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La faction ne s'eft pas tenue battue pour cela; elle a tâché de perfuader aux Marfeillois que ce n'étoit là qu'un calme apparent & trompeur; elle a affuré qu'une fermentation fourde produiroit bientôt une explosion. Nos trères de Marseille n'ayant pas eu encore le temps de nous connoître, ne pouvant s'arracher en un inftant aux idées dont on avoit frappé leur imagination, fans plus attendre, ont été demander à la convention une prompte organisation de fa garde, & ont lu l'adreffe fuivante.

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«Citoyens représentans, nous venons des bords de la Méditerranée offrir notre fang à nos frères de Paris menacés par les foldats des defpotes; mais les jours de péril font paffés, & les feuls ennemis qui nous restent à combattre ici font les agitateurs avides de tribunat & de dictature. ( Où font-ils ? quel eft leur parti? quels font leurs moyens, leurs reffources?) Nous vous offrons nos bras contre eux; (Applaudiffemens. ) nous les of frons aux citoyens de Paris, qui fans doute ne repousferont pas dans des momens de calme ceux qui combattirent à leur tête, dans la journée du 10 août, & qui n'euffent pas été les derniers à enfoncer les rangs des Pruffiens. (Applaudi. )

» Citoyens repréfentans, vous appartenez aux quatrevingt-trois départemens. (Applaudi.) Vous êtes donc à nous comme aux citoyens de Paris, (Applaudi. ) & le fervice militaire auprès de vous, auprès des établissemens publics, eft un droit commun à tous les foldats de la patrie, dont nous vous demandons l'exercice. ( Applaudi.) (Invitez donc auffi les Parifiens à aller garder avec vous l'arfenal de Toulon, le port de Marfeille, &c.)

» Nous favons que certains hommes difent aux Parifiens que cette réclamation eft une injure, comme s'il étoit injurieux pour eux de reconnoître que nous fommes leurs frères, & que nous avons les mêmes droits! (Applaudi.) (Je trouverois très-mauvais qu'un frère voulût abfolument venir garder un ami que j'aurois chez moi, lorfqu'il me fauroit affez fort & affez honnête pour le bien garder.) Nous favons encore qu'on leur répète que la convention nationale veut établir autour d'elle des gardes prétoriennes. Un mot répond à cette calomnie: Nous y ferons. (Applaudi.) (Ceci fent un peu le gafcon. Quand vous y feriez, que feriez-vous contre toute la France trompée, ou même

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contre Paris feul, s'il l'étoit, & prenoit l'efprit de cette garde? Autrement, qu'a-t-on befoin de vous ?)

» Repréfentans du peuple, les enfans de Marseille favent obéir comme il favent fe battre; (Applaudi.) ils haïffent les dictateurs comme les rois, (Applaudi. ) & vous pouvez compter fur eux pour le maintien de vos loix, contre les hommes qui n'en voudroient aucune ». / (Applaudiffemens.) ( Où font ces hommes-là?)

L'affemblée décrète la mention honorable & l'infertion au procès-verbal. La faction voudroit la faire écrire en lettres d'or.... Cette adreffe, comme l'on voit, ne renferme que des lieux communs; elle ne porte fur rien; pas un fait, pas une raifon; l'on y voit feulement fe déployer la haine ou la prévention contre Paris. Les applaudiflemens multipliés dont elle a été accablée avec atfectation, prouvent affez que le parti de la convention qui détefte l'oeil clairvoyant des Parifiens, triomphoit de voir que les Marseillois étoient ainfi fes dupes.

On a dû y remarquer cette phrafe Les citoyens de Paris, fans doute, ne repoufferont pas dans les momens de calme, ceux qui combattirent à leur tête. Elle a la même intention, & elle eft prefque, mot pour mot, la même que celle que le jeune Barbaroux avoit improvisé peu de jours auparavant à la tribune de la convention. Nous croyons, nous, que toute cette adreffe infignifiante est de la façon. Certes, les Marfeillois auroient dû choifir

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autre faifeur, qui eût plus de tête & de talens; mais ils ont été trompés par le charlatanifme de leur député cela ne peut durer long-temps.

Patience dès que nos frères verront que la convenon n'a rien à craindre de Paris, ils verront ailément ce que la France auroit à craindre de la garde de la convention déjà plufieurs d'entre eux font revenus à la vérité. Un officier fédéré marfeillois difoit dernièrement, avec raison, à la tribune des Jacobins : Les braves Marfeillois font tous purs comme les hommes du 10. Onta cherché à les égarer, & l'on a tenté de les faire entrer dans le projet d'une force armée, mais en vain. Les foldats de la liberté ne font pas faits pour être les mouchards de la convention. La force armée d'un législateur, c'est l'opinion publique.... Il y a de faux patriotes, qui, comme les fénateurs de Venife, fe mafquent fix mois de l'année !

Nous ofons promettre qu'il ne faudra pas fix mois pour arracher le maique à nos faux patriotes & à leurs adhérens. La vérité triomphera bientôt; & quels hommes font plus faits pour aider à fon triomphe que nos frères de Marseille! En vain on leur dira que des agitateurs_travaillent à renouveler les fcènes fanglantes des 2 & 3 feptembre; iis ne le croiront pas ; ils reconnoîtront que ces bruits infidieux de profcriptions nouvelles ne font femés que pour répandre une fauffe terreur, & fervir de prétexte à la confommation d'un projet perfide & dès long-temps concerté.

Difons-le en fiaifant; nous connoiffons l'efprit qui anime Paris, & l'on nous rendra la juftice que nous ne l'avons flatté dans aucun temps. Nous pouvons affurer que jamais on n'y a ea la prétention de faire la loi aux autres départemens, de s'élever au-deffus d'eux; que le véritable efprit d'égalité & de fraternité y règne; que l'on y connoît les principes auffi bien que par-tout ailleurs, & que comme par-tout aillers on faura les y refpecter, quoiqu'on mette tout en ufage pour les y faire méconnoître. (Voyez l'article fuivant.

P. S. Le parti dominant de la convention vient encore de manifefter fon acharnement contre Paris, en faifant paffer le décret fuivant:

«La convention nationale caffe l'arrêté de la commune de Paris, en date du 19 octobre, & déclare les menbres qui y ont concouru, perfonnellement refponfables des dépenfes occafionnées par l'impreffion & l'envoi dudit arrêté ».

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Nos lecteurs s'imaginent fans doute que cet arrêté caffé promptement, & en dépit de toutes les formes d'afage, renferme un grand délit. Non; il portoit feulement que l'adreffe des quarante-huit fections fur la garde prétorienne, feroit envoyée à toutes les municipalités..

On ne peut d'abord s'empêcher de rire, en voyant que des hommes qui ne craignent pas de charger la république de huit à dix millions de dépenfes pour leur garde, prennent tout à coup affez chaudement les intérêts des Parifiens qu'ils n'aiment pas, pour les décharger des frais d'une page d'impreffion.

Certes, les Parifiens ont de grands reproches à faire à la commune, qui ne veut pas que le refte de l'empire les

regarde comme des factieux, & qui fe fert pour les dif culper de l'adreffe même des fections de Paris. Il valoit beaucoup mieux, fans doute, que cette adreffe fût défigurée, dénaturée par les journaux vendus au parti dominant de la convention, & répandue ainfi dans toutes les municipalités; cela n'auroit pas coûté fi cher. Le décret eft abfurde fous tous les aspects on a fait entendre à l'affemblée que cet arrêté étoit un outrage pour elle, qui avoit improuvé l'adrefle des fections ;mais premiérement cet arrêté avoit été pris avant que l'adreffe fût préfentée, comme on peut s'en affurer par la date & par le texte de l'arrêté même.

« Dix-neuf octobre. Les députés des quarante-huit fections de Paris, se préfentent au confeil de la commune, & lifent une adreffe qu'ils fe propofent de préfenter à la convention au fujet de la force armée. La lecture de leur difcours a été fort applaudie, & le confeil en a décrété l'impreffion & l'envoi aux quatre-vingt-trois départemens aux quarante-quatre mille municipalités, & à toutes les fociétés populaires de la république ».

En fecond lieu. il eft faux que l'aifemblée ait improuvé cette adreffe: on ne peut pas prendre pour le vœu de la convention, les interruptions, les cris, les injures d'un parti. Le préfident même n'a pas ofé l'improuver ouvertement. L'affemblée a admis la députation aux honneurs de la féance. Eft-ce-là une marque d'improbation? La commune n'avoit done, le 20 octobre au 1oir, aucun motif pour retirer fon arrêté du 19, ni l'arrêté en lui-même ni fon exécution ne pouvoient avoir rien de choquant pour la convention.

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Quand Buzot condamne cette demarche comme tendante à confacrer les principes d'un gouvernement fédé ratif, on ne fait, pas plus que lui, ce qu'il veut dire. Quoi! un gouvernement fédératif qui uniroit par mêmes rappor s, par les même; nœuds, les quarante-quatre mille municipalités de la France, feroit un gouvernement condamnable? Il faut donc que le Buzot veuille un autre genre de gouvernement fédératif ?

Mais fuppofons encore que cet arrêté fût illégal & dangereux, la convention qui avoit maintenu les anciennes loix, devoit maintenir la hiérarchie des pouvoirs qu'elles établiffent. Comme nous n'avons pas de diftrict à Paris, c'étoit au département à caffer cet arrêté, à

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s'informer fi les repréfentans de la commune faifoient imprimer cette adreffe à leurs frais, ou fur les fous additionnels. Du 19 au 25, il n'y avoit pas encore de temps perdu; on ne pouvoit pas encore accufer le département de négligence. S'il y en eût eu, c'étoit au pouvoir executif à ordonner au département de s'occuper de cette affaire. Le pouvoir exécutif ne s'en mêlant pas c'étoit à la convention, après avoir laiffé un temps fuffifant, à lui enjoindre d'ordonner au département de prendre connoiffance de cet arrêté; & fi le département ne l'eût pas caffé, fi le pouvoir exécutif eût, par fon filence, applaudi le département, c'étoit enfin à la convention à caffer l'arrêté elle-même. Mais la loi fi hautement invoquée par les factieux, étoit cette fois-ci trop lente au gré de leur vengeance. Où étoient donc pendant ces miférables difcuffions les amis du peuple? Deux députés feulement ont parlé contre le décret. Les Danton, les Robespierre fe font tus. Tu dors, Brutus!

Jugement & exécution de neuf émigrés.

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Pour prendre le poiffon, on bat l'eau, on la trouble en foulevant fa vafe: cette petite rufe de guerre eft employée en ce moment contre Paris. Quoique Pétion ne foit plus à la mairie, ni Manuel à la commune, cette ville n'a jamais été moins agitée qu'en ce moment, & c'est ce moment qu'on choifit pour lui propofer un furcroît de force armée tirée des 82 autres départemens. C'eft mal choifir fon temps. Mais les auteurs de ce projet, & ceux qui ne feroient pas fâchés de le voir décréter " ne défefpèrent encore de rien. Ils font venir à Paris des émigrés pris fur les frontières les armes à la main. Une loi formelle décidoit de leur fort à l'endroit même de leur arreftation: n'importe, les perfonnes chargées de l'envoi par une miffion fecrète diront n'avoir pas encore reçu officiellement le décret.

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En effet, ils font arrivés le vendredi 19 octobre au nombre de treize. Ils ont paru au confeil général de la commune pour y déclarer leurs noms ; de là ils furent transférés en plein jour aux prifons de la conciergerie entre deux haies d'écharpes. Le peuple a été plus fage qu'on ne comptoit; il s'eft contenté de crier vive la nation, & de demander un prompt jugement.

Voici le procès-verbal de leurs déclarations:

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