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venger les excès commis dans nos campagnes, & il faut bien fe perfunder que la guerre contre les républicains, fiers de leur liberté, eft ne guerre fanglante, qui ne peut finir que par la deftruction totale des oppreffeurs ou des opprimés.

Cette terrible réflexion doit agiter le cœur d'un roi humain & jufle, (bourreau! dis donc ce que font les barbares, ce que font les Cannibales, fi Frédéric eft humain & jufte. ) il doit juger que, bien loin de protéger, par fes armes, le fort de Louis XVI & de fa famille, plus il restera notre ennemi, plus il aggravera leurs calamités. (Dumourier, vous êtes un impofteur. Indépendamment du roi de Prufle & de fes armées; indépendamment de Brunswick & de François, Louis XVI & fa famille feront jugés. Un peuple de républicains ne fait pas faire plier fa volonté fous l'influence des tyrans étrangers.)

J'efpère, en mon particulier, que le roi, dont je respecte les vertus, & qui m'a fait donner des marques d'eftime qui m'honorent, (ce dernier trait, ce complément de la batletle étoit réfervé pour la fin. Tu t'es trompé, Dumourier; les marques d'eftime du roi de Pruffe te dé honorent aux yeux de la nation françaife, aux yeux de l'Europe entière qui avoit les yeux fixés fur toi; elle avoit cru un inftant qu'à des talens militaires tu faurois allier une ame élevée, l'âpreté d'un républicain; elle ne voit plus en toi qu'un général courtifan, qu'un efclave marchandant fa liberté.) voudra bien lire avec attention cette note que me dicte l'amour de l'humanité & de ma patrie. Il pardonnera la rapidité & l'ince;rection du style de ces vérités à un vieux foldat occupé plus eflentiellement encore des opérations militaires qui doivent décider du fort de cette guerre.

Le général en chef de l'armée du Nord, DUMOURIER.

Qui le croira? Cette pièce que nous venons d'examiner rapidement, n'a pas encore trouvé de cenfeurs à la tribune de la convention nationale; aucun de ces févères républicains n'a élevé la voix contre le général d'une armée républicaine, flagornant un defpote: La vicomterie ni F. Robert, ces deux ennemis jurés des rois, n'ont pas demandé que la convention improuvât le mémoire flétriffant de Dumourier: bien plus, il a trouvé des apologistes. Gorfas n'a pas rougi d'imprimer en toutes lettres qu'on doit favoir gré au général d'avoir fu mêler adroitement les éloges à la vérité, & Briffot, dans fon Journal, a ofé dire que Dumourier se battoit auffi bien avec fa plume qu'avec fes armes, & Condorcet auffi, dans la Chronique, l'a baffement préconifé.

Quelle a été la réponse du roi de Pruffe au mémoire de Dumourier? L'infolent manifefte qu'on va lire, & qui eft au-deffous de toutes réflexions.

Manifefle

Manifefle du duc de Brunswick.

Lorfque leurs majeftés l'empereur.& le roi de Pruffe, en me confiant le commandement des armées que les deux fouverains alliés ont fait marcher en France, me rendirent l'organe de leurs intentions dé pofées dans les deux déclarations du 25 & 27 juillet 1792, leurs majestés étoient bien éloignées de fuppofer la pollibilité des fcenes d'horreur qui ont précédé & amené l'emprisonnement de leurs majestés le roi & la reine de France, & de la famille royale.

De pareils attentats, dont l'hiftoire des nations les moins policées n'offre prefque point d'exemple, n'étoient cependant pas le dernier terme que l'audace de quelques factieux parvenus a rendu le peuple de Paris l'aveugle inftrument de leurs volontés, avoit prefcrit à fa coupable ambition. La fuppreffion du roi, de toutes les fonctions qui lui étoient réfervées par cette même conftitution qu'on a fi longtemps prênée comme le vœu de la nation entière, a été le dernier crime de l'aflemblée nationale, qui a attiré fur la France les deux terribles fléaux de la guerre & de l'anarchie.

Il ne reftoit plus qu'un pas à faire pour les perpétuer, & l'efprit de vertige, funefte avant-coureur de la chute des empires, vient d'y précipiter ceux qui fe qualifient du titre d'envoyés par la Nation pour affurer fes droits & fon bonheur fur des bafes plus folides.

Le premier décret que leur affemblée a porté, a été l'abolition de la royauté en France, & l'acclamation non motivée d'un petit nombre d'individus, dont plufieurs même font des étrangers, s'eft arrogé le droit de balancer l'opinion de quatorze générations qui ont rempli les quatorze fiècles d'existence de la monarchie françaife.

Cette démarche, dont les feuls ennemis de la France devroient fe réjouir, s'ils pouvoient fuppofer qu'elle eût un effet durable eft directemeut oppofée à la ferme réfolution que leurs majestés l'empereur & le roi de Pruffe ont prife, & dont ces deux fouveLains alliés ne fe départiront jamais; de rendre à fa majesté TrèsChrétienne fa liberté, fa sûreté & la dignité royale, ou de tirer nne jufte & éclatante vengeance de ceux qui oferoient y attenter plus long-temps.

A ces caufes, le fouffigné déclare à toute la nation française en général, à chaque individu en particulier, que leurs majeftés. l'empereur & le roi de Prule, invariablement attachés au prin-, cipe de ne point s'immifcer dans le gouvernement intérieur de la France, perfiftent également à exiger que fa majefté Très-Chrétienne, ainfi que toute la famille royale foient immédiatement remifes en liberté, par ceux qui fe permettent de les tenir emprifonnées.

Leurs majeftés infiftent de même que la dignité royale en France foit rétablie fans délai dans la perfonne de Louis XVI & de. fes fucceffeurs, & qu'il foit pourvu à ce que cette dignité fe trouve déformais à l'abri des avanies auxquelles elle a été main. tenant exposée, fi la nation française n'a tout à fait perdu de vue fes vrais intérêts, & fi libre dars fes réfolutions, elle défire de faire ceffer promptement les calamités d'une guerre qui expofe tant de provinces à tous les maux qui marchent à la fuite des armées, elle ne tardera pas un inftant à déclarer fon opinion en faveur des No. 169. Tome 14.

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demandes péremptoires que je lei adreffe au nom de leurs mas jeftés l'empereur & le roie Praffe, & qui, en cas de refus, attireront immanquablemen fur ce royaume naguère fi floriffant, de nouveaux & plus terribles malheurs.

Le parti que la nation française va prendre à la fuite de cette déclaration, ou étendra & perpétuera les funeftes effets d'une guerre malheureufe, en ôtant, par la fuppreffion de la royauté, fe moyen de rétablir & d'entretenir les anciens rapports entre la France & les fouverains de l'Europe, ou pourra ouvrir la voie à des négociations pour le rétabliffement de la paix, de l'ordre & de la tranquillité, que ceux qui fe qualifient du titre de dépofitaires de la volonté de la nation françaife font les plus intérefiés à rendre auffi prompte qu'il est nécettaire à ce royaume.

Au quartier général de Hans, le 28 feptembre 1792, Signé, Charles G. F. duc de Brunswick-Lunébourg.

Certifié conforme à l'original; le général en chef de l'armée du Nord, DUMOURIER.

Citoyens! le général Dumourier a avili la nation françaife devant un roi; hâtons-nous de réclamer contre fon mémoire; qu'on fache que le peuple français en perfonne eût tenu un autre langage. En fuppofant que la demande de fufpenfion d'armes ne fût pas un piége; en fuppofant qu'on pût l'accorder, toutes les négociations fur la trève ou la paix entière devoient fe réduire, de notre part, au feul mot non prononcé avec toute la fierté, tout le laconifme d'un peuple libre, fondé fur ce qu'on ne peut parler raifon avec des rois ni avec des ef claves.

Mais non, Dumourier a présenté un mémoire. Et à qui préfente-t-on un mémoire? à un juge, à un homme de qui l'on dépend; &, certes, c'étoit bien à Frédéric, dans l'état de détreffe où il étoit, à nous en préfenter un; &, au contraire, c'eft Dumourier qui nous met visà-vis d'un ennemi vaincu, vis-à-vis d'un roi prefque dans l'attitude de fupplians.

Dumourier a bien fenti toute la baffeffe du rôle qu'il avoit joué, puifqu'il a cherché à s'excufer d'avance, en difant que fon intention étoit de divifer la maison d'Autriche & celle de Brandebourg; mais loin de nous pour jamais la maxime des tyrans Divifer pour régner! Celuilà craint qui veut divifer, & la France ne redoute rien: elle verroit l'univers entier conjuré contre elle, fans defcendre aux indignes moyens, aux perfidias d'une fauffe politique, aux manéges odieux des defpotes. Chez un peuple libre tout eft franc, même la haine.

Nous venons de voir le général Dumourier comme négociateur voyons-le maintenant comme militaire.

Il y a quelques jours que ce général nous écrivoit que les Prufliens étoient bloqués, que c'en étoit fait d'eux, qu'ils n'avoient plus que trois jours à tenir. Mais puifqu'ils étoient bloqués, comment ont-ils pu fe retirer? Dumourier leur a donc ouvert le paffage lui même ? il s'eft donc entendu avec eux? ou bien pendant la ufpenfion d'armes qu'il nous a préfentée comme avantageufe pour nous, il s'eft donc laiflé amufer? L'ennemi apparemment en a profité, & a fait des mouve→ mens pour fortir par la trouée de Grandpré. D'après fa lettre, il auroit dû prendre d'un coup de filet au moins vingt-cinq mille hommes & tous fe font échappés. Quelle contradiction! Il n'y a pas de milieu; il faut que Dumourier avoue ou qu'il nous a trahis ou qu'il s'eft laiffé tromper par l'ennemi, ou qu'il nous a trompé lui même par fa lettre.

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Tout celas ne nous empêchera pas de rendre justice aux talens militaires de Dumourier; il a fait de favantes marches ; il a réfifté avec vingt- fix mille hommes à foixante mille tous bien difciplinés, & commandés par un des plus habiles généraux de l'Europe; enfin il a rendu des fervices à la chofe publique mais fi ce peu de mots fuffit à fa gloire, il ne fuffifoit pas à la vérité; c'eft chez les Français fur-tout qu'il importe de la dire toute entière. Toujours portés à l'engoûment & à l'enthoufiafme, plus un homme a de mérite, plus on doit publier fes torts politiques. Ils font paffés ces jours honteux où l'on baifoft les bottes & le cheval d'un géné ral adoré; efpérons qu'ils ne reviendront jamais pour perfonne.

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Avant les nouvelles de nos armées, de celles de l'ennemi & de nos places affiégées, nous croyons devoir placer la pièce fuivante, qui eft très-peu connue. Nous n'y ajouterons aucunes obfervations.

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Réfultat de la conférence qui a eu lieu entre MM. le duc de Brunf wick, le comte de Luchefini, miniftre de fa majefté le roi de Pruffe, & le lieutenant-colonel adjudant général Thowenot, chargé de l'échange des prifonniers de guerre entre les armées combinées françaifes. Les loix décrétées par l'affemblée nationale, concernant l'échange des prifonniers de guerre, ont été approuvées dans tout leur contenu quatre articles y ont été ajoutés pour la facilité des échanges; ils

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ne font point en contradiction avec la loi, ils ont été ratifiés par fes généraux.

L'échange aura lieu tant pour les prifonniers de fa majesté le roi de Pruffe, que pour ceux de l'armée impériale commandée par MM. le comte de Clairfait & le prince Hohenloe, aux mêmes conditions.

Requis par M. le duc de Brunswick de comprendre le corps des émigrés dans le contrat d'échange, il lui a été répondu qu'une nation ne pouvoit traiter, qu'avec une autre nation, & non avec des rebelles aux loix de leur pays: mais que deviendront les prifonniers de guerre ? ils doivent s'attendre fans doute à toute la févérité des lcix, & peut-être & felon les circonstances, à l'indulger ce & à la générofité d'une nation magnanime telle que la nation française conftituée en république.

M. le duc de Brunswick n'a plus infifté, & les articles ci-joints ont été arrêtés & fignés de part & d'autre par les commiflaires nommés à cet effet.

Alors a commencé une converfation très-férieufe fur la firuation refpective des deux nations, & fur la pofition des deux

armées.

M. Thowenot. Je n'ai point de caractère pour traiter d'objets auffi importans: mais je répondrai à vos queftions avec la franchise d'un Français libre & qui ne veut pas celler de l'être.

M. le Duc. Quel, effet a produit fur l'armée le décret de la convention nationale qui déclare la France en république ?

M. Thowenot. L'armée eft compofée de citoyens foumis aux loix qui leur font données par le veu général de la nation fortement exprimé: & je puis allurer que ce décret a été accueilli par des cris de vive la nation!

M. le Duc. Mais, Monfieur, nos nations ne font pas faites pour être ennemies; n'y auroit-il pas quelque moyen de nous accommoder à l'amiable? nous fommes dans votre pays: il eft défolé par les malheurs inévitables de la guerre; nous favons que nous n'avons pas le droit d'empêcher une nation de fe donner des loix, de tracer fon régime intérieur, nous ne le voulons pas, le fort du roi nous occupe. Que deviendra-t-il? qu'on nous donne fur lui des affurances; qu'on lui affigne une place, dans le nouvel ordre de chofes, fous une dénomination quelconque, & fa majesté le roi de Pruffe, dont l'ame bonne & généreufe compatit aux maux de la guerre, rentrera dans fes états, & deviendra votre allié.

M. Thowenot. Je n'entrevois, M. le Duc, qu'un feul moyen poffible d'arrangement; c'eft celui de traiter directement avec la convention nationale ou avec fes délégués; la convention nationale eft ta représentation de la nation entière; vous ne pouvez pas révoquer en doute l'existence de cette même nation: fes armées font en préfence des vôtres. Traiter avec elle politiquement ne me paroît pas plus difficile que de faire contre elle des opérations militaires.

Alors eft entré M. le comte de Luchéfini, miniftre du roi de Pruffe, annonçant auffi qu'il étoit, comme M. Thowenot, fans miffion, mais feulement défirant, comme bon citoyen, de voir les deux nations rentrer dans l'état de tranquillité dont elles ont également befoin l'une & l'autre.

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