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autorifation; & affifté de la force armée qu'il avoit requife, des vifites domicilaires, aftes arbitraires & arreltations de plufieurs citoyens, de s'être emparé des armes, bijoux, or, argent & affignats qu'il y a trou vés, fans en avoir dreffé des procès-verbaux & de s'être approprié une partie confidérable defdits effets, a été condamné en douze années de fer & fix heures d'expofition.

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La cavalerie cafernée à l'Ecole Militaire vient de

donner un grand exemple de difcipline. Un brigadier avoit abufé de la confiance de fa compagnie pour commettre un vol affez confidérable : il a été faifi par cette même compagnie, dépouillé de fes habits d'uniforme & conduit en chemife à travers les rues de Paris, jufqu'à la place de Grève, où on lui a fait demander pardon publiquement, après quoi fes ci-devant camarades l'ont conduit en prifon, pour être jugé par les tribunaux. Quelle différence entre le temps actuel & celui où les officiers de troupes de ligne avoient des brevets d'impunité pour commettre des efcroqueries en tout genre!

La ville de Lyon a manqué devenir le théâtre d'une guerre civile.

11 y a depuis quelque temps un bataillon de volontaires du Var caferné dans cette ville. Des volontaires de ce bataillon avoient affaffiné, vendredi 23 du mois dernier, à onze heures du foir, un fous-officier de compagnie franche, & deux autres le famedi matin. Les coupables étoient arrêtés & conftitués prifonniers à l'hôtel commun. Cent cinquante de leurs camarades vinrent armés de fabres & de pistolets redemander les trois afsaffins; la garde fe met fous les armes; les commiffaires de la convention accourent; un volontaire appuie fon pistolet fur la poitrine du citoyen Vitet; un autre lève fon fabre fur le citoyen Boifly-d'Anglas. Les volontaires forcent la garde, enlèvent les prifonniers & les conduifent à leur caferne. Leur cominandant, qui veut s'opposer à ce défordre, eft menacé de la vie; les volontaires hui arrachent fes épaulettes, & on le force de marcher à la tête du détachement. Auffi-tôt la municipalité & les commiffaires de la convention réunis, donnent des ordres; on bat la générale; les bataillons bourgeois fe raffemblent; les canons marchent à la tête; on cerne les volontaires de toutes parts, en Vaize, à la Croix-Rouffe, en Serein, du côté du magafin à poudre. L'état-major

envoie une députation à la municipalité, pour excufer ces défordres. La députation eft menacée fur les Terreaux; e peuple ne fe contient qu'en apprenant qu'elle va à l'hôtel commun porter des paroles de paix. Parvenue à la commune, la députation reçoit l'ordre de livrer les trois prifonniers & de partir dans deux heures. Cependant les volontaires étoient rangés en armes à la porte de leurs cafernes, la mêche allumée & les canons braqués fur la garde citoyenne. Au retour de leur députation, fe voyant cernés de toutes parts, ils font rentrés dans leurs quartiers, ont livré les trois prifonniers & exécuté les ordres.

Sur la lettre du confeil exécutif de France au pape.

Les Gaulois font en marche encore une fois pour Rome. Mais que les temps font changés ! Cette cité fameufe végète aujourd'hui tous la verge facerdotale. Des oies ne font plus les gardiens du capitole, des prêtres feuls y veillent pour le crime. Les laches! depuis quatre ans ils fe contentoient d'infulter aux efforts que noys' faifons pour nous éclairer & nous affranchir. A préfent qu'ils apprennent notre réfolution de venir jufqu'à eux leur demander raifon de leur conduite, avant de fuir, ils mettent aux fers deux de nos artistes, coupables d'avoir confacré leurs pinceaux à la liberté de leur patrie. Deux élèves du peintre habile qui reproduifit à nos yeux Brutus & Socrate, ont été jetés dans les cachots du château Saint-Ange. On difoit même que l'un d'eux; Rater, avoit déjà fuccombé aux mauvais traitemens; l'autre, nommé Chinard, attend la fentence de l'inquifition chargée de connoître de fon délit. La convention nationale a renvoyé cette affaire (1) au confeil exécu

(1) La convention & le confeil exécutif fe font conduits un peu légèrement à ce fujet. La dénonciation de David n'a d'autres titres qu'une lettre d'un de fes élèves. Il falloit, ce femble, commencer par demander à notre agent de France à Rome, des renfeignemens offciels fur les deux prifonniers, & auffi fur Ménageot, directeur de notre académie à Rome, qui vient de quitter fon pofte: depuis long-temps il étoit atteint d'ariftocratie. Il y a beaucoup d'exagération dans le rapport de David, qui peut-être n'a mis tant de chaleur à la fupreffion de la place de directeur à Rome que parce qu'on ne l'a nommé pas fuccéder à Ménageot. Nous conviendrons que dans les circonftances où nous tommes ce pofte convenoit à David,

pour

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tif, pour réclamer contre une infraction auf révoltante du droit des gens.

Le ministère français vient en conféquence d'écrire au pape une lettre beaucoup trop longue, & qui pourroit être réduite à ce peu de lignes :

«Pontife! il ne fuffit pas à la république française » de prévoir le terme & l'anéantiffement de la tyrannie » dans l'Europe; elle doit en arrêter l'action fur tous ceux qui lui appartiennent; déjà fon ministre des affaires étrangères a demandé l'élargiffement des Français arbitrairement détenus à Rome. Aujourd'hui fon confeil exécutif les réclame au nom de la juftice qu'ils » n'ont point offenfée; au nom des arts que vous avez » intérêt d'accueillir & de protéger; au nom de la raifon qui s'indigne de cette perfécution étrange; au nom d'une nation libre & généreufe, qui dédaigne les con» quêtes, il eft vrai, mais qui veut faire refpecter fes » droits, & qui n'a pas fu les conquérir fur fes prê»tres & fes rois, pour les laiffer outrager par qui que » ce foit dans toute la terre.

» Telles font aujourd'hui les maximes de la république française, trop puiffante pour avoir recours aux mena»ces, mais trop fière pour diffimuler un outrage; elle » eft prête à le punir, fi les réclamations paifibles demeuroient fans effet ».

Le,refte, c'est-à-dire les deux tiers de cette proclamation, , ouvrage de nos fix miniftres, n'est que déclamatoire.

«Des Français libres, des enfans des arts, dont le » féjour à Rome y foutient & développe les goûts & »les talens dont elle s'honore, fubiffent par vos ordres une injufte perfécution ».

Eft-ce qu'il y a des Français qui ne font point libres ? eft-ce que nous avons parmi nous, comme à Sparte, une cafte d'ilotes? eft-ce que nos ferviteurs ne font pas citoyens comme nous ? Des enfans des arts dont le séjour à Rome.... &c. tout cela pour dire deux jeunes peintres, élèves de l'école française, fubiffent par vos ordres....

«Sans doute, s'il étoit permis a'acheter jamais aux dé» pens de l'innocence le triomphe d'une bonne cause, il » faudroit laiffer commettre cet excès ».

Nos miniftres n'auroient point dû fe permettre une fuppofition auffi révoltante, & dont ils pouvoient fe paffer d'ailleurs, elle eft fauffe. Les prêtres font auffi mûrs que les rois, il faut qu'ils tombent. L'inquifition & le faint fiége apoftolique auroient beau faire aujourd'hui

autant de bien qu'ils ont fait de mal jufqu'à ce mo ment, on ne croiroit pas à leur converfion on n'y verroit qu'une peur mal déguifée.

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Il eft donc parfaitement inutile de leur écrire :

«Le règne ébranlé de l'inquifition finit du jour même » où elle ofe encore exercer fa furie, & le fucceffeur de Saint-Pierre ne fera plus un prince le jour où il l'aura » fouffert >>.

Cettes! Pie VI fera agréablement furpris en recevant cette miffive, quand il lira qu'une nation libre, la république françaife, le reconnoît encore pour prince, & femble difpofée à le faluer comme tel, s'il s'abftient de commettre de nouveaux excès à son égard,

Nos miniftres lui donnent même du fouverain.

1

« Les fouverains (lui écrivent-ils) chancelant fur leur » trône.... &c. ». On ne s'attendoit guère à voir cette expreffion, uniquement & irrévocablement confacrée au peuple par quatre années d'une révolution fainte être encore appliquée à un individu, à un évêque de Rome. Comment une inconvenance de cette force a-t-elle pu échapper à nos fix miniftres à la fois?

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Ils ajoutent « Pontife de l'église romaine, prince » engore d'un état prêt à vous échapper, vous ne pou» vez plus conferver & l'état de l'églife que par la pro» feffion défintéreffée de ces principes évangéliques, qui

refpirent la plus pure démocratie, la plus tendre humanité, l'égalité la plus parfaite, & dont les fuccef» fears du Chrift n'avoient fu fe couvrir que pour ac» croître une domination qui tombe aujourd'hui de vé» tufté ».

Ce n'est pas tout cela qu'il falloit écrire au pape, pour l'engager à relâcher les deux jeunes élèves de David. Le ton impolitique de cette mifive, ce mélange de me naces & de modération, eft peu propre à produire quelqu'effet fur l'efprit de Pie VI; quatre lignes fuffifoient.

Pontife de Rome, rends la liberté à deux jeunes Français artistes, détenus injuftement par tes ordres dans les piifons du château Saint-Ange. Si tu ne le fais pas, les Marteillois qui font en route, fous la conduite des généraux Kellermann & Anfelme, & du contre-amiral Truguet, briferont eux-mêmes les fers de leurs compatriotes, & te mettront à leur place.",

Ces quatre ligues même feroient de trop, puifque toute l'Italie fait que nous marchons à Rome; & cette expédition n'eft pas un hors-d'oeuvre: elle eft d'ailleurs,

motivée

motivée de refte, d'après l'attitude que le Pape' a prift & conferve encore à notre égard. Il eft de la gloire de la république, en même-temps que de fa juftice, que nous ailions droit à Rome, cet autre Coblentz, où nos ennemis de tout fexe & de tous états trouvent un réfuge, & nos concitoyens une prison.

Les faubourgs de Rome font des voeux fecrets pour hâter notre arrivée & leur délivrance. Un Rienzi, plus fage que le premier, attend notre apparition pour fe montrer; Paquin & Marforio foupirent après nous; ils favent bien que nous leur rendrons la parole & la liberté des opinions. Il n'eft pas contre le droit des gens d'aller nous emparer de la perfonne du pontife, & fur fa haquenée de lui faire prendre le chemin de France. 11 fera convenable de l'obliger, en paffant, à une amende honorable devant la maifon commune d'Avignon, & à dire par trois fois, à haute & intelligible voix, que méchamment & facerdotalement il a, par tous les moyens qui étoient en fon pouvoir, attifé les feux de la guerre civile dans le Comtat; qu'il en demande pardon à Dieu, aux hommes & à la république françaife. Il auroit pour acolytes le vieil abbé Bernis & Maury. Après une ftation dans ce genre à Lyon, il conviendroit de l'amener, à petites journées, jufqu'à Paris, de ménager les momens, de forte que fon entrée dans cette ville pût avoir lieu le dimanche même dit des rameaux. Son cortége feroit groffi de tous les prêtres réfractaires qui fe cachent ou fe déguifent en attendant la ré urrection. Kelkermann traîneroit à fa fuite le gros bagage pris fur l'ennemi, c'eft à-dire Notre-Dame de Lorette & tous les riches ex-voto dont les dévots potentats de l'Europe ne ceffent de l'affubler depuis plufieurs fiècles. Après une amende honorabe aux portes de l'affemblée nationale qu'il a exmcomuniée, il conviendroit de propoter Pie VI à Louis XVI pour en être affifté à fes derniers momens, à fuppofer (ce qui n'eft pas poffible) que le jugement du roi traîne jufque-là. Ce feroit un pectacle édifiant & digne de la révolution, qu'un pape fervant de confeffeur à un roi fur l'échafaud.

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Après avoir expié par un aveu folennel, au pied de l'arbre de la liberté fainte, tous les maffacres exécutés au nom de la religion, & tous les forfaits commis par - les prêtres ou à leur inftigation, on renverroit Pie VI No. 177. Tome 14.

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