lance; provenant de la faifie faite, tant par eux que par la municipalité de Surennes, fur les fieurs Muguet & Méricourt, fabricateurs de faux affignats. Ce dépôt, assez confidérable, confiftoit en effets, bijoux, affignats, voitures & chevaux. La prefque totalite des objets détaillés dans les différens procès-verbaux de faifie a été repréfentée aux commifaires, à l'exception de quelques petits bijoux inconnus, des chevaux, au nombre de nenf qui ont été remis au ministre de la guerre, fuivant la déclaration de Dufort, & d'une voiture qui a été vendue à l'amiable 1300 liv. de l'autorité unique & petfonnelle des adminiftrateurs du comité de furveillance. Il eft encore bon d'obferver qu'une pendule en cartel dépendant de ce dépôt, pendule qui ornoit, quelques jours avant, la cheminée d'une des pièces de l'appartement du citoyen Dufort, eft revenue toute feule fans les commiffaites s'en foient apperçus; au surplus, que mune, avant le rapport des commiffaires, pour lui déclarer que j'avois acquis ces objets en vertu de l'arrêté de la com & de celui de l'adminift ation de police; mais que voulant obéir à la loi, je remettrois, s'il le falloit, ces bjoux à la caiffe de l'extraordinaire, pour y devenir de nouveau l'acquéreur, fauf à me faire rembourfer par la caiffe de la police de la fomme que j'y avois verfée. Cet expolé, je l'ai fait de même au conteil général, & je ne crois pas qu'on puiffe y voir une marche tortueufe & qui blesse en rien la délicatefte & l'honneur. Je me fuis très-oftenfiblement rendu acquéreur de ces bijoux; (ainfi que d'autres citoyens, qui ont rapporté aux commiffaires, parce qu'on le leur a demandé) j'en ai fourni le prix, tant que cette marche pouvoit être légale ; & qu'enfin je les ai reportés au dépôt pour en devenir une feconde fois acquéreur à la caiffe de l'extraordi naire. Je n'ajouterai rien à ce récit fidèle, qui ne peut être démenti par perfonne, & je défie encore tout citoyen de prouver que j'aie, pendant le cours de mon administration, touché aucune, fomme ou bijoux à titre de dépôt ». SERGENT, député de Paris. Le 5 décembre 1792; an premier de la république. E l'intimité des commiffaires Fortenfant & Charpentier avet le citoyen Dufort ne peut pas laiffer préfumer une com plaifance coupable en faveur de ce citoyen. S'il y a fuite à ce rapport, nous en promettons la continuation. Othello, tragédie du citoyen Ducis, d'après Shakespeare. 1 Si nous étions directeurs de fpectacle, peut-être ne ferion-nous d'autre queftion que celle-ci : Combien cette pièce peut-elle faire d'argent? Mais en qualité de journaliftes de la révolution nous le demandons au poëte: Dans un moment cù les talens doivent diriger leurs efforts vers le bien de la patrie, & concourir tous enfemble à l'affermiffement de la république, de quel avantage la tragédie d'Othello eft-elle pour les citoyens que la curiofité feule y attire? Jadis, la repréfentation de cette pièce eût été peut-être la nouvelle du jour, comme le fut Zaire. Alors l'exiftence monotone que nous menions fous le defpotifme monarchique, nous faifoit un befoin de ces fpectacles déchirans qui du moins remuoient Pame; alors l'accent des grandes paffions nous tiroit pour un inflant de cette léthargie de la fervitude où nous végétions. Les fujets les plus atroces avoient un charme à nos yeux. Rome fauvée, Spartacus, Guillaume Tell amenoient peu de fpectateu,s; mais il y avoit foule à Gabrielle de Vergi. Aujourd'hui, les citoyens fe reprochent le temps qu'ils perdent & le plaifir qu'ils goûtent à la repréfentation d'une pièce, fût-elle un chef-d'oeuvre de l'art dramatique quant à la forme, fi par le fonds elle fe trouve tout à fait étrangère à la révolution. Nous avons remarqué avec plaifir que les directeurs de plufieurs de nos théâtres fe voyant menacés d'une défertion effrayante, n'ont pas trouvé d'autres moyens de rappeler les patriotes, que de leur chanter l'Hymne des Marjeillois. La fcène d'Othello fe paffe, il eft vrai, dans une républiqué; mais c'eft celle de Venife, & cette tragédie n'a pas d'autre point de contact avec notre liberté naiffante. Les Grecs, n'alloient point, comme nous tous les jours au fpectacle; ils réfervoient ce délaffement pour leurs fêtes nationales, & on ne leur jouoit que des drames tirés de leur hiftoire. Il nous faudra bientôt prendre te parti; un peuple républicain ne peuple républicain ne doit pas être défou vré ni avoir du temps à perdre. N'a-t-il pas fon champ à cultiver, fa famille à dreffer aux vertus civiques, & fa patrie à défendre aux frontières, ou à fervir dans différens poftes de l'intérieur? Que nous importe, d'autant que nous avons déjà Zaïre, de voir Othello accufé par Odalbert, devant le fénat de Venife, d'être, le féducteur, de fa fille, & ce père, homme à préjugés, contraindre Edelmonne, en la menaçant de la poignarder, de figner un écrit par lequel elle reconce à la main d'Othello, & de donner la fienne à Loredan, fils du doge? La répu gnance d'Edelmonne pour tout autre que fon amant achève de lui aliéner le cœur de fon père. Celui-ci n'écoute que fa fureur; mais fur le point d'être condamné par le confeil des dix, qui le pourfuit comme féditieux, il ne fe trouve aucune reffource. Edelmonne, faifant taire fon amour pour n'écouter que la piété filiale, implore l'appui de Loredan, lui remet le billet fatal tracé par Odalbert, & le bandeau de pierreries que lui a donné Othello, & qui n'eft pas auffi heureufement trouvé, foit dit en paffant, que le mouchoir de Shakespeare. Ce beau mouvement caufe fa perte. Othello, trompé par un certain Pezarre, qui feint d'avoir tué en duel Loredan, & de lui avoir pris le billet & le bandeau, croit Edelmonne infidelle; le défespoir s'empare de lui, Au cinquième acte, le plus beau de la pièce mederne, Edelmonne dans fa chambre, livrée à de funeftes preffentimens, fe retrace le trépas de fa mère, & fe rappelle ces mots qu'elle lui répéta plufieurs fois : Ma fille, tu mouras malheureufe! Elle fe complait dans fa trifteffe; elle a befoin de l'entretenir, & chante une romance analogue à fa fituation, mais qui n'a pas beau coup réuffi fur le théâtre de la république où se joue Othello, peut-être parce qu'elle n'eft pas auffi bien ame née que fur la fcène anglaife, & auffi parce qu'on au Toit dû fe contenter de la mufique déjà faite fur cette complainte. Edelmonne fe place fur fon lit pour prendre du repos. Dans l'original, les convenances morales font mieux obfervées. Defdemona eft la femme d'Othello, il ne répugne pas de voir fon mari entrer dans fa chambre comme pour prendre place à fes côtés. Shakespeare eft plus près de l'antique que fes deux imitateurs, & fur tout le dernier. Othello arrive la rage dans le cœur; is appelle la mort à grands cris. Edelmonne s'éveille, s'approche de lui en tremblant. Victime d'un jaloux tranfport, elle fe juftifie avec la naïveté de l'innocence, mais en vain. Le nom de Loredan, forti de fa bouche › porte au comble le délire de fon amant. Il la poignarde. Dans l'Anglis, il l'étouffe (1) fous, un oreiller, en détournant la tête, & cherchant comine à diminuer l'atrocité de fa vengeance, en ne faifane point couler fon fang. Le poëte français n'a pas fu apprécier cette circonftance; Ia mieux aimé fe fervir de l'inftrument bannal. Le doge & Loredan arrivent. Odalbert donne enfin fon confentement. On demande Edelmonne à Othello. Elle dort, ne la réveillez pas.. s'écrie-t-il; ce qui est bien plus vraisemblable dans le poëte anglais, puifque Desdemona eft étouffée. On lève les rideaux du li; on la trouve baignée dans fon fang, & fon amant fe poignarde. IL ya de grandes beautés dans ce cinquième acte, fur-tout Finteriogato re. On a applaudi cles quatre vers que pro nonce Othello avant de tuer Edelmonne: Ah! pour reffufciter cette flamme mortelle La pensée est heureufe; elle est tout à Shakespeare; on féra peut-être bien aife de rapprocher ici l'original de la copie: (1) Voltaire, avec la mauvaise foi d'ufage quand il parloit des hommes de génie dont la gloire l'importunoit dit dans fon, dictionnaire philofophique, article Bailer, que Shakespeare fait donner deux baifers, par Othello, a fa femme, avant de l'étrangler. Cela est faux. Nous faifons grace à nos lecteurs des réflexions faugrenues que Voltaire ajoute à fa citation inexacte à def fein, Eteignons la lumière, & alors.... éteignons la lu » mière! Si je t'éteins, toi, miniftre de teu, je puis » reffufciter ta première flamme fi je venois à me >> repentir. Mais que j'éteigne une fois la flamme » de ta vie (fe tournant vers Desdemona) toi le plus » merveilleux ouvrage de la bienfaisante nature je ne » fais plus où retrouver cette céleste étincelle qui pourroit te ranimer ». Voici quelques vers détachés qui produisent le plus grand effet: " « Je ne l'entendois plus, & j'écoutois encor ». « Il n'eft qu'un feul honneur, fervir la république ». Le vers fuivant réfute bien des préjugés : « La couleur de mon front nuit-elle à mon courage » ?. Dans tout autre journal que celui-ci, nous dirions comment Voltaire, fans citer Shakespeare, s'eft faifi de fon fujet pour fa Zaïre, qui eft plus rapprochée de nos mours. La tragédie d'Othello n'eft qu'une Zaïre rembrunie. Nous euffions défiré que Ducis eût motivé davantage la perfidie de Pézarre, dont on ignore les motifs fecrets; on apprend trop tard qu'il aimoit Edelinonne. Ducis pouvoit peut-être conferver le motif de l'Yago de Shakespeare, qui garde en fon coeur une haine mortelle pour Othello, dont il a reçu un foufflet. Après avoir rendu juftice au mérite littéraire de cet ouvrage, rempli de beautés mâles, nous demanderons s'il eft utile ou même néceffaire de rembrunir la scène à ce point. Faut-il accoutumer nos ames à cet état viðlent, à ces impreffions affreufes, à ces belles horreurs qui font fouffrir la nature ? L'homme n'eft il pas fait pour des tableaux moins repouffans? Eft il befoin de froiler fon ame, d'oppreffer fon cœur, pour lui apprendre que la jaloufie à des excès qu'il faut éviter & c'eft tout ce que nous apprend la tragédie d'Othello. L'image du bonheur domeftique, des vertus républicaines, des facrifices faits à la patrie, ne font-ils pas plus propres à éclairer notre efprit, à captiver notre attention, à former notre cœur, & à élever notre ame 1 |