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2. de la Convention Nationale.

RÉVOLUTIONS

DE PARIS; DÉDIÉES A LA NATION,

AN PREMIER DE LA RÉPUBLIQUE. QUATORZIÈME TRIMESTRE

Avec gravures et cartes de départemens de France,

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DU 29 SEPTEMBRE AU Ó OCTOBRE 1792:] 1

Du droit du peuple für Louis XVI, ci-devant roi des Français.

UN grand problême fe préfente à la convention na

tionale. Jugera-t-on le ci-devant roi d'après la conftitu tion de 1791? ou prendra-t-on pour base cette maxime de tous les peuples & de tous les temps: Le falut public eft la fuprême loi?

No. 169. Tome ̄14.

A

Préliminairement à tout, jetons un coup-d'oeil rapide fur ce qu'a fait Louis XVI depuis la révolution.

Depuis le 2 octobre 1789, le défir de renverser l'affemblée nationale & de fe reffaifir du dépôt de la fouveraineté a été l'objet de toutes les ambitions de la cour. Ses projets échouèrent, & la force du peuple, qui les eut bientôt renversés, amena en triomphe Louis le dernier & fa famille dans les murs de Paris.

Depuis cette époque mémorable, on négocia le fameux traité de Pilnitz. Dès-lors commencèrent les émigrations. Philippe d'Artois & Louis Condé attirèrent auprès d'eux les grands & les petits courtifans, les premiers efclaves du trône. Le 2 novembre acheva de brouiller la nobleffe & le clergé avec le tiers-état ; & les domaines de l'églife mis à la difpofition de la nation ont peutêtre le plus contribué à déterminer la confédération des princes germains, contre nous.

La cour diffimula le défir de la vengeance; fes complots fe tramèrent dans l'ombre & nous vîmes le roi jurer, à la face des fédérés, qu'il feroit fidèle à la nation. Ce ferment folennel, prononcé le 14 juillet 1790, n'empêcha pas, le 28 février 1791, la foirée des poignards. Dès ce moment, le peuple, qu'on ne trompe mais qui eft facile à calmer, reconnut, la mauvaise foi du monarque, & tous les jours durent fournir, de nouveaux motifs, qui firent croire au deffein bien manifefté de fon évasion.

pas,

La cour, qui avoit fait partir les tantes Adélaïde & Victoire, malgré le vœu du peuple du peuple, ne prit pas le change fur la vigilance nationale, qui ne la quittoit pas; elle détourna donc un inftant fon attention, en publiant le 23 avril une lettre fignée de Montmorin, dans laquelle le roi invitoit les puiffances étrangères à reconnoître la conftitution, & des phrafes oifeufes furent les réponses qu'on dut en recevoir. L'affemblée conftituante, compofée dans fes deux tiers de membres corrompus, applaudit avec les tranfports d'un patriotisme hypocrite à cette épître infidieufe, & les efprits défians furent réduits à la honte du filence, à l'aspect des efpions & des fpadaffins du dictateur Lafayette.

On projette le départ du roi, & Paris apprend le 21 juin qu'il a pris lâchement la fuite avec la famille. Le peuple fe met fur le champ à fa place; il garde une

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attitude impofante & majeftueufe. Le traître eft ramené le 25; les citoyens de Paris fe couvrent, & le regardent avec le filence de l'indignation. Le voilà reclus jufqu'au 14 feptembre, moment où il accepte la constitution. Il est libre, il eft roi conftitutionnel, parce que, dit-on alors, la loi n'avoit pas prévu le cas de fa fuite, & qu'il avoit répondu qu'il vouloit aller à Montmédy, pour reconnoître fi, en effet, l'opinion publique étoit évidemment prononcée en faveur du nouvel ordre de chofes. Il fallut dévorer fon parjure, à la vue du drapeau rouge, à l'aide duquel une municipalité infâme fit lâchement affaffiner les citoyens qui avoient eu le courage de vouloir figner une pétition contre la perfonne du monarque traître.

Une législature fuccède à la conftituante; la corrup tion ne tarde pas à la divifer, & le fameux veto, teint du fang de nos frères, paralyfe toutes les loix

con

quifes fur la malveillance, & destinées à rétablir l'ordre public. Les prêtres réfractaires prêchent impunément la rebellion; les ci-devant nobles confpirent de toutes parts & au nom du roi, & le roi les appuie de fon veto liberticide.

La journée du 20 juin éludée, on calomnie lâchement le peuple de Paris; des directoires de départemens envoient des pétitions injurieufes, qu'ils avoient vendues ou qu'on leur avoit mendiées, & le roi, foutenant fon rôle infâme de traître, ofe intenter un procès aux citoyens de Paris, quand le droit de ceux-ci étoit de lui Préfenter une pétition, & fon devoir de l'accepter & d'y faire juftice.

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Le 14 juillet dernier, Louis XVI vient, pour la quatrième fois, mentir à la France entière, en jurant folennellement au champ de Mars, de maintenir la liberté du peuple, que vingt-fix jours après le monftre fait affafliner; mais le peuple tout entier fe leva dans la célè bre journée du 10 août, & la patrie fut fauvée.

Jufques-là, nous voyons Louis XVI conduit à l'âge de quarante ans par des prêtres hypocrites, & fe dérobant aux bons confeils de la nature & de la raison. En vain le peindra-t-on comme un roi imbécille? I eft reconnu qu'à du bon fens & de l'inftruction il affocie une méchanceté opiniâtre & mystérieufe; les crimes des Tuileries font les fiens propres, Dira-t-on qu'il a dû penfer

que tous les fermens qui ne feroient pas religieux comme celui prononcé à fon facre le 11 juin 1775, étoient nuls & ne l'engageoient pas? Ainfi, à la faveur de ces principes horribles, Louis XVI auroit cru devoir fe livrer fans remords à tous les crimes, pour recouvrer fon ancienne autorité. A travers ces détours, quel honnête homme oferoit dire qu'il n'apperçoit pas un traître ?

Les partifans de Louis XVI n'ofent pas excufer, mais ils nient les faits atroces de fa conduite fecrète; ils le placent derrière la conftitution; c'est-à-dire qu'à la faveur de cette rapfodie, il lui auroit été libre de déchirer le fein de l'état, de nous livrer aux horreurs de la guerre civile, & d'appeler en France, avec la certitude de l'impunité, des armées de fatellites étrangers; & dans le cas où cette coupable entreprife auroit échoué ce roi conftitutionnel en auoit été quitte pour l'abdication : raifonnement monftrueux qui outrage la philofophie & P'humanité !

Louis XVI a provoqué le traité de Pilnitz: d'accord avec fes frères établis à Coblentz, il a suscité traîtreufement au peuple français la coalition de l'empereur & du roi de Prufle; il a autorifé par des intrigues fecrètes les trames variées des factions dans l'intérieur de la république; il a encouragé, favorifé la difparition du numéraire & les émigrations; les intrigues honteufes qu'il a entretenues ont nourri les, efpérances criminelles de tous les ennemis de la liberté & de l'égalité; il a fait foudoyer des affaffins lancés contre les citoyens paifibles qui s'étoient voués à l'inftruction du peuple; il a autorifé des enrôlemens pour Coblentz; il a employé l'or de la lifte civile à équiper les émigrés réfugiés en Allemagne, en Suiffe, en Savoie, en Efpagne, dans la Belgique; il avoit foif de notre fang, & c'eft pour le répandre qu'il les a armés.

Peut-on douter que le projet du 10 août n'ait été de difperfer & d'épouvanter les bataillons de nos gardes nationaux, pour faire maffacrer enfuite les législateurs & les écrivains patriotes, & d'accord avec la majorité des directoires, faire triompher le feuillantifine, en attendant le rappel de l'ancien régime?

Louis XVI avoit eu l'art de faire corrompre les corps administratifs & judiciaires. Engouée de modérantisme,

une minorité confidérable de volontaires parifiens l'avoit invefti de leurs fuftrages. Le 27 juillet fut l'époque de leur honteux ferment & du fcandale de leurs cris mille fois répétés Vive le roi! vive la reine! nous mourrons pour leur défense.

:

La déforganisation de nos armées n'a-t-elle pas été fon ouvrage? Lafayette, fon affidé, quitte, par fon ordre le pofte de Montmédy; il diftribue les bataillons qu'il commande entre Sedan & Givet; il ouvre, fur nos frontières défertes, de vastes chemins à deux cent mille Im périaux & Pruffiens, qui fe flattoient avec raifon d'arriver à Paris. Certain d'une trahifon combinée aux Tuileries, Brunswick infulte à notre fauffe fécurité, & les miniftres d'alors, fes complices, fembloient craindre d'avouer fon infolent manifefte. Les Piémontais & les Efpagnols étoient prêts à fondre fur nous; la confpiration étoit parvenue à une telle probabilité de fuccès, que lorfque le 2 feptembre le canon d'alarme nous réunit fous nos bannières refpectives, nous craignîmes un inf tant que l'ennemi ne vint jufque dans nos murs y exé cuter les profcriptions fanglantes annoncées par Brunfwick. L'enfemble de nos courages nous a fauvés, de concert avec les fléaux de la nature, qui fervira toujours la caufe des hommes libres contre les atrocités des defpotes.

Que font devenus les fonds que l'affemblée nationale avoit deftinés, dès l'hiver dernier, pour la levée & l'équipement de l'armée ? Où font nos armes, nos draps, nos toiles, nos munitions, nos chevaux? On les a fait paffer chez l'ennemi. Qui? Louis XVI.

La fuite honteufe de Lafayette n'eft - elle pas une preuve de fa complicité avec la coupable ligue des Tuileries, qui lui en a impofé avec une telle adreffe, qu'il a eu la fottife de croire au fuccès du complot. Lafayette, trahiffant par ordre du roi, a communiqué à Brunfwick la lifte des armes partagées entre les citoyens des diftricts de Longwy & de Verdun, & le général Pruffien n'a eu que la peine de les faire enlever. Quelle perfidie exécrable! & à combien de bons & vertueux cultivateurs n'a-t-elle pas coûté la vie?

Depuis Dunkerque jufques à Colmar, des libelles périodiques & payés par Louis XVI endormoient dans la fécurité la plus dangereufe les peuples trompés &

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