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noire & âcre; le réfidu ou caput mortuum ne différoit pas de celui des

carnivores.

Les produits de la diftillation du fuc gaftrique des animaux herbivores non ruminans ont été une eau d'abord un peu alkaline, & enfin acide, une huile noire & âcre. Le caput mortuum fournit du fel marin, de l'alkali fixe en très-petite quantité, & de la terre calcaire. Le fuc gaftrique des animaux ruminans a donné, par la diftillation, une eau d'abord alkaline, & enfuite acide, toutes les fois que ce fuc étoit acide par la voie humide. En concentrant cette eau, j'en ai recueilli un peu d'acide que je fuis occupé à examiner, & il me paroît un acide animal. La distillation fournit encore du fel ammoniacal, que toutes les diftillations pourtant ne donnent pas; une huile empyreumatique. Le réfidu eft femblable à celui du fuc des animaux herbivores non ruminans.

Enfin, le fuc gaftrique alkalin des animaux ruminans a donné dans quelques cas, pour dernier produit, très-peu d'acide, & communément un flegme alkalin pendant toute la diftillation; l'huile & le charbon furent parfaitement femblables à ceux qu'on retire du fuc gaftrique des animaux herbivores non ruminans & ruminans, dans lesquels le fuc étoit

acide.

S. VI. Expériences fur l'anti-fepticité des fucs gaftriques des différens animaux. Le fuc gaftrique des animaux carnivores, mis dans des vafes de verre clos & découverts, expofés à la chaleur des diverfes faifons, s'eft toujours confervé très-fain & fans pourriture jufqu'à une entière deffi

cation.

Le fuc gaftrique des animaux omnivores s'eft confervé de même trèslong-temps fans pourriture; il ne s'eft même jamais corrompu au bout de plufieurs mois,

Le fuc gaftrique des animaux herbivores non ruminans & celui des zuminans jouiffent des mêmes propriétés, quand ils font acides; mais quand ils font alkalins, ils fe corrompent très-vîte, & plus ou moins vite, felon que la chaleur eft plus ou moins grande, & que fon alkalefcence eft plus ou moins forte.

Le fuc gaftrique des animaux carnivores, mêlé avec le fang, & versé en différentes dofes fur les viandes faines & gâtées, donne différentes preuves de fa puiffance anti-feptique, foit en les préfervant de la corrup tion, foit en les corrigeant, lorfqu'ils en étoient atteints; & leur action eft d'autant plus sûre & plus prompte, que la quantité du fuc gaftrique eft plus grande, relativement aux corps qu'on y joint.

Le fuc gaftrique des animaux omnivores, en y comprenant celui de l'homme, fe conferve fort bien feul, & ne diffère point à cet égard de celui des carnivores; mais fi on le mêle avec les viandes faines ou corrompues, & avec le fang fraîchement tiré ou putride, il m'a paru fep

A

Le fuc gaftrique des animaux herbivores non ruminans, reffemble à celui des carnivores par fon anti-fepticité, & il en eft de même du fuc gastri que des animaux ruminans herbivores, quand il eft acide.

Enfin, le fuc gaftrique alkalin des animaux ruminans, expofé aux épreuves dont je viens de parler, eft toujours fenfiblement feptique.

Ce chapitre fera terminé par la relation de quelques guérifons de maJadies internes & de plaies, opérées par le moyen du fuc gaftrique des animaux herbivores & ruminans, quand il étoit acide, d'où il résulte que ce fuc a de grands rapports avec celui des carnivores, & qu'on peut le fubftituer à celui des hibous, des hérons, d'autant plus qu'il ne coûte rien, & qu'il eft très facile à avoir.

combiné avec

§. VII. Expériences faites avec le fuc gaftrique humain quelques remèdes minéraux. Le fuc gaftrique humain ne diffout ni le cuivre, ni la chaux martiale, ni le cinabre, ni le foufre; mais il diffout le fer, le minéral de l'antimoine, l'antimoine diaphorétique lavé, les fleurs de zinc, & le fublimé corrofif.

Conféquences de ces faits. On ne peut douter après ces faits, vérifiés, pour ainfi dire, par trois obfervateurs différens, qui étudioient la Nature féparément & fans concert, & qui ont eu des conclufions auffi uniformes, que l'ufage du fuc gaftrique, dans les cas indiqués par eux, ne foit très-utile, que fes effets ne foient sûrs, & qu'il n'entraîne aucun inconvénient. Il convient donc de l'employer de la manière décrite par MM. Jurine & Carminati, & il conviendra fur-tout de fuivre dans les traitemens la méthode que M. Carminati doit indiquer dans l'ouvrage qu'il va publier fur ce fujet en italien.

Il eft vrai qu'il faudroit pour cela fe procurer des corneilles & des oifeaux de proie; mais l'objet est assez capital pour engager quelques perfonnes à nourrir ces animaux dans ces vues; elles y trouveroient sûrement un gain confidérable. Les corneilles fe nourriffent de tout ce qu'on leur donne, mais il faudroit leur faire avaler de petites éponges attachées à des fils qu'on retireroit quand on les croiroit fuffifamment imprégnées du fuc gastrique: on l'exprimeroit alors, & on pourroit renouveler aifément l'opération fix ou huit fois fur le même individu entre ses repas.

Les oifeaux de proie qui dégorgent, après la digeftion de leur repas, les parties indigeftes, offrent un moyen plus facile, puifqu'en plaçant un plat au-deffous de l'endroit où ils font perchés, le fuc gaftrique y tomberoit au moment où ils le dégorgeroient, parce qu'ils reftent toujours perchés à la même place, & parce qu'on pourroit les y fixer.

Les hôpitaux pourroient avoir de grandes facilités pour fournir ce remède: ils ont toujours les débris des cuifines & de la boucherie, qui nourriroient les oifeaux; ils ont fous la main diverfes perfonnes qu'ils ne peu

vent appliquer à autre chofe; & comme le fuc gaftrique de ces oifeaux fe garde fort long-temps fans s'altérer, on a au moins des exemples qui prouvent qu'on peut le garder pendant cinq ou fix mois, & ce terme n'eft pas celui de fa confervation. S'il ne pouvoit pas s'employer dans le moment, on pourroit le conferver pour des temps où il feroit plus demandé, & pour des lieux où il ne feroit pas facile de s'en pro

curer.

DISSERTATION

SUR LES COULEURS ACCIDENTELLES;

Par M. Charles SCHERFFER, Profeffeur de Mathématiques dans l'Univerfité Impériale & Royale à Vienne; traduite de l'Allemand par M. BERNOUILLI, de l'Académie de Berlin, avec quelques remarques de M. EPINUS, de l'Académie Impériale de Saint-Pétersbourg, fur le même fujer (1).

S. I". A L'OCCASION de quelques Thèfes de logique à défendre

publiquement en 1754, je traitai des erreurs des fens, confidérés furtout relativement à notre jugement fur les couleurs, & je fis voir que les inductions que nous en tirons fe fondent principalement fur la comparaifon de la couleur que nous confidérons, & des autres couleurs qui, dans le même temps, frappent nos yeux. Pour le prouver, je rapportai quelques obfervations que j'avois faites long-temps auparavant fur l'ombre colorée des corps, & defquelles il s'enfuivroit évidemment, fuivant moi, que la lumière du jour eft bleue, c'est-à-dire, d'un mélange de couleurs où les rayons bleus prédominent.

J'entends par lumière du jour, la lumière que l'atmosphère nous réfléchit de tous côtés, & qui ne peut que tomber auffi fur les ombres des corps éclairés de quelque autre manière. J'avois fait cette remarque, non feulement au lever & au coucher du foleil, mais en plein midi même ; il ne

(1) Cette favante Differtation nous a été envoyée l'année dernière par M. Bernouilli ; elle n'étoit pas connue en France, quoiqu'elle le méritât à jufte titre. Il paroît qu'elle a été communiquée à M. Briffon en même temps qu'à nous; car il vient d'en donner un extrait, en forme de fupplément, pour fon Dictionnaire de Phyfique. Nos Soulcripteurs Phyficiens feront fans doute charmés de la connoître en entier.

falloit que modérer en partie le trop grand jour, par les rideaux des fenêtres. Outre cela, cette couleur ne fe fait pas voir feulement quand, le ciel étant ferein, l'atmosphère nous paroît entièrement bleue, mais quand le ciel est couvert de nuages.

Pour rendre cette propriété de la lumière du jour plus fenfible, je pofois un corps, quel qu'il fût, fur un papier blanc, avec une lampe ou une chandelle allumée : par-là je faifois jeter à ce corps une double ombre; l'une produite du jour, & fur laquelle tomboient uniquement les rayons de la lampe; l'autre, occafionnée par la lampe, & éclairée en plein par la lumière du jour. De ces deux ombres, la dernière paroiffoit tout à fait bleue, tandis qu'on voyoit l'autre jaune.

Je crus ne pas me tromper, en attribuant la caufe de la lumière bleue que l'atmosphère nous renvoye, à la propriété qu'ont les rayons bleus d'être réfléchis plus facilement, & d'avoir une plus grande réfrangibilité, puifque, dans le spectre du prifme, l'espace que prennent le bleu, l'indigo, & le violet, eft de la même grandeur que celui qu'occupent les quatre autres couleurs primitives enfemble. Je concluois de là que la lumière qui part du foleil & d'autres étoiles, étoit difperfée confidérablement de tous côtés par les exhalaifons que notre atmosphère renferme toujours, & que cette difperfion avoit lieu principalement à l'égard des rayons bleus. Peut-être ne m'eût-il pas été difficile de parvenir à une entière conviction fur ce point; mais mon but me permettoit de m'en tenir à la fimple expérience. Quant à la lumière jaune de la chandelle ou de la lampe, elle ne me parut donner prife à aucune objection.

Je me fouvenois très-bien d'avoir déjà lu quelque part que l'ombre des corps paroiffoit d'un bleu tirant fur le violet au lever & au coucher du foleil; mais le titre de l'ouvrage, auffi bien que le nom de l'obfervateur de ces phénomènes, étoient tellement fortis de ma mémoire, que je n'avois jamais pu me les rappeler, jufqu'à ce qu'à la dernière page du Traité d'Optique de M. Bouguer, fur la graduation de la lumière (ouvrage publié, peu de temps après la mort de l'Auteur, par M. de la Caille), je tombai fur ces mots :

<< Ceci nous fournit l'explication d'un phénomène très-fingulier, auquelles Peintres n'ont pas manqué d'être très-attentifs, & qui nous a proCuré un Mémoire de M. de Buffon, mais dont perfonne, que je fache, n'a donné la raifon phyfique. Les ombres, le matin & le foir, prennent une teinte très-bleue, & celle d'une bougie produit à peu près le même effet, lorfqu'elle tient lieu du foleil qui n'eft point encore levé, & qui eft fur le point de paroître (1) ».

(1) Le P. Scherffer s'eft difpenfé de traduire encore en allemand le peu qui reftoit ; mais comme on y trouve l'explication du phénomène, je ne regretterai pas la peine de

Lorfque

Lorfque j'eus lu ce paffage, je réfolus auffi-tôt de parcourir foigneufement les tables des matières du recueil de cette illuftre Société, & je trouvai en effet, parmi les Mémoires de 1743, la Differtation de M. de Buffon, fur les couleurs accidentelles, à la fin de laquelle l'obfervation fufdite fur les ombres eft rapportée. Ce que M. de Buffon en dit me parut fort fuccinct, mes propres obfervations étant beaucoup plus variées & plus circonftanciées; mais ce qu'il dit des couleurs accidentelles étoit, à mon avis, d'autant plus digne d'attention, & méritoit bien de ne pas demeurer fans explication dans l'hiftoire des phénomènes de la Nature; & comme cette matière n'a pas été traitée dans la fuite des Mémoires de l'Académie des Sciences de Paris, ni dans aucun autre Ouvrage que je connoiffe, j'ai cru rendre fervice à ceux qui cultivent la Phyfique, en publiant mes idées. Quoique je n'aye pas de preuves convaincantes à donner. mes conjectures me paroiffent cependant affez vraisemblables pour pouvoir conduire quelque autre à des idées encore plus fondées; du moins ai-je réduit la plupart des phénomènes qu'offrent à cet égard les corps éclairés par la lumière du jour, fous une règle certaine, d'après laquelle on peut conclure de leur couleur naturelle quelle fera l'accidentelle.

§. II. Pour entrer maintenant en matière, je mettrai d'abord fous les yeux les obfervations de M. de Buffon, telles qu'il les rapporte lui-même. « Lors, dit-il, qu'on regarde fixement & long-temps une tache ou une figure ronde fur un fond blanc, comme un petit carré de papier rouge fur un papier blanc, on voit naître autour du petit carré rouge une efpèce de couronne d'un vert foible. En ceffant de regarder le carré rouge, fi on porte l'œil fur le papier blanc, on voit très-diftinctement un carré d'un vert tendre, tirant un peu fur le bleu. Cette apparence fubfifte plus ou moins long-temps, felon que l'impreffion de la couleur rouge a été plus ou moins forte. La grandeur du carré vert imaginaire eft la même que celle du carré réel rouge, & ce vert ne s'évanouit qu'après que l'ail s'eft raffuré & s'eft porté fucceffivement fur plufieurs autres objets, dont les images détruifent l'impreffion trop forte caufée par le rouge. En regardant fixement & long-temps une tache jaune fur un fond blanc, on voit naître autour de la tache une couronne d'un bleu pâle, & en ceffant de regarder la tache jaune, & portant fon œil fur un

le reftituer. Voici donc comment M. Bouguer continue: « Ce phénomène, dit-il, eft » caufé par la couleur ancienne de l'atmosphère qui éclaire ces ombres, & dans la» quelle les rayons bleus dominent; ils rejailliffent obliquement en quantité, pendant » que les rayons rouges, qui vont fe perdre plus loin en fuivant la ligne droite, ne peu» vent pas modifier l'ombre, parce qu'ils ne fe réfléchiffent pas, ou qu'ils fe réfléchiffent » beaucoup moins. Toutes ces matières offrent affurément encore aux curieux un trèsvafte champ de recherches, malgré toutes nos tentatives. Nous le reconnoiffons in» génuement, & nous laiffons avec plaisir à d'autres l'avantage d'achever ce que nous » n'avons pu à peine que commencer ».

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