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en moins. On voit donc par-là que le centre de gravité cherché tombe à la vérité fous l'arc de la couleur verte, mais en s'approchant de 10 degrés de plus du jaune, & que par conféquent le mélange doit donner une couleur verte verte, qui cependant tire confidérablement fur le

jaune.

Que fi on vouloit rechercher auffi fi la couleur, dans fon efpèce, eft forte ou foible, on pourroit fe fervir de la proportion fuivante. Comme le nombre de degrés de tous les arcs dont on fe propofe de mêler les couleurs, eft au nombre de degrés de l'arc violet, c'eft-à-dire, comme 280 eft à 80, ainfi la diftance du centre du cercle eft à la diftance du centre commun des autres arcs au même centre du cercle. Je crois cependant que, dans le préfent cas, on ne peut omettre entièrement cette recherche, parce qu'on fait d'ailleurs que n'y ayant qu'une couleur de toutes qui n'entre pas dans le mélange, le centre de gravité cherché doit tomber très-près du centre du cercle. Dans les cas où les circonftances feroient plus compliquées, on pourra voir dans la Differtation du P. Benvenuti, ce qu'il y aura à obferver. Mais fi nous ne confidérons que les couleurs accidentelles, on rifqueroit aufli de fe tromper fouvent, en voulant juger de leur force ou de leur foibleffe par la pofition du centre de gravité trouvé, vu que la couleur du fond fur lequel on regarde la tache colorée ne laiffe pas d'avoir une grande influence fur l'image qui fe préfente enfuite fur un fond blanc. La fuite le fera voir & nous avons même déjà obfervé (§. II.) que toutes les couleurs accidentelles font beaucoup plus parfaites quand on confidère les réelles fur une furface noire.

S. VIII. Suppofez maintenant qu'on demande le réfultat du mélange de toutes les couleurs primitives, en omettant la verte. Nous avons donné à cette couleur, dans la divifion du cercle, 60 degrés; la moitié de cet arc, ajoutée aux 60 de la couleur bleue, fait 90°; plus, 40° degrés de l'indigo donnent 130°. Il manque à ce nombre 50 pour compléter 180°, & c'eft fur le violet qu'il faut les prendre. On en conclura donc de foi-même, que le centre de gravité commun tombe dans le violet, mais en s'approchant davantage du rouge de 10 degrés; de forte la couleur compofée fera violette, mais mêlée fenfiblement de rouge, & vifiblement très-foible, puifque ce n'eft que l'exception d'une feule couleur qui fait qu'elle n'eft pas entièrement blanche. Mais n'eft-ce pas là cette foible couleur de pourpre semblable à une amethifte pále, qu'on voit après avoir fixé une tache verte fur un fond blanc, de laquelle nous avons fait mention ci-deffus en rapportant les expériences de M. de

Buffon?

que

L'oeil fatigué par une longue attention à la couleur verte, & jeté enfuite fur la furface blanche, n'eft pas en état de reffentir vivement une impreffion moins forte de rayons verts. Or, à la vérité, toutes les mo

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difications de la lumière font réfléchies par la furface blanche; mais les vertes font en beaucoup moindre quantité, en comparaifon de celles qui frappoient l'œil en venant de la tache verte. Si donc on fixe l'œil fur le papier blanc, il arrivera que celles des parties de l'œil qui auparavant avoient fenti une plus forte impreffion de la lumière verte que les autres, ne pourront pas éprouver à préfent tout l'effet de cette lumière; mais elles auront la fenfation d'une couleur mêlée des autres rayons, laquelle reffemblera, comme nous venons de le montrer, à une couleur de pourpre pâle.

§. IX. M. de Buffon a trouvé de la même manière, que la couleur accidentelle d'une figure bleue, confidérée fur un fond blanc, étoit rougeâtre & pâle. Je ne doute pas qu'on ne m'accorde que l'œil, mis hors d'état par une forte fenfation de quelque couleur, de reffentir une impreffion moins forte des rayons de la même espèce, que l'œil alors, dis-je, ne fera pas en état non plus de diftinguer avec précifion les rayons qui ont une affinité avec ceux-là, & qui déjà naturellement font encore plus foibles. Une couleur de cette efpèce eft, fuivant moi, l'indigo comparé au bleu clair. C'est un bleu qui eft feulement plus foncé. Ne peut-on pas foupçonner donc que l'impreffion de l'indigo n'eft pas fuffifante pour faire fenfation fur un œil qui auroit déjà été fatigué en regardant du bleu ? Cela pofé, on comprend qu'ayant fixé une figure bleue & jetant l'œil enfuite fur du papier blanc, la partie de l'œil où la figure s'étoit peinte ne reffentira d'effets fenfibles que des rayons rouges, orangés, jaunes verts & violets, qu'elle ne recevra qu'une impreffion infenfible des rayons bleus & indigos, & qu'il faudra donc faire, abftraction de ces deux dernières efpèces, & chercher la couleur qui réfulte du mélange des cinq autres. Les arcs du bleu & de l'indigo, pris enfemble, font 100°; ajoutez à la moitié de cette fomme les 80° du violet, & les 45° du rouge, vous aurez déjà 175°, & il ne faudra par conféquent qu'ajouter encore 5 degrés de l'orangé pour compléter la mefure du demi-cercle. Ainsi, le centre de gravité des couleurs mêlées fe trouvera fous l'orangé, & trèsproche du rouge, & on juge aifément que la couleur mêlée ne fera pas facile à diftinguer d'avec cette dernière.

Si M. de Buffon s'eft fervi, pour fon expérience, d'un bleu bien clair, on ne s'étonnera pas que la couleur accidentelle lui ait paru rouge. Celui dont je me fuis fervi, en répétant pour la première fois les expériences de M. de Buffon, étoit parfait dans son espèce, & fa couleur accidentelle me parut orangée, de même qu'à une autre perfonne qui étoit pré

fente.

Je remarquerai ici généralement que M. de Buffon, dans le Mémoire que nous citons, n'indique jamais les couleurs que par le nom général de bleu, de rouge, &c., fans donner une détermination plus exacte de l'efpèce. Ot, y ayant tant de couleurs différentes qui fe rangent dans

la

la claffe du bleu, il faut abfolument auffi que les expériences donnent des résultats qui diffèrent entre eux. Je m'aflure cependant que cette différence ne regardera jamais la couleur principale, fur-tout quand on a fixé l'œil pendant long-temps fur des couleurs peu vives, telles que font le bleu ; l'indigo, le vert foncé, le violet, &c. .

&

S. X. Ce que j'ai obfervé plus haut touchant l'affinité entre l'indigo & le bleu clair, s'entend par la même raifon du rouge: & du violet clair, principalement quand le rouge destiné à l'expérience eft un peu foncé, & approchant du pourpre; car cette efpèce de violet: tire auffi fur le rouge, étant feulement moins vive. Si l'œil donc eft incapable de reffentir l'im preffion du rouge, il faut qu'il foit de même infenfible pour la plus grande partie des rayons violets. Or, effayons d'exclure du mélange le rouge, au moins deux tiers du violet, nous aurons pour moitié de leur fomme 49 degrés 10 minutes, qui, avec 27 de l'orangé, 48 du jaune, & 60 di vert, font 184 degrés ro minutes. Il fuit de là, que le centre de gravité commun fe trouve dans le vert, & feulement à une distance de 4° 10! du bleu, duquel il feroit un peu plus éloigné, fi on avoit omis entièrement le violet. Cela n'empêche pas que, même de cette manière, nous n'obtenions un vert qui tire fur le bleu, & qui doit être affeze vif, parce que, par l'exclufion d'un arc confidérable que nous avions admife, le centre de gravité des autres arcs tombe affez loin du centre du cercle; & qu'outre cela, une des plus fortes couleurs, favoir le rouge, ne se trouve pas dans le mélange. Une tache couleur de vermillon doune une couleur apparente, qui tire beaucoup plus fur le bleu.pd

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§. XI. La manière de calculer dont nous nous fommes fervi jufqu'ici, fait voir qu'en omettant le jaune, la couleur mêlée tombe dans l'indigo, fort près du violet, duquel elle fera plus éloignée, fi on omet auffi l'orangé. C'est pourquoi une tache jaune, fixée pendant quelque temps, se peint en bleu fur une furface blanche!

Si on veut fe fervir des couleurs primitives de la lumière. pour les expériences, on fera tomber le fpectre fur up fond blane, à une diftance pas trop grande du prifme. On pourra de cette façon cónfidérer les cout leurs primitives dans l'ordre l'une après l'autres & remarquer leurs couleurs accidentelles. Si, dans le spectre, le rouge eft en haut & le violet en bas, la première couleur accidentelle fera un bleu tirant fur le vert; lá feconde fera un bleu prefque indigo; la troisième un bleu, mais plus violet; la quatrième, pourpre; la cinquième, rouge; la fixième, orangé, mais un peu pâle; la feptième enfin, un vert fort jaune. La divifion du cercle indiquée donne les mêmes couleurs apparentes.

On peut obferver ces couleurs encore plus diftinctement, en confidérant à la lumière du jour une croisée de fenêtres par le prifme; car on voit au-deffus de la barre tranfverfalé le vert le bleu, l'indigo, & le violet';

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& au-deffous, le rouge, l'orangé, & le jaune, quand l'angle réfringent du prifme eft tourné en bas. Or, l'impreffion de ces couleurs prifmatiques, lorfqu'en paffant par le verre elles tombent immédiatement fur l'œil, eft incomparablement plus vive que quand elles font réfléchies auparavant par un autre corps: on voit auffi leurs couleurs accidentelles beaucoup plus parfaitement. Il ne faut cependant jamais perdre de vue la remarque que fait Newton au fujet du violet, dans fon Optique (Liv. I, part. 2, Prop. 6). La couleur violette compofée, dit-il, a généralement plus de feu & déclat que la fimple. Il ne faut donc pas que nous nous étonnions fi, en faifant le mélange, le centre de gravité commun tombe dans le violet, & que la couleur compofée contient cependant plus de rouge qu'il ne lui en reviendroit fuivant la divifion du cercle.

§. XII. Si je ne me trompe, tout ce que j'ai dit jusqu'à préfent, tant fur la fupputation des couleurs accidentelles, que fur leur origine, fe trouve fuffifamment d'accord, non feulement avec la théorie de Newton fur la lumière, mais auffi avec la connoiffance que nous avons de nos propres fenfations. Pour plus de certitude, nous ajouterons quelques recherches pour découvrir fi ce critère général, par lequel on cherche à connoître la vérité dans d'autre cas, a auffi lieu ici; c'eft-à-dire, fi les conféquences qu'on peut tirer des principes que nous avons pofés, fe trouvent confir més par l'expérience.

D'abord, ce qui précède doit faire conjecturer que la couleur aceidentelle, par exemple , par exemple, d'une tache rouge, confidérée fur un fond noir ou blanc, doit être obfcure ou ombrée, fi on jette l'œil fur une furface rouge, de même qu'on ne voit fur un fond blanc que l'ombre d'une tache blanche qu'on a confidérée auparavant fur un fond noir.

En fecond lieu, que fi la furface sur laquelle on confidère un carré rouge, eft elle-même colorée, par exemple, fi elle eft jaune, un papier blanc fur lequel enfuite on jette l'œil, paroîtra bleu, & qu'on y remarquera un carré vert, & qu'en général on doit appercevoir, fuivant la règle que nous avons donnée, non feulement la couleur apparente de la figure, mais auffi celle du fond.

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En troifième lieu que fi, dans le temps qu'on confidère la figure colorée, on change la fituation de l'œil, de manière que l'image vienne à occuper une autre place fur la rétine, on verra la figure double ou diffemblable de la vraie.

Enfin, 4°. que la figure apparente prendra fur le papier blanc un bord pâle, quand on approche l'œil un peu de la tache colorée, pendant qu'on la regarde, & fans que l'image change de place fur la

rétine.

S. XIII. On peut déduire encore de l'explication que nous avons donnée, la vraisemblance d'un plus grand nombre de phénomènes pareils;

&quiconque voudra fe donner la peine de les vérifier par l'expérience, fera content du fuccès. On verra, par exemple, une figure verte fur un fond jaunâtre, après avoir confidéré un carré rouge fur du papier bleu. Pareillement, fi le fond a été jaune & la tache bleue, on verra une tache jaune dans un champ bleu, &c. Il n'eft pas plus difficile de fe convaincre que le carré imaginaire fe change en une figure oblongue, quand on change la pofition de l'œil.

(La Suite au Journal prochain ).

OBSERVATIONS

SUR LA DÉCOMPOSITION DE L'ACIDE NITREUX
PAR LE PHOSPHORE (1);

Par M. CHAPTAL, Profeffeur de Chimie des Etats de Languedoc.

LORSQU'EN

ORSQU'EN 1781, je communiquai à la Société Royale des Sciences de Montpellier mes expériences fur la décompofition de l'acide nitreux diftillé fur le foufre, j'avois intention de lui faire part encore de la décompofition de ce même acide par le phofphore. Je fis connoître mes résultats à l'un de nos plus célèbres Chimiftes; & fur le rapport qu'il me fit que Marggraf en avoit obtenu de femblables, je ne jugeai plus mes obfervations dignes d'être rendues publiques. J'ai confulté Marggraf depuis cette époque, & n'ai pas été peu étonné, je l'avoue, de ne trouver dans les écrits que l'inflammation & l'explofion du phofphore par l'acide nitreux. J'ai donc repris mon travail, que j'ai regardé comme neuf, ai multiplié & répété mes expériences, & en ai dreffé le tableau fuivant, que j'ai l'honneur de vous communiquer.

Si l'on verfe de l'acide nitreux rutilant fur du phosphore, il fe produit une effervescence confidérable, & quelquefois une inflammation fubite. Ce phénomène étoit connu du célèbre Marggraf.

Le réfidu de cette combuftion de phofphore eft une liqueur rougeâtre

(1) M. Lavoifier a communiqué à l'Académie des Sciences un Mémoire fur le même objet, qui eft imprimé dans le volume de 1789.

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