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conftitués par lui; ce ne font pas là des perfonnalités il faut que j'y réponde.... Et la partie du 'difcours de Robespierre, affurément la plus estimable, eût trouvé tout de fuite fa place. Nous euffions perdu peut-être quelques mouvemens oratoires; mais auffi les agitateurs n'auroient pas eu le temps ni l'occafion de donner aux citoyens paisibles le fpectacle étrange de plufieurs troupes de gens armés quittant la table & le vin pour fe répandre dans la ville, & crier d'une voix empruntée: A la guillotine Marat & Robespierre ! vive Roland, & point de procès du roi ! Le journal du député Gorfas a tort de fe mêler dans cette bagarre, & de fembler vouloir justifier de tels excès (1).

Si Robespierre avoit répondu fur le champ à Louvet, des hommes publics, trop officieux, n'auroient point fait au peuple l'injure gratuite de remplir la terraffe des feuillans de patrouilles pendant tout le temps de la féance de lundi, & affurément ces précautions étoient bien gratuites, car il fe trouva beaucoup plus de citoyens armés que d'autres. Le peuple fe forme tous les jours, & bientôt il ne prendra plus aucune part aux fottifes de fes représentans. Ainfi que la garde nationale il a murmuré ce jour-là, & avec raison: parce que plufieurs de nos députés, a-t-il dit, fe chamaillent bonne foi que nous fommes d'humeur à époufer_leurs querelles particulières ? Pourquoi mêler nos, piques & nos baionnettes dans un combat où il ne fera verté que des flots d'encre & de fiel? Ils feroient bien mieux de s'occuper de la chofe publique. Ah! c'eft alors que nous prendrons intérêt à leurs difcuffions, & que nous en garantirons envers & contre tous la liberté indéfinie.

croit-on de

Si Robespierre avoit répondu fur le champ fon dénonciateur, l'accufation de Louvet imprimée à 15 mille par les foins paternels du miniftre Roland, pour l'édification de la république, n'auroit point couru les départemens

(1) Que le n°. 313 du journal de deux autres graves légiflateurs (Carra & Mercier) eft pitoyable à l'endroit où ils parlent de la rentrée de Marat à la convention! Quelle pauvreté de s'égayer fur la taille, & de la faire contrafter avec les cinq pieds trois pouces de la gen darmerie de garde à la convention ↳

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huit jours avant fon antidote; il étoit ce femble de l'équité de la convention de ne décréter l'envoi de l'attaqne que conjointement avec la défense.

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Les ennemis de Robespierre n'ont pas été adroits dans leurs provocations ils lui ont fourni l'occafion de s'expliquer avec courage fur les fuites de la révolution du 10, & par là de laver l'espèce de tache qu'il avoit reçue en intitulant le défenfeur de la conftitution un journal qu'il publioit la veille encore de cette époque. Assurément, il y avoit loin de la rédaction d'une pareille feuille à la prétention au tribunat ou à la dictature. Marat n'avoit point attendu le 10 août pour montrer plus de caractère, mais ce fut fouvent aux dépens de la prudence.

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Cette accufation directe & formelle d'avoir voulu être dictateur, tribun, ou tout au moins triumvir, étoit aussi par trop gauche; l'accufé n'eut pas de peine à combattre victorieufement une imputation auffi loin de nos mœurs que des fiennes. « Où étoient mes tréfors, mes armées, »mes places fortes? Il faudroit préalablement démontrer » que j'étois complètement fou, & Robespierre a raifon »; mais qu'il ne s'enorgueilliffe pas trop d'avoir d'un fouffle diffipé un fantôme, la foibleffe de fes adverfaires lui donne de la force, ils devoient bien fe garder de lui faire de tels reproches. Revenir fur la journée du 2 feptembre étoit plus sûr vis-à-vis une certaine claffe d'auditeurs; mais quant à cette majorité qui, par fa masse a déterminé tous les mouvemens de nos deux révolutions, c'étoit mal s'y prendre que de choisir de tels fujets pour dépopularifer Robefpierre; il falloit comme lui s'attacher aux grands principes, & être plus modeste que lui; il falloit comme lui parler du peuple avec confidération & confiance, & moins que lui vanter fes fervices rendus à la patrie; il ne falloit pas propofer, ou par le filence paroître confentir une force armée prétorienne, & une loi contre les prétendus provocateurs. Si le parti dont Louvet eft l'organe n'a pas d'autres moyens pour fe foutenir contre l'opinion publique qui eft contre lui, il doit inceflamment fuccomber.

Citoyens vous nous demanderez peut-être fi réellement il existe deux partis à la convention, quels font leurs chefs, & ce qu'il y a à en craindre?

Ne vous alarmez pas, il n'exifte dans le fait qu'une espèce

efpèce de faction; car, réfléchiffez-y bien, les vrais patriotes, c'eft-à-dire, ceux qui prêchent, ceux qui veulent la liberté, l'égalité, la république fans amendement ne font pas un parti; la prefque univerfalité de la France eft à préfent de cet avis. Sachons fi de ce nombre font ces trois hommes dont on vous a parlé fi fouvent, dont on youdroit vous faire peur, & qui pourtant vous ont、 rendu de grands fervices.

On nous a entretenus longuement, vaguement de dictateur, de tribuns, de triumvirs, fans produire de pièces juftificatives. On les trouve, dit-on, au comité de furveillance; mais le public n'en a encore vu aucune on a été même jusqu'à vous nommer ces Mazaniello ces Rienzi modernes; on dit que c'eft Danton, Marat & Robespierre.

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Les gens fenfés & qui approchent les illuftres de la convention favent à quoi s'en tenir fur ce dernier; il a toute la vanité qu'on reproche à Cicéron, auquel il ne feroit, pas fâché qu'on le comparât; il a mis fur la voie pour. cela dans fon difcours, & le parallèle de Caton n'eft, pas modefte. Fier de profeffer les vrais principes fans. altération, il s'y tient avec roideur; du refte il a tout. fait, fans lui tout feroit à faire, lui feul et l'homme. de la révolution; veilà fa manie, elle n'empêche pas d'être bon patriote. Qui connoît le caractère réche, les manières dures de Robespierre, ne le jugera pas fait pour être un tribun du peuple. Lafayette y étoit plus propre que lui,

Marat, malgré fes liftes de profcription, n'aime pas plus le fang qu'un autre. Dominé par un amour-propre exceffif, il ne veut pas dire ce que les autres ont dit, & comme ils l'ont dit. Si on a trouvé une vérité, un principe avant lui, pour ne pas refter en-deçà, il passe outre & tombe dans l'exagération; fouvent il touche à la folie, à l'atrocité, mais il profeffe des principes que les mal intentionnés redoutent & abhorrent,

Danton ne reffemble nullement aux deux premiers ; jamais il ne fera dictateur ou tribun, ou le premier des. triumvirs, parce que pour l'être il faut de longs calculs, des combinaisons, une étude continuelle, une affiduité tenace, & Danton veut être libre en travaillant à la liberté de fon pays.

Amis lecteurs, nous vous le demandons, que pou
No. 174. Tome 14.

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vez-vous redouter de ces trois citoyens ? L'un ne veut que paffer doucement la vie, & les deux autres n'ont de prétention qu'à la renommée, & à quelques honneurs populaires. Pourvu qu'on les life, qu'on les écoute, & fur-tout qu'on les applaudiffe ils font contens.

Leurs adverfaires forment-ils vraiment une faction? Sont-ils affez forts pour cela? Ont-ils affez de moyens ? Leur chef prétendu eft un homme qui parle beaucoup écrit beaucoup, fe remue beaucoup; il a de l'ambition, de la jaloufie; il voudroit bien avoir à fa difpofition les premiers postes de la république; il en a déjà fait l'effai; nous avons eu des miniftres de fa façon; il prend plaifir à les régenter; Roland ne s'en apperçoit pas, & fe perd dans l'eftime publique. (Avis à un ex- magistrat du peuple, s'il continue à ne voir que par les yeux de fon compatriote. Les bons citoyens verroient avec douleur fes couronnes civiques fe faner.) Briot n'eft pas fans talens, fans mérite, mais jamais conception hardie ne fortira de fon cerveau; il n'aime pas la royauté, encore moins la perfonne du roi; mais il n'aime pas non plus le peuple de Paris, à qui il en veut, parce qu'il n'a pas fu s'en faire confidérer. Après lui, les plus dangereux de fon parti font Guadet, Vergniaud, Genfonné, qui pourtant ne le font pas. Quels font les autres? Bu zot, Barbaroux, Kerfaint, &c. Voilà ce qu'on appelle à bon droit, Briffot & fa coterie.

Comme vous voyez, citoyens, toute cette faction dont on vous alarme, fe réduit à peu de chofe; elle est incapable de porter ces coups étonnans qu'on ne fauroit prévoir; il ne s'agit que de la furveiller; alors elle peut devenir utile; elle tiendra en haleine nos députés patriotes; car telle eft la condition humaine, la rivalité vivifie le civifme comme les autres vertus.

Pour nous, citoyens fpectateurs intéreffés d'un combat dont nous fommes le prix & dont nous payons tous les frais, avertiffons ceux de nos repréfentans fur lef quels nous croyons pouvoir compter, des piéges qu'on tend à leur amour-propre, à leur irafcibilité. Ils ont leurs petites paffions comme leurs adverfaires; mais ceux-ci, plus modérés, favent mieux fe contenir; ils ont plus de patience, & favent tourner à leur avantage les fautes généreufes du peuple & fes écarts de la loi qui ne font dus qu'à fes principes rigoureux de juftice

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& à fon impatience du bien, qui brife les obftacles qu'on cherche à multiplier; car, il faut bien le dire encore, ce qu'on peut reprocher aux journées du 2 & 3 feptembre, par exemple, pourroit bien être un peu l'ouvrage de ceux-là même qui s'élevent fi fort contre. Si on veut ablolument que Robespierre, Marat & Danton aient amené, provoqué & dirigé ce fupplément indifpenfable peut-être à la révolution du 10, quoiqu'il foit plus raifonnable d'en faire honneur au peuple feul, comme l'a démontré Robespierre, il faut dire auffi qu'on a vu des hommes du parti en question qui prêche l'humanité & abhorre les provocateurs au meurtre on a vu ces hommes fe frotter les mains d'aife à la nouvelle des horreurs qui fe commettoient à la faveur des actes de juftice du peuple; & voici comme le patriote Bazire a parlé à ce fujet à la tribune des Jacobins :

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«Je dois vous faire part d'un trait frappant & qui » caractérise cette journée du 2 septembre. Quelques do» meftiques de madame de Lamballe prennent le costume » de fans-culottes, s'arment de piques, vont aux pri≫ fons de la Force; & là, ils égorgent plufieurs pri» fonniers avec atrocité, afin d'acquérir du crédit au» près des affaffins, en profiter pour fauver leur maî » treffe; mais tant de crimes deviennent inutiles: ma» dame de Lamballe tombe en des mains cruelles, & » périt d'une manière que ma plume fe refufe à dé» crire. Il eft probable que les domestiques de plufieurs » autres prifonniers ont fait comme ceux de madame » de Lamballe; il eft probable aufli que le maffacre de » Versailles a été exécuté par des domeftiques de la ≫ reine, qu'on a vus à la tête de l'attroupement. Ces faits » dévoilent aux yeux des hommes judicieux le fecret de tant de brigandages qu'on attribuoit à des Parifiens, » & auxquels les Parifiens ont mis un terme ».

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Terminons ici, & ne tombons pas dans le reproche que nous avons fait avec tous les bons efprits, à la convention, de ne s'occuper que de débats perfonnels. Sans doute que les dénonciations, même calomnieufes font utiles, néceffaires, indifpenfables dans une république; mais encore faut-il choisir le moment & le lieu de les faire.

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