ment pour parler pendant près de deux grandes heures de lui, rien que de lui, tout de lui? Législateurs! toutes vos féances devroient être telles, que le procès-verbal de chaque jour pût mériter d'être envoyé aux 83 départemens; comme vous fites pour la journée du 21. septembre, époque de l'abolition de la royauté. Pourriez-vous envoyer celui de la féance du 25 ? Que nous importent, diroit le peuple, les longues apologies de Robespierre, Danton, Marat & quelques autres? Si ces messieurs ont bien mérité, quand la révolution & la guerre rre feront terminées, nous diftribuerons les couronnes civiques & militaires. Le peuple a bonne mémoire, & c'est une prévention défavorable que d'être obligé de rappeler au public les titres qu'on a à sa confiance. Mais pour le moment, soyons tout à nos devoirs. On nous fit craindre long-temps le protectorat de Cromwel dans la politique de la Fayette, auquel Marat s'acharna justement pendant trois années. Eh bien! la Fayette.nous délivra de sa personne à l'instant où nous nous difpofions à lui donner son salaire. Il en seroit de même de ceux qui aspireroient à la dictature de Jules-Céfar. Le peuple ne les craint pas; il saura s'en faire justice. Dans Rome prête à subit le joug des empereurs, il ne se trouva qu'un Brutus. Nous le ferons tous, à présent que nous avons brisé le fceptre des rois. Laissez-nous ce foin-là: le vôtre, législateurs, est de nous préparer des loix, & de nous donner l'exemple des mœurs républicaines. N'imitez point des grands hommes d'autrefois, la prolixité de leurs difcours &, la groffiéreté de leurs reproches. Croyez-vous donc que le fil des destinées de toute une. nation soit attaché à l'existence de trois ou quatte individus, dont le patriotisme peut être ne consiste qu'à rem plir la France de leurs noms? La liberté est l'ouvrage de tous, ainsi que la constitution qui va lui servir de base, & qui ne doit offrir que les résultats de l'efprit public. Peut-on de fang-froid entendre à la tribune juftifier l'intempérance de la plume & de la langue de Marat par la vie fouterraine qu'il a menée ? L'opinant n'ignoroit pourtant point que Marat fit les numéros de fon Ami du Peuple dans une chambre que Legendre lui céda au second étage de sa maison. Que tous ces miférables détails font loin des grandes mesures que nous attendons de l'assemblée conventionelle ! Qui ne hausseroit les épaules à la vue de Marat dans la tribune de sa poche un pistolet, comme autrefois nos capucins en chaire tiroient un petit bon Dieu de leur manche, & dire, en se démenant comme un polichinello d'Italie a , tirant << Je ne crains rien sous le ciel ». (Lui, Marat, qui se vante de s'être caché dans un trou de cave, pour se soustraire aux poursuites de Lafayette!) « Je ne crains > rien sous le ciel; mais si un décret est lancé contre >> moi par l'assemblée, je me brûle la cervelle devant >>> vous ». Puis, rengainant son instrument de mort, qui vraisemblablement ne receloit que de la poudre : << Mais >> non, je resterai au milieu de vous pour braver vos >> fureurs ». Marat, nous vous le répétons pour la troisième fois ; il y a de l'emploi pour vous, Marat, dans la convention: ce n'est pas dans le sens de ce citoyen qui a dit que vous feriez moins de mal dedans que dehors. Vous êtes trop bien connu maintenant pour en faire, & vos derniers placards ont achevé de vous dessiner de manière à ne plus s'y méprendre. Dans quelques-uns de vos pamphlets, vous avez montré la verve du patriotisme; vous avez été utile à la révolution; vous pouvez encore l'être; mais n'abusez pas de l'afcendant éphémère que vous avez sur une portion du public; défiez vous davantage d'une réputation équivoque, ufurpée peut-être dans un temps de trouble, dans un moment d'ivresse, & qui commence à vous échapper. Croyez-nous, Marat, laiffez mûrir votre tête, & fur-tout foutenez avec plus de dignité le caractère dont vous êtes revêtu; craignez de perdre au grand jour l'espèce de succès que vous ne devez peut-être qu'à l'obscurité de la cave où vous vous êtes tenu caché pendant plusieurs mois. Marat, le charlatanisme n'est plus de faifon; quittez vos gobelets. Mis l'assemblée passa tout fimplement à l'ordre du jour, espérant bien que les bons citoyens feroient les premiers à gémir sur le scandale de cette féance. Il ne faudroit pas que ces scènes dégoûtantes se répétassent souvent; car, comme le disoit fort sensément un député: Les départemens favent ce qui se passe ici. Queile confiance auront-ils dans nos travaux? La convention nous trouve dans une grande attente il faut qu'elle y réponde: elle n'a point de modèle à chercher avant elle, ni autour d'elle; il faut qu'elle donne tout à la fois le précepte & l'exemple: qu'elle y pense! Ce n'est que par un torrent de lumières fortes & de vertus mâles qu'elle pourra entraîner la masse des esprits, travail'ée encore en ce moment par un ancien levain plus difficile à détruire qu'on ne penfe. Pour obtenir l'affentiment général à des décrets qui renversent tant de vieilles idées reçues, elle a besoin d'en impofer par un grand caractère de sagesse & d'énergie. Les rois, impuissans par eux-mêmes, s'environnen: d'un appa + -1 reil menaçant & d'une pompe éblouissante qui frappent l'œil de la multitude. Des législateurs rassemblés pour rédiger le premier code digne d'être offert aux hommes devenus enfin libres, ne fauroient mettre trop de poids dans leurs discussions, & se tenir avec trop de constance & d'immobilité au-dessus des petites paffions. Semblables au voyageur qui gravit les Alpes, ils doivent, fans s'émouvoir, entendre gronder les orages sous leurs pieds. Il faut rendre cette justice à nos députés conventionnaires; ils ont ouvert leur fession avec une forte de fublimité. C'est au moment que tous les potentats de l'Europe, coalisés contre la France, font entrer leurs armées fur notre territoire que l'assemblée nationale déclare folennellement la proscription des rois & l'abolition de la royauté. Déjà nos frontières sont envahies, & plusieurs de nos villes passent lâchement sous les fourches caudines. Châlons & Reims sont à la vue de l'ennemi: tranquille à fon poste, la convention décrète la république, & la déclare une & indivisible; mais il faut rester à ce degré d'élévation, & ne pas retomber dans de petites manœuvres de clubs. La Prusse, l'Autriche & les émigrés redouteront plus encore la convention, si elle fait fon devoir, que nos deux millions de foldats. Réclamation. La section du Panthéon Français me charge de donner un désaveu formel à un article de la Chronique de Paris, jeudi 27 septembre, où il est dit qu'en épurant les membres choifis pour la convention nationale, elle a rejeté Marat. Citoyen, la section du Panthéon Français a cru, ainsi que beaucoup d'autres, plus prudent de suspendre, pour cette fois seulement, l'exercice du droit qu'elle a d'examiner ceux qu'on lui désigne pour représentans, & elle s'en est rapportée entiérement au choix des électeurs. Je vous prie de l'apprendre au public, en inférant cette lettre dans votre Journal. PARIS, homme de lettres, président de la section du Panthéon Français. Paris, 29 septembre, l'an premier de la république. Armée du Centre. La position est toujours la même, ainsi que celle de l'armée prussienne; mais la détresse de celle-ci augmente de jour en jour; le foldat commence à murmurer: on lui fait manger du pain d'avoine, qui n'est pétri qu'à moitié, encore est-il réduit à une livre par jour. Non-seulement ils font dans la disette de vivres, mais ils manquent encore d'eau, tellement que le roi de Prusse fit demander dernièrement au général Dumourier la permission de laisser boire ses chevaux dans une marre voisine de notre camp, à quoi Dumourier : T Dumourier répondit : « Ce n'est pas à moi; c'est à mes >> canonniers qu'il faut demander cette permiffion ». La difette de fourrages a obligé les Prufliens à faire manger du bled à leurs chevaux ; & ce bled fermentant dans leur corps en fait mourir un grand nombre, qu'ils mangent enfuite. On peut juger de leur état de détresse par la lettre suivante. Extrait d'une lettre trouvée dans la poche du Prince, da Ligne, général Prussien, tué à l'affaire de la Croix-auxBois, le 14 septembre 1792, datée du camp de Boux. 5 Nous commençons à être affez las de cette guerre, où meffieurs les émigrés nous promettoient plus de beurre que de pain; mais nous avons à combattre les troupes de ligne dont aucun ne déserte, les troupes nationales qui restent: tous les paysans qui sont armés, ou tirent contre nous, cu nous assassinent quand ils trouvent un homme seul ou endormi dans une maifon. A Le temps qui, depuis que nous sommes en France est si détestable que tous les jours il pleut à verse, & que / les chemins sont si impratiquables, que dans ce moment nous ne pouvons retirer nos canons: de plus la famine; nous avons tout le mal imaginable pour que le soldat ait du pain, & la viande manque fouvent: bien des officiers font cinq, fix jours fans trouver à manger chaud, nos fouliers & capottes font pourris, & nos gens commencent à être malades. Les villages font délerts & ne fournissent ni légumes, ni eau-de-vie, ni farines, je ne sais comment nous ferons & ce que nous deviendrons. Quelquefois on se donne le petit plaisir, comme moi.... L'écrivain en reste là, & il n'a fans doute pas eu le temps de terminer sa lettre. Pour copie conform e à l'original, signé, DUMOURIER. La mésintelligence commence à se manifester entre les émigrés & les chefs des armées combinées. Ceuxci commencent à voir qu'en leur promettant de les ame ner à Paris avant la fin de septembre, on les a trompés, & la résistance qu'ils éprouvent de toutes parts le -N°. 168. Teme 14.. G teur prouve affez. Thionville, qu'ils croyoient réduire en vingt-quatre heures, a déjà été bombardé trois fois en vain. La garnison fait de vigoureuses sorties, enlève des convois à l'ennemi, & par là-dessus fe moque de lui. L'armée de Dumourier se renforce tous les jours; dix mille hommes du camp de Châlons viennent de lui arriver, sous les ordres du général Dubouquet; trois mille gendarmes bien exercés sont partis de Paris & prêts à le joindre; des bataillons de volontaires de tous les départemens font en marche pour se réunir à lui. L'armée a confiance en son général, & Dumourier compte fur le courage des volontaires & des foldats. Que faut-il de plus pour espérer d'être vainqueurs? On attend un mouvement dans les armées de Dumourier & Kellermann , qui doit rendre notre pofition encore plus avantageufe: en vain le roi de Prusse demandet-il à parlementer avec Dumourier; ce général ne veut lui répondre qu'à coups de canon. Le 20, à trois heures du matin, l'avant-garde de l'armée de Kellermann, forte de dix mille hommes, a été attaquée par l'ennemi: on s'est canonné vivement, pendant huit heures, à quatre cents pas de distance. Sans l'accident de trois caissons incendies par un obus nous aurions perdu beaucoup moins de monde. Il y a eu à peu près trois cents hommes, tant tués que bléflés, de notre côté. La perte de l'ennemi a été beaucoup plus considérable. Le courage & le sang-froid des volontaires pendant l'action a été étonnant; des bataillons qui n'avoient jamais vu le feu, font restés dans une intrépide immobilité; des lignes entières renversées étoient remplacées fur-le-champ, on ne demandoit qu'à s'appro'cher de, l'ennemi, qui n'a pas ofé engager le combat, & s'en est teru à la canonnade, puis s'eft retiré & a occupé un poste appelé le poste de la lune, à la doite d'Oberval. Le lendemain, l'ennemi a tenté de faire une forte par le même bois qui avoit protégé sa retraite; mais une batterie placée à propos l'a bientôt fait changer de dessein, & l'a forcé de se replier sur le corps de l'armée. On annonce qu'un régiment de dragons autrichiens a été fa't prifonnier. Une lettre que nous recevons, en date du 24, pá cît confirmer cette nouvelle, en nous apprenant qu'un gros de cavalerie ayant été attaqué par Kel 1 1 |