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tez: On peut juger par là l'efprit du motionnaire; jufqu'à ce qu'il ait répondu à cette inculpation, il faut le mettre à côté de Pétion & de Manuel, &c.

» Puifque vous me lommez de faire une réponse, vous ne refuferez pas, fans doute, de la rendre publique dans votre prochain numéro. La voici :

» Le jour de la mort de Mirabeau, le directoire du département de Paris vint à la barre de l'affemblée conftituante préfenter une adreffe dont l'objet étoit de demander des honneurs publics pour la mémoire de Mirabeau, & de propofer un projet de loi générale fur les récompenfes que la patrie devoit décerner aux grands hommes.

» Cette pétition fut accueillie avec des tranfports univerfels. Pour moi, je trouvois le projet de loi très-mauvais, & j'avois toujours méprifé Mirabeau. Prétendre lutter alors contre l'engoûment dont ce dernier étoit l'objet, eût été une folie. Je m'efforçai du moins de repouffer la loi propofée par le directoire, & je dis en fubftance: « Je n'entreprendrai point de m'opposer au » mouvement impétueux qui vous porte à honorer la » mémoire de Mirabeau. Vous pleurez les grands talens » que la mort yous a ravis & le moment où nous » lommes n'eft pas celui où la raison sévère peut fe faire » entendre; mais je demanderai que vous n'adoptiez pas » avec le même enthoufiafme une loi générale qui tient » aux progrès de l'efprit public, & qui exige la plus fé≫rieufe attention». Je demandai le renvoi de ce projet au comité de conftitution : l'affemblée le décréta. Barnave fe chargea enfuite de rédiger la motion faite par le, directoire en faveur de Mirabeau, & appuyée par l'affemblée entière. Ce fut fa propofition qui fut adoptée.

Pour moi, je me reprochai ma condescendance pour l'opinion publique, quelque néceffaire qu'elle fût pour prévenir le feul mal que je pouvois empêcher, & je dis alors à mes amis : « J'ai éprouvé aujourd'hui le remords » pour la première fois, j'ai peut-être laiffé croire que »je partageois l'eftime de l'affemblée & du public pour >>> Mirabeau ».

» Au refte, j'offre à ma patrie, en expiation de cette faute, ma vie publique entière & les perfécutions éternelles de tous les ennemis de la liberté.

» Pour vous, citoyen, défendez-la toujours avec conftance; n'oubliez pas qu'un ouvrage qui lui a rendu autant de fervices que le vôtre, depuis le commencement

de la révolution; lui est plus néceffaire que jamais, dans les nouveaux dangers qui l'environnent: maintenez les prin cipes dans toute leur pureté, & écrivez de moi tout ée que vous voudrez. Signé, ROBESPIERRE ».

Paris, le 15 décembre, l'an premier de la république.

Réponse. Robespierre, repolez-vous-en fur le Journal des Révolutions de Paris, & fouvenez-vous qu'il n'a ja mais parlé des perfonnes que pour les rappeler aux prin cipes.

Reprise de Francfort.

Depuis les dernières nouvelles que nous avons données, un bien triste événement a interrompu le cours de nos fuccès, & fait rétrograder la victoire attachée juf qu'ici à nos armes. Le 2 décembre, Francfort a été repris par les Pruffiens. Le général Cuftine a envoyé à la convention un des couteaux dont plus de dix mille affaffins étoient armés. Cuftine fe plaint, avec juftice, de l'horrible trahifon des Francfortois ; mais il auroit dû fe plaindre un peu plus de lui-même. Des foffés remplis de douze pieds d'eau, larges de feize toifes, peuvent arrêter les ennemis du dehors, mais non pas ceux du dedans : c'étoit contre ceux-ci qu'il devoit fe précautionner, en donnant le com mandement de la place à un homme capable de déjouer toutes les intrigues, en jetant dans la ville beaucoup de vieilles troupes bien aguerries, bien expérimentée au lieu d'y laiffer feulement trois bataillons de recrues, dont deux n'étoient levés que depuis un mois, au lieu de fe laiffer entourer par des ariftocrates reconnus, au lieu de ne demander de l'avancement que pour des ex-nobles & des Allemands, au lieu de demander pour adjoint un Berthier, & d'employer tous gens de cette cathégorie; il eût dû chercher parmi les Français & dans la ci-devant roture, la véritable vertu, & peut-être même les vrais talens. Mais les plébéiens font rudoyés quand il lui parlent; Cuftine, toujours noble fous la république, n'écoute aucune représentation de leur part, & s'imagine peut-être encore qu'on n'a de bon fens qu'avec feize quar*: tiers: & voilà une des caufes de la reprife de Francfort.

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Mais il en eft d'autres bien plus précifes, & dont le blâme retombe tout entier fur le général. Ne devoit-il pas être inftruit que les Pruffiens méditoient de reprendre Francfort & s'y portoient, lui qui avoit eu plufieurs conférences avec le Landgrave, beau-frère du roi de Pruffe? Ne deg

voit-il pas avoir fondé fes difpofitions, lui qui avoit per mis que ce Landgrave donnât à manger à des officiers français Avoit-il d'autres intentions que d'acquérir la connoiffance du fecret des ennemis? Comment le fait-il que nos troupes, pendant quinze jours, aient fait des marches forcées & de nuit, pour chercher l'ennemi où il n'étoit pas, tandis qu'il arrive le 27 fans qu'on le fache? Pourquoi le premier décembre avoir rangé l'armée en bataille à une lieue de Francfort dans un creux, dominé par les Pruffiens, qui l'euffent aisément foudroyée & lui eussent ôté tout moyen de défense, s'ils avoient eu du canon? Pourquoi le 2, jour de la prife de Francfort, ne lui a-t-on fait lever le camp qu'à huit heures, puifque la canonnade avoit commence à fept? Cuftine, tu as la réputation d'homme actif & vigilant. Comment te défendras - tu donc du foupçon de trahison?

Théâtre de ta citoyenne Montenfier. En fouillant dans l'ancien répertoire, on y trouve des pièces qui font encore à l'ordre du jour, & où percent, en dépit de l'efclavage des temps, un ardent amour de la liberté, une haine prononcée de la tyrannie; de ce nombre eft la tragédie de Duryer, auteur peefque contemporain de Corneille, intitulée, Mucius Scivola, que Montenfier vient de remettre à fon théâtre. A travers les inégalités & les incorrections de ftyle, que le befoin poignant de vivre (1) ne lui laiffoit pas le temps de corriger; on trouve des morceaux dignes d'un républicain. La fcène du quatrième acte, où Mucius, en présence de Porfenna, couvre Tar quin de mépris & d'ignominie, peut figurer à côté des plus beaux morceaux de Brutus & Rome fauvée. Nous regrettons de voir que l'auteur ait été obligé d'employer les précautions dramatiques qui étoient d'ufage alors pour faire paffer des fcènes hardies; c'est-à-dire que pour fupporter l'épreuve de la cenfuré, les auteurs fe voyoient forcés de mêler des poifons à une nourriture faine, & de plaider la caufe des rois dans le même ouvrage où ils défendoient les droits du peuple. Dans fa pièce, Duryer a également violé l'hiftoire & dégradé le caractère facré de l'homme, en faisant redevenir bons amis Mucius & Porfenna; comme fi jamais le vice & la vertu pouvoient aller de compagnie! On peut réfuter

(1) Il vendoit des vers à 4 francs le cent.

l'auteur par l'auteur lui-même. Il dit dans un endroit de fa pièce:

«De quelque puissant nœud que l'amitié nous lie,
» L'amitié ne vit pas avecque la tyrannie ».

Théâtre du Marais. Reprife de Robert, dit le Républicain. Ce théâtre vient de donner un exemple de ce que la cupidité & l'opiniâtreté ont de plus frappant. Le lecteur fe rappelle fans doute ce que nous avons dit No. 176,' fur le tribunal redoutable. Eh bien! malgré nos réclamations & celles d'un parterre intègre, ce, théâtre n'a pas voulu perdre fes frais de coftumes & de décorations. Renonçant au fyftême liberticide qui avoit préfidé à la conception de cet ouvrage, il a fait refaire à neuf tout Tédifice, ou pour mieux dire l'a replâtré. L'auteur, pour juftifier le titre de républicain donné à fon Robert, lui fait fonder une république dont il eft le chef; comme fi, pour changer de titre, l'état n'en étoit pas moins régi par le pouvoir toujours arbitraire d'un feul. On n'a pas ofé non plus laiffer fa grace au tyran; mais on a donné à Maurice, infame fcélérat, le courage de fe tuer lui-même, Ce drame informe préfente de modèle d'une contradiction perpétuelle, & ne fait pas plus fuite à Robert, chef de brigands, que les fentimens de vertu répandus dans la mère coupable: ne fe trouvent dans l'ame de fen auteur Beaumarchais. D

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Theatre italien. Quand la corruption des mœurs eut amené l'oubli des premiers devoirs, ce qui reftoit d'amis de l'humanité fut obligé de configner dans les livres des vérités que les hommes dégradés ne trouvoient plus dans leur cœur. Ce font ces vérités auxquelles il faut fans ceffe nous rappeler; il faut les répéter fans relâche, les reproduire fous toutes les formes, de toutes les manières dans les difcours, dans les livres, aux théâtres fur-tout où les impreflions font plus vives. Nous, invitons toutes les jeunes époufes, qui n'ont pas encore facrifié les plaifirs innocens de la nature au vain attirail de la coquetterie, à aller voir Jean & Geneviève que l'on vient de donner au théâtre italien. Nous invitons également les jeunes républicains, que l'éclat des places ou l'attrait de. l'or pourroit féduire, à y aller, pour apprendre à méprifer les richeffes, à eftimer la pauvreté.

Les jeunes époufes verront une bonne favoyarde partie à pied de Chambéry pour venir à Paris voir fon fils, & portant derrière fon dès, dans une barcelonnette,

fon autre fils en bas âge. Ni la longueur du chemin, ni la fatigue de la route, ni fa pauvreté, ni le fardeau, léger pour elle, d'un enfant, rien n'a pu balancer dans fon cœur le défir d'embraffer fon fils abfent. Quel exemple pour nos Parifiennes, qui renoncent au devoir impérieux d'allaiter elles-mêmes, pour ne pas facrifier un bal ou un concert!

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Les jeunes gens verront un petit Savoyard ne poffédant que les premiers biens, l'honneur & la probité. Cet enfant trouve un porte-feuille qui contenoit cent mille écus (un émigré l'eût garde); il le reporte au banquier qui l'a perdu: ce dernier lui donne deux cents louis. Jean n'a rien de plus preffé que de partir pour Chambéry afin de les donner à Geneviève. La mère & le fils fe croifent; le hafard les fait rencontrer dans une auberge, .& leur reconnoiffance eft la fenfation la plus délicieufe que puiffe goûter une ame pure. Fils dénaturés, mères égoïftes, vous tous qui ne voyez le bonheur que dans l'opulence, de quelque fource qu'elle vienne, & qui ne croyez point à la vertu indigente, regardez au tour de vous; la conduite du pauvre eft la fatire de vos mœurs & de vos préjugés.

CONVENTION NATIONALE.

Séance du vendredi décembre 1792.

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Cambacirés, au nom du comité de légiflation, a préfenté le décret fuivant qui a été adopté.

«Les perfonnes non comprifes dans l'article 2 de la loi du 29 juillet dernier, qui feroient dans la néceffité de fortir de la république pour leurs intérêts & pour leurs affaires, s'adrefferont aux directoires de département dans le territoire defquels elles font domiciliées, qui pourront, s'ils jugent les caufes légitimes & fuffifamment vérifiées, leur accorder des paffe-ports dans les formes décrétées par les loix, après avoir préalablement pris l'avis des directoires des diftricts & des confeils-généraux des communes, & dans le cas feulement où les confeils généraux des communes & les directoires de diftricts approuveroient la demande des paffe-port;, & en trouveroient les motifs légitimes ».

Les fieurs Vincent, Jacob - Benjamin Vafe, Lajard & le Brun, ont été par un decret renvoyés au tribunal criminel du département de Rhône & Loire.

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