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nous ne frappons pas le monftre au milieu de ses crimes? comment réfisterons-nous, si par un exemple salutaire nous n'effrayons tous ceux qui oferaient l'imiter ? quoi ! nous lais ferons nos femmes nos enfans, nos frères fans vengeance! Quoi! parce qu'un particulier aura fait mourir un feul citøyen, il périra, & celui qui aura été l'affaffin de toute une nation reftera impuni parce qu'il porte une couronne ! Tous les confpirateurs qui ont payé de leur tête leur làche complaifance pour le tyran, tous ceux qui vont satisfaire de la même manière à la vengeance des loix n'auroientils pas le droit de vous dire du fond de leur tombe ou de leurs cachots: c'eft à cause de lui que nous fommes punis, et il ne l'eft pas; c'est pour lui, c'eft avec lui que nons confpirions, et vous l'épargnez! vous épargnez les grands les grands criminels, et vous ne frappez que les petits; vous n'êtes ni justes, ni libres, et si Louis ne périt pas, notre mort eft un crime. Non: nous n'avons jamais pu jurer une telle infamie, même fous le couteau des tyrans; non ce n'eft pas ainsi que nous avons entendu cette horrible inviolabilité qui d'un fcélérat fait un dieu, ou si nous l'avons promise, soyons, soyons, parjures citoyens,

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Mais dans la circonftance actuelle le parjure n'eft pas ceffaire, Louis n'eft plus roi. Il n'eft donc plus inviolable et facré, même aux yeux de votre abfurde conftitution qui le range, après fa déchéance, parmi les fimples particuliers.

De deux chofes l'une: ou les conftituans, dans la baffeff: de leur admiration pour un roi, n'ont pas fuppofe qu'il pût être un Phalaris et un Néron, ou ils l'ont fuppofé. S'ils n'ont pas cru qu'un roi pût être pire qu'un Defrues, il est clair, que leur filence ne prouve rien, et que puifqu'ils ne l'ont pas fuppofé capable de fi grands crimes, ils n'ont pu affigner

peines analogues au cas préfent, & puifqu'ils n'ont pas dit formellement qu'on ne devait pas le punir dans tout autre cas, leur intention n'étoit pas qu'il échappât à une punition qu'ils ne prévoyoient pas qu'il pût mériter. Nous l'avons déjà dit: Louis le traître eft dans le cas des parricides d'Athènes. Solon n'avoit pas cru que jamais aucun homme pût tuer fon père: la peine de ce crime n'étoit point portée dans fon code. Cependant quand il y eut des parricides, ils furent punis: car la loi ne défendoit pas de les punir.

Et fi les conftituants ont fuppofé que le roi des Français pût fe fouiller de tant d'horreurs, alors il eft bien évi 171. Tome 14.

N°.

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dent qu'ils n'ont pas cru que ces horreurs puffent refter im punies; car vendus à la lifte civile comme ils l'étoient, s'ils avoient eu cette penfée, certes, ils l'auroient déclarée hautement; ils auroient décrété en termes exprès & formels que jamais le roi ne pourroit être poursuivi pour des crimes antérieurs à fa déchéance : ils ne l'ont pas fait leur filence prouve contre eux; c'eft qu'ils ont fenti que tout le public, que l'imprefcriptible vérité s'élèverait contre ce décret, c'est qu'ils n'ont pas cru que de tels crimes puffent refter impunis, ils n'ont pas même imaginé qu'on pût le croire. Le filence de la conftitution eft donc la plus forte preuve contre Louis XVI.

Examinons l'article de la conftitution qui paroît le plus favorifer ce grand coupable: le voici : après l'abdication expreffe ou légale, dans les trois cas déjà mentionnés ) le roi fera dans la claffe des citoyens, & pourra être, accufé & jugé comme eux pour les actes postérieurs à fon abdication.

On voit ce que nous avons déjà remarqué, que dans cet article nos prétendus légiflateurs n'ont pas ofé étouffer le cri de leur confcience; ils n'ont pas ofé dire: seulement pour les actes poftérieurs à fon abdication: ils ont laissé la vérité dans le vague. Mais comme on ne peut jamais faire dire à une loi ce qu'elle ne dit pas, il s'enfuit qu'elle ne prononce point qu'il ne fera pas jugé pour les actes antérieurs à fon abdication volontaire ou forcée, qui n'ont pas été prévus. Certes, à l'égard des trois cas mentionnés par elle, et auxquels elle affigne pour peine la déchéance, elle affure que le roi n'a pas d'autre peine à encourir, et comme elle n'a pas prévu d'autres forfaits, ce n'eft que relativement à eux qu'elle parle du jugement des actes poftérieurs à l'abdication.

On pourroit objecter, mais ce feroit une véritable chicane de mots, que l'article de la conftitution fait entendie, que fi on le jugeoit pour des crimes anterieurs, il ne pourroit être accufé et jugé comme les fimples citoyens.

Cette chicane n'embarraffera pas. Car notre avis n'est point qne Louis soit jugé, quant aux formes, comme les simples citoyens. Nous voulons que fon procès, inftruit. devant l'Europe entière, faffe le procès à tous les rois, éclaire tous les peuples sur les dangers incalculables de la royauté, et que la tête de Louis XVI en tombant fasse crouler tous les trônes : il a commis des crimes qu'un, roi seul peut commettre, il faut qu'il foit jugé comme roi, et non comme un particulier, dont les crimes ne peuvent avoir ni ce degré profond de fcélérateffe, ni cette influence monftrueufe fur tout un empire.

Il n'eft point de particuliers qui puiffent former une claffe à part, comme en formoit à lui feul le roi des François; il n'eft point de particulier qui eut à lui feul au moins la moitié de la puiffance légiflative par un veto, et le pouvoir exécutif fuprême, il n'en eft point qui fût le représentant héréditaire de tout un peuple. Ces qualités ces prérogatives donnent à fes crimes plus d'interfité, & un caractère bien plus public à fa perfonne: on ne doit point le juger comme un fimple citoyen.

nouveau

Ce n'eft pas qu'il faille ajouter des articles au code pémal à caufe du ci-devant roi, nous favons trop ce grand principe que Roaffeau a fi b.en démontré, que la loi ne peut ftatuer fur un objet individuel, autrement le peuple fe trouveroit juge & partie. Nous ne demandons point que l'on décrète un genre de fupplice nouveau pour ce coupable. Non: quoique toutes les peines déjà portées par le code pénal, foient infiniment trop douces, quoiqu'elles n'aient aucune proportion avec les crimes de ce traître nous voulons les lui appliquer, afin qu'au lieu d'accufer le peuple Français d'une injufte vengeance, tout l'univers admire fa clémence, fon humanité. Oui, fon humanité! qu' n fe rappelle les tortures prolongées, les fupplices épouvantables que les rois font convenus de faire endurer à leurs affaffins les cheveux dreffent au feul récit des barbaries exercées fur Damien, Ankaftrom et quelques autres, S'il étoit un enfer au pouvoir des rois, ils y euffent fait tourmenter éternellement ces malheureux; cependant ils n'avoient frappé qu'un homme, le plus fouvent un monftre; & nous, qui avons à venger dans la perfonne d'un feul l'affaffinat prémédité de plufieurs milliers de citoyens, & le projet conftaté d'enchaîner ou d'égorger la nation entière, nous nous contentons de faire fubir à ce grand coupable le châtiment commun que la loi inflige à tous les fcélérats, & qui leur ôte la vie dans un inftant plus prompt que l'éclair. Pourquoi ? C'est qu'une nation, toujours jufte quand elle fe gouverne elle-même, en faisant périr un coupable, ne voit que la néceffité (qui cependant n'eft pas conftatée à beaucoup près ) de retrancher de la fociété un membre qui a violé le pacte focial par un grand attentat, & que refpectant l'homme dans l'homma jufqu'au dernier moment, elle ne veut que lui donner la mort, en lui en fauvant, s'il fe peut, les horreurs. Mais les tyrans au contraire ont befoin d'effrayer par l'appareil des plus affreux fupplices celui que l'excès de leurs forfaits porte chaque jour à les poignarder.

Revenons. Il ne s'agit que de jeter un grand éclat fur la cause

de Louis-le-Traître, de donner la plus grande publicité à la procédure, d'entourer ce roi enchaîné par le peuple, de tout l'appareil qui environnoit le roi déchaîné contre, le peuple. Puifque les rois aiment tant la pompe, il faut les entourer de pompe jufque fur l'échafaud.

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Quelques-uns prétendent qu'il fuffit pour cela de créer, d'après les anciennes formes, un tribunal fuprême qui, jugera l'aniverfalité des crimes de Louis XVI; ils ajou-, tent que fi le tribunal actuel étoit chargé de cette affaire, il y auroit encore cet inconvénient que cette procédure étant immenfe, puifqu'i n'y a aucun point dans la république où la fcélérateffe de Louis-le-Dernier ne fe foit. fait fentir, elle abforberoit pendant un long efpace de temps toute l'attention des juges: ils auroient à fuivre la trace des perfidies de ce monftre ju que dans les cours, jufque dans les cabinets étrangers; ils ne pourraient s'occuper de long-temps d'aucune autre affaire, & alors les autres accufés gémiroient inutilement dans les prifons; la procédure de Louis entraveroit toutes les autres procédures, & fous les liens d'une accufation, il arrêteroit encore le bras de la juftice levé fur les coupables; comme il l'a fait tant de fois lorsqu'il étoit fur le trône; & que, pour parer à cet inconvenient, il faudroit établir un nouveau tribunal qui jugeroit tous les confpirateurs fubalternes. D'autres penfent qu'il vaudroit, mieux que ce tribunal fût établi pour juger d'une ma nière plus impofante & plus, authentique le ci-devant roi, & que celui qui exifte pût continuer fans délai fes opérations déjà commencées. La majorité des opinions, femble donner à la convention nationale le pouvoir de juger Louis XVI, foit en fe formant en cour judiciaire, fot ca nommant une commiffion à cet effet: nous n'entrerons point ici dans la difcuffion de cette question im'portante; elle doit faire la matière d'un article fubféquent.

Nous avons réuni en maffe tout le corps de preuves que nous avons dû étendre & développer. Nous ne fommes pas forcés dans cette affaire de fuivre la conftitution parce qu'elle a été anéantie dans tous fes points. Nous avons le droit de l'anéantir d'après la conftitution même, & fi nous nous trouvions liés par quelqu'un de fes articles nous le ferions par tous. D'ailleurs, fi jamais conftitution eût pu lier un peuple, ce n'étoit pas la nôire, puifque le roi nous l'avoit fait jurer de force, puisque c'étoit hui-même qui l'avoit dictée, & en particulier Pticle que l'on invoque dans ce moment. Enfin

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contrat paffé entre nous, & Louis ne nous engage à rien puifque Louis a rompu le premier.

Mais fuppofons encore que l'on doive fuivre la conftitution; elle n'a point prévu le cas dont il s'agit; elle n'a dit nulle part qu'il ne falloit point punir un roi s'il fai-foit affaffiner le peuple. Son inviolabilité, fi abfurde pendant fon règne, ne fubfifte plus après fa déchéance, le filence même de cette conftitution le prouve: donc fans la conftitution comme par la conftitution ce n'eft donc point la fimple déchéance, mais une peine proportionnée à f.s crimes que Louis XVI doit encourir; c'est ce qu'il falloit d'abord démontrer.

Suite des obfervations fur la maison militaire de la con

vention.

La convention nationale vient de décréter une maison militaire à fon fervice, fournie par les quatre-vingt-trois départemens.

Un mefure auffi étrange, dont ne s'eft point avifée l'affemblée conftituante aux époques les plus orageufes, & dans fes jours de corruption, a de quoi furprendre. On fe demande quels motifs ont pu confeiller aux repréfentans d'un peuple républicain d'élever entre eux & lui une barrière aufli injurieufe pour la fection de la république où fiége la convention. Nous avons interrogé l'opinion publique, & ce font fes réfultats que nous. avons confignés déjà dans un article de notre dernier numéro, page 117. Mais le rapport contenant le mode d'exécution de cette garde n'avoit pas encore paru; aujourd'hui qu'il eft public, cherchons-y les raifons qui ont porté nos légiflateurs à un expédient de cette nature. Le rapporteur commence par établir pour principe que tout ce qu'il y avoit de perfonnel eft anéanti ou va l'être.. Le defpotifme n'eft plus, l'aristocratie n'est plus.

Et pourquoi donc, inconféquent Buzot, propofes-tu une mefure perfonnelle aux membres de la convention, une mefure tendante à rappeler le defpotifme qui n'est plus, à reffufciter l'ariftocratie qui n'est plus?

L'égoïfme ne fauroit fubfifter.

Il ne fubfifté plus en effet pour la grande majorité du peuple français, qui depuis quatre années facrifie fon temps, fes biens > toute fon existence au triomphe de la liberté. Mais vous tous, membres de cette cabale qui demande à grands cris dans la tribune de la convention une garde nombreuse d'hommes de cinq pieds trois pouces au moins, vous êtes de lâches & vains égoïftes qui ne pensez qu'à

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