un précipité de la même cou

leur.

Avec la crême de tartre, à peu près la même chose.

Le vitriol de Mars a rembruni la liqueur; elle a perdu fa transparence, il s'eft fait un précipité violet foncé.

Une cuiller d'étain plongée dans le fuc, l'a rendu violet après quelques minutes d'immerfion.

Le fel de Saturne a changé fa couleur rouge en bleu foncé ; il a paru fur le champ un abondant précipité de la même couleur en maffe cailleboteufe. Cette couleur a diminué d'intensité avec le fuc de mouret fermenté; elle est devenue feulement couleur de ciel. Ces derniers précipités, féchés parfaitement & expofés fur un charbon

,

au moyen

d'une loupe, le feu du foleil a revivifié en globules le plomb qu'ils con

tenoient.

L'eau de chaux a coloré en bleu tirant fur le violet la liqueur rouge du mouret. Cette liqueur bleue, concentrée au foleil, a donné un extrait de la même couleur.

D'après ces différens effais, ne feroit-on pas tenté de dire que le phlogiftique des alkalis & des métaux font les feuls agens des couleurs qu'on a fait remarquer? Ne peut-on pas auffi regarder comme un effet de l'alkali volatil libre de la falive ou de la décompofition de celle-ci, le changement de la couleur rouge du mouret en la couleur plus ou moins violette qui paroît fur les lèvres, la langue, les dents, peu de temps après qu'on en a mangé. Celle de la même teinte qui paroît fur les mains, quand on en a touché, pourroit auffi être attribuée à l'humeur de la transpiration infenfible. Ne doit-on pas encore confidérer comme un effet de l'alkali du favon la couleur bleue qui paroît fur le linge roux de leffive imbibé du fuc de mouret; quelque bien ferrée qu'elle foit, une toile retient toujours quelques particules favonneufes.

L'alkali affoibli d'eau verfée fur l'extrait rouge du mouret , Y produit une effervefcence, & le change en bleu; les acides lui reftituent la couleur.

Plus fes baies font mûres, plus le fuc eft fufceptible de fe colorer en bleu foncé par l'action des alkalis.

vie.

Le fuc de mouret fermenté eft fufceptible de donner une eau-de

Tel eft le réfultat de mes recherches fur quelques propriétés du mouretier. Je regrette de n'être plus à portée de les continuer. J'ai cru ne devoir pas les taire; elles pourront faire naître des vues & des expériences plus concluantes. Il feroit à défirer que quelque perfanne fixée sur les lieux

voulût s'en occuper; peut-être la couleur bleue qu'il paroît qu'on en peut obtenir, feroit fufceptible de tourner à l'avantage des Arts & du Commerce. On ne fauroit trop multiplier les ingrédiens propres à la teinture : ce n'eft qu'en les recueillant & préparant fur notre propre fonds, que nous pourront parvenir à nous paffer des fecours de l'étranger.

SUITE DE LA DISSERTATION

D E M. LAND RIANI

SUR LA CHALEUR LATENTE;

Traduite par M. B. S. T. de Dijon.

LES compofitions métalliques offrent le même phénomène dont j'ai fait mention, & que Black & d'autres ont obfervé fur les fubftances. qui paffent de l'état de fluides à celui de folides; favoir, qu'elles fe criftallifent & fe confolident plus facilement quand elles font légèrement agitées, que lorfqu'elles font dans un repos abfolu; puifque, fi l'on fait fondre, par exemple, une livre de la compofition de M. Darcet, & qu'on l'échauffe jufqu'au 100 degré de Réaumur ; qu'enfuite on la verfe dans un vaiffeau de bois de faule cu de fapin, on remarquera qu'en agitant légèrement ce vafe, en le frappant doucement avec une baguette, la compofition fera toute criftallifée en une minute & demie ; au lieu que fi on le laiffe tranquille, il lui faudra 2 minutes & 50 fecondes pour fe confolider de même.

la

On ne doit pas attribuer à l'agitation une plus grande diffipation de chaleur; car fi l'on agite légèrement du mercure chaud de 80 degrés pourvu que l'agitation ne foit pas confidérable, fa chaleur fe diffipera à peu près dans la même progreffion que s'il n'étoit point agité du tout; tant il eft vrai que, dans notre expérience, l'agitation ne favorife pas diffipation de la chaleur libre & développée, mais dans la vérité ne fait diffiper que cette chaleur qui eft plus intimement combinée, & qui ne donne aucun figne extérieur de fa préfénce, finon lorfque le compofé métallique devient folide, qui eft l'unique moment où elle acquiert les qualités d'un feu libre développé. En effet, c'eft précisément à l'inftant que cet alliage eft près de fe confolider, que le thermomètre qu'on y a plongé monte par l'agitation du vafe, parce que c'eft alors même que

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