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il nous faut donc encore pendant quelque temps des

comités de furveillance.

Mais c'eft précisément parce que ces établiffemens nous font encore néceffaires, & qu'ils doivent durer un certain espace de temps, qu'il faut en éloigner tous les abus, qu'il, faut que rien ne les écarte du but de leur inflitution. Les bons patriotes, les gens droits & purs ne doivent avoir rien à en redouter. Ces comités font comme les reverbères que les filoux feuls craignent, & qui contribuent à la sûreté des honnêtes gens; ils ne doivent donc pas répandre une lumière fauffe qui nuise à la vue & qui nous égare.

Ces comités, chargés de travailler dans le fecret, dovent être compofés d'hommes éclairés qui fachent aifément diftinguer la vérité de l'erreur, qui ne foient pas dupes d'un patrio:iíme trop ardent, qui pèfent tout au poids de la raifon, & qui ne laiffent rien au caprice & à l'arbitraire, encore moins à la paffion; car s'ils font le jouet de mouvemens déréglés, alors ceux qui ont été choifis pour protéger la sûreté des perfonnes, feront ceux qui la violeront le plus; alors il n'y aura de fécurité nulle part; ce comité fe changera en une véritable inquifition, & l'homme pur & vertueux fera le plus expofé aux violences, aux faifies arbitraires, aux incarcérations, parce que l'homme pur vertueux a toujours pour ennemis les intrigans, qui se trouvent par-tout, qui crient fort haut, & en impofent aux patriotes foibles & aux têtes mal organisées.

&

C'eft avec douleur que nous avons vu le comité de furveillance de Paris s'écarter des principes & fe livrer à des impulfions fans doute étrangères. Ces opérations paroiffent avoir été la plupart abandonnées au hafard : & eft-ce au hafard qu'il faut abandonner la liberté des citoyens ? Rien ne paroît médité, calculé; on diroit que les mêmes perfonnes y font à la fois juges & parties; une dénonciation y eft auffi-tôt crue qu'entendue; & ajouter foi ainsi à toutes les dénonciations, c'eft le moyen d'en multiplier le nombre & de leur ôter à chacune toute importance & toute utilité.

Si ce que la commiffion de l'assemblée nationale a rapporté à ce fujet eft vrai, on ne peut fonger fans frémir aux effets horribles de la négligence & de la témérité de ce comité. Quoi! un innocent dont on ne s'est pas même donné la peine de vérifier le nom, a été jeté dans les prifons & mallacré au 2 septembre, pour avoir ref

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femblé à un coupable par quelques lettres (1)! On fent bien que lorfque des noms font entiérement femblables on y aura fait encore moins d'attention. Un Roland eft acculé; auffi-tôt mandat d'arrêt contre le miniftre de ce nom. On défigne un Ribbes comme coupable; fur le champ ce doit être le Ribbes de l'affemblée législative. A l'afpect de telles monftruofités, on fe regarde les uns les autres d'un air effrayé; on fe craint mutuellement; on craint jufqu'à fon nom; on fe croit, malgré le témoignage de fa confcience, à la veille d'être pris, égorgé. De tels amis de la liberté épouvantent autant que des tyrans !

Il eft temps que de pareils défordres, que l'appréhenfion même de pareils défordres ceffe. Si la sûreté des individus fouffre de telles atteintes, fi tous les Français qui fe trouvent à Paris font ainfi menacés, fi les dépu tés fe trouvent ainfi fous le glaive d'accufations vagues, hafardées & tardives, les départemens croiront, non fans fondement, que ce comité de furveillance eft dirigé ou entraîné par une faction qui cherche à dominer la république; ils oublieront les fervices que nous avons rendus à la patrie; ils fe défieront de nous, & finiront par nous hair. Nous laissons au lecteur le foin de calculer les maux infinis qui réfulteroient de cette fciffion; mais nous obferverons, en finiffant, que les députés des départemens font venus pour la plupart dans nos murs avec cette idée: c'est pourquoi oubliant que la meilleure garde des fonctionnaires publics eft l'opinion, ils ont voulu donner à la convention une garde compofée par tous les départemens; garde très-dangereufe à la liberté, fi l'affemblée fuccom boit elle-même fous une faction. Nous n'avons plus de garde du roi il nous faut, felon eux, une garde pour la convention, & formée comme celle de Louis-le-Traître, & de vingt-quatre mille hommes. Parifiens! voyez comme vous êtes avilis! Hâtez-vous de reprendre votre dignité & les droits que vous avez à l'eftime publique, en faifant de bons choix & en rempliffant votre municipalité nouvelle d'hommes étrangers à tous les partis, & de patriotes raifonnables.

(1) Le nommé Witingtin a été incarcéré au lieu de Witinkoff, & égorgé par le peuple.

Du

Du camp fous Paris:

On fe rappelle avec quelle ardeur tous les citoyens tous les ouvriers payés ou non payés travailloient au champ de Mars pour préparer la grande fête de la confédération des Français; tous les bras étoient en 'mouvement; une activité vraiment civique régnoit par-tout tout le monde travailloit comme fi de cet ouvrage eût dépenda le falut de l'empire. Dès le moment qu'on eut fait parquer au Temple la race de Louis-Néron, ce fut une gloire & une noble émulation parmi les ouvriers de paliffader le plus promptement poffible l'enceinte de ce tigre enchaîné, de creufer les foffés, de le cerner pour qu'il ne pût s'échapper; leur zèle infatigable fem bloit fe renouveler fans ceffe.

Aujourd'hui les brigands font chez nous, il s'agit de faire un camp qui leur défende d'approcher de Paris; on veut barricader les portes intérieures: pourquoi donc voit-on tant de négligence dans l'exécution de ces travaux une fi grande tiédeur parmi les ouvriers?

En examinant ces travaux du camp fous Paris, Pillu miné Frédéric Guillaume, ne peut-il pas fe dire: il faut que mon nom ait imprimé bien de la terreur aux Pa rifiens? Enfermé dans le centre des armées françaises réduit à la plus grande mifère, mangeant des chevaux Fourbus, fur le point de demander grace à genoux, je leur fais encore peur, & comme s'il étoit poffible que j'allaffe jufqu'à Paris, ils croient déjà m'avoir fur leurs talons, ils en font aux dernières précautions; fous un roi defpote les Français ont tenu tête à toute l'Europe; nous ne sommes que deux puiffances armées contre la France, & la voilà qui tremble jufque dans l'intérieur de fes foyers; après les plus grands revers, ils n'ont jamais cru qu'un ennemi pût pénétrer jufqu'aux murs de leur capitale; aujourd'hui à peine ai-je reçu par trahison une ou deux villes, ils s'imaginent que toute la Lof raine, toute la Champagne, toute l'île de France font déjà en mon pouvoir.

*

Sous François premier, deux fois l'Autrichien entra en France par Verdun; Paris n'étoit pas, alors plus loin de Verdun qu'aujourd'hui, les Français plus dignes d'euxmêmes, plus affurés de leur courage, nentourèrent point N°. 169. Tame 14. E

la capitale de lignes & de redoutes, ils marchèrent à l'ennemi comptant bien revenir vainqueurs, & les troupes de Charles renversées, bloquées, affamées, battues, payèrent bientôt par une fuite honteufe leur folle témé. rité. La France république eft-elle moins que la France monarchie?

Il eft vrai qu'auffi-tôt après la reddition de Longwy, ne voyant par-tout que des traîtres dans les agens d'une cour infernale, étourdis de ce coup, nous ne pûmes dans ce premier moment de furprise calculer nos forces & nos reffources, & fi l'on peut excufer l'affemblée na tionale d'avoir eu peur, voilà fon excufe; mais un peu plus de réflexion & d'expérience fur-tout auroient dû nous faire départir du projet d'un camp fous Paris. Nos ennemis ne nous attaquoient pas; ils fe tenoient toujours à une distance refpectueufe de nos armées même les plus foibles; ils avoient toujours le deffous dans les efcarmouches; on faifoit justice des traîtres, & il n'y avoit plus de roi: que pouvions-nous craindre?

D'ailleurs, pourquoi ce privilége en faveur de Paris? La capitale eft-elle toute la France? L'affemblee nation nale, le pouvoir exécutif, un million d'ames, fi l'on veut, y habitent : mais l'affemblée nationale, & le pouvoir exécutif, & le million d'habitans de Paris, feront d'autant plus tranquilles, que l'ennémi trouvera plus d'obftacles loin de Paris. Et nos frères des départemens, & ces bons cultiva teurs qui nous nourriffent, ne valent-ils pas autant que nous la peine d'être protégés, défendus par un camp? Ce n'étoit pas à Paris, mais à Meaux ou au-delà qu'il falloit transporter ce camp pour couvrir une immenfe campagne, pour ne pas expofer nos frères à toutes les horreurs de la guerre. On femble ne s'occuper que du camp de Paris: fi celui de Châlons eût été mieux défendu, mieux fourni d'hommes, d'armes & de provifions, Dumourier n'eût pas été obligé d'ordonner aux habitans de cette ville d'en déferter les murs, & d'en couper les ponts. Heureusement l'ennemi n'a pas eu le temps d'y venir.

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Une fauffe mesure entraîne toujours de grands maux, & pour le moment préfent & pour la fuite. On doit sentir que quand même le camp de Paris ferviroit, ce feroit pour la ruine de Paris même. S'il fervoit, c'eft que nos troupes n'auroient pas pu arrêter les Pruffiens; c'eft que l'ennemi

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feroit maître de la plus grande partie du terrain entre nos frontières & nous c'est que toutes les productions du fol feroient à lui, que toutes les campagnes intermédiaires feroiont dépouillées & pillées; ceft que les richelles de la Brie, de la Champagne, de tous ces départemens fertiles feroient interceptées, & que nous, bloqués par l'ennemi qui affiégeroit Paris, nous ferions bientôt affamés, que toute l'adreffe des brigands couronnés qui nous investiroient, confifteroit à éviter le combat, & à nous laisser en proie à la faim & à la rage: oui, encore une fois, c'eft hors de Paris qu'il faut défendre Paris: s'il falloit foutenir un fiége, le nombre feul de fes habitans le perdroit.

Paris, à caufe de fa monftrueufe population, a un be foin journalier des productions de la campagne qui l'entouré, & ce fel doit être extrêmement ménagé, parce que fon étendue eft très-circonfcrite, & que fon fonds est trèsmauvais. A peine dans la plus grande étendue. du terroir de Paris trouve-t-on fix pouces de terre végétale. Ce camp l'a toute bouleversée dans une longueur immenfe. Qu'on l'eût fitué au milieu d'une bonne terre, après la guerre la bèche, le hoyau & la charrue applaniroient aifément tous ces travaux, remettroient tout à fa place, & cette terre ainfi remuée n'en feroit que plus féconde. Mais au milieu de ce remuement général, que fera devenu le peu de terre productrice qui couvroit la furface de notre maigre campagne? Une partie de notre terroir, fertilifée depuis longtemps à force d'engrais, fera condamnée de nouveau à être long-temps inculte; & ce camp inutile nous fera payer cher les denrées de première néceffité.

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Voilà peat-être ce qu'on a fenti, & ce qui caufe le découragement & la tiédeur; c'eft à la convention & à la commune là pefer ces raifons, & à y faire droit, fi elle les croit bonnes.

Les crimes du 10 août dévoilés par les patriotes Suiffes

Les procès-verbaux du corps légiflatif, féance du 10 août & fuivantes, devoient fuffire fans doute pour faire connoître à l'Europe les caufes & la nature des événemens de cette nouvelle révolution; mais, comme on dit vulgairement: il n'eft pire aveugle que celui qui refuse de voir. Des Suiffes séjournant à Paris, & témoins des

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