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moment à l'autre les droits de tous & de chacun. Ainfi; & par fa volonté générale, & par fa volonté particulière elle affocie à fon inviolabilité l'affreux pouvoir de nuire à toute la fociété, Ge defpotifme-là n'aura pas le fafte impofant de l'Afie; mais qui ne doit pas craindre de l'éprouver à chaque inftant? Mettre une force armée à la difpofition de tant de pouvoirs, c'est vouloir anéantir dans le peuple même la conquête de l'indépendance & de la fouveaaineté. Il eft donc inftant de nous oppofer de toutes nos facultés à cet abus monftrueux de la puiffance, qui expoferoit notre liberté à être influencée par une foldatefque bientôt corrompue, ou bien qui provoqueroit une infurrection meurtrière, pour conquérir une feconde fois les droits du peuple, car qui pourroit alors empêcher la volonté conventionale d'ofer, fans qu'on'eût à s'en plaindre, transformer le comité de furveillance en tribunal d'inquifition qui auroit une armée à fes ordres ?

Au Capitole, les confuls feuls avoient des licteurs; mais les membres du fénat n'avoient que des efclaves à leur fuite ils étoient au nombre de quatre mille; &3 fi chacun d'eux eût voulu avoir fix gardes, Rome eût-elle laiffé une armée de vingt-quatre mille ftipendiés menacer les fept collines?

A Londres, ni les membres de la chambre des Pairs, ni ceux des communes, n'ont des archers. Les citoyens Hollandais qui fiégent aux états-généraux, n'ont aucun foldat autour de leurs perfonnes. En Suiffe, Melchtal Stauffacher, Guillaume-Tell, ces braves payfans, fondateurs de la liberté Helvétique, à Philadelphie, le congrès, ont-ils jamais penfé à inftituer une maifon mili-3 taire autour de l'autorité légiflative? Une armée le dévoua à Cromwel, & il s'en fervit pour fubjuguer l'An-~ gleterre, pour caffer le long parlement, le faire défiler devant lui, prendre le chapeau de l'un des membres qui ne le faluait pas & le jeter par terre, en lui difant. Apprenez à me refpetter.

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Avec une armée de gardes auprès du corps legiflatif une rixe, dans le genre de celle de Grangeneuve & de Jouneau, fuffiroit pour donner lieu aux plus grands troubles, & les malveillans, unis au chef, qui feroit devenu l'idole de la garde prétorienne en l'aidant à nous afferyir, affouviroient la foif de leurs vengeances. Une maifon militaire autour des légiflateurs! Ils aboliffoient celle du ci-devant roi, ils craignoient qu'affociée à des contre-révolutionnaires elle ne déchirât le fein de la capitale; & quand ils ont aboli cette maifon dangereufe, ils en veulent une pour eux! En vain prétend

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on que les quatre-vingt-trois départemens doivent avoir T'honneur de concourir à la garde de la convention ; & daffurer la liberté de fes délibérations. Dès qu'il eft queftion d'honneur, il ne faut plus croire à l'égalité. Celui qui a un honneur que d'autres n'ont pas, eft fu-: périeur à ceux-ci, & fous le mafque de l'homme honoré se découvre une grande ariftocratie. One veut délibérer librement; & les tribunes, le peuple, improuvent certaines opinions, ils ferment la bouche des méchans ou des imbécilles, mais tel eft leur droit.: Sans la faculté d'approuver ou de défapprouver, exercée par les affiftans, que de plaies les deux légiflatures précédentes auroient faites de plus à la patrie ! La confcience publique eft infaillible sales coeurs purs, les efprits éclai rés ont toujours recherché l'honorables fuffrage de l'opi nion générale; il n'y a que les fots & les pervers qui la redoutent; le peuple applaudit avec transport aux bonnes loix, & doit-il, fe taire quand on lui propose des décrets ouvrage de l'intrigue, de la furprife ou de ! la corruption? Dans un aréopage animé par un esprit de juftice, échauffé du feu du patriotifme, toute garde devient inutile à ceux qui parlent & délibèrent, & à ceux qui écoutent.

Suivant le projet du comité, chaque législateur auroit quatre gardes à pied & deux à cheval. Pour 745 mem÷¬ bres, il y auroit 4470 militaires qui pourroient coûter cinq millions par année, c'est-à-dire beaucoup plus que la convention elle-même, & cela pour donner plus de majefté au corps légiflatif. Mais la garde nationale eft bien une'; garde d'honneur, puifqu'elle fert gratuitement, & l'on doit dire avec affez de zèle pour mériter l'eftime & la confidé ration des législateurs, même les moins zélés. Oui : mais, difent ceux-ci, les départemens prétendent concourir à la convention. Où cette prétention eft-elle confignée? Quoi! des citoyens confentiroient à quitter l'honorable titre de volontaires nationaux pour prendre le nom de gardes du. corps légiflatif! Il y a loin entre la fonction civiques d'un férvice gratuit, utile à tous, & une fonction simpofée feulement par 745.Qui eft plus honoré que les légiflateurs, plus accueilli & plus encouragé? Mais il y a parmi eux des bons & des méchans; & ces derniers, fous le voile d'un faux patriotifme, nuifent à la république entière y malheu reufement trop difpofée à recevoir les impreffions de leurs calomnies & de leurs, impoftures.

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A la fuite de cette garde, les légiflateurs ne tarderoient fans doute pas à porter des marques diftinctives, & bientôt sous les regards rappelés à l'ufage des anciens préjugés, concentreroient

concentreroient en eux toute la majefté nationale. Citoyens! non, cela ne fe fera pas, cela ne peut paffer : voulant tous l'égalité, il faut que les légiflateurs nous en donnent l'exemple les premiers.

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Nous favons que des bataillons de la Gironde, & qu'un autre de Dieppe, allant fur les frontières, ont reçu l'ordre de fe rendre à Paris, croyant que tout y étoit en feu. Toutes ces calomnies n'ébranleront pas les Parifiens, ne les forceront point à l'anarchie, ils obéiront aux loix, ils refpeteront l'affemblée nationale, toutefois en fe réfervant le droit imprefcriptible d'eftimer ou de méprifer tels ou tels membres de la convention. Si des cabales la déshonorent, ils ne manqueront jamais de les dénoncer à leurs frères des 82 autres départemens.

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Législateurs! hâtez de faire juftice vous-mêmes du гарport fur l'organisation d'une garde militaire qui vous feroit perfonnelle; ne confacrez pas une grande injuftice envers les citoyens premiers nés de la révolution.

Réfumons-nous. Pourquoi veut-on donner une garde à la convention nationale ? Ce n'eft pas qu'on croie qu'elle en a befoin. Le Parifien n'a-t-il pas refpecté même les Mauri & les Mirabeau cadet? Mais c'eft que cette garde fembleroit dire hautement à toute la république : Citoyens ! les Parifiens font des factieux; or c'étoit là le langage de Coblentz, des Tuileries, & des ariftocrates de tous les partis,

Buzot ne s'en eft point caché à la féance du vendredi 12 du courant. Ce député du département de l'Eure a levé tout à fait le mafque, à l'occafion d'un arrêté de la fection de Marseille. Il a ofé dire: puifqu'il n'y a plus d'obéiffance que dans les 82 départemens, vous devez les appeler ici. La liberté n'existe plus pour eux (a-t-il ajouté) s'ils ne vous fourniffent les moyens de l'arracher des mains de la polycratie de Paris. Pour contenir les factieux de cette ville, une garde compofée de tous les départemens n'a jamais été plus neceffaire.

Que fignifie cette convocation faite par le comité de légiflation de toutes les fections armées? Pourquoi toutes ces demandes timides, à demi-voilées, ayant évidemment un but fecret? Que vouloit donc dire Buzot le préfident, lorfqu'il s'informoit d'un air embarraffé combien il y avoit d'hommes à Paris en état de porter les armes ? Combien il Y avoit dans les fections de gens sûrs, & fur qui l'on pút No. 170. Tome 14.

compter? Quel eft ce langage fayettifte? Auffi le brave Santerre, qui arriva des derniers au rendez-vous, ne put contenir fon indignation; il vit bien ainfi que les autres commandans qu'il y avoit là-deffous un piége, & il ne cacha ni fa furprise, ni fa colère patriotique.

Citoyens, vous l'entendez de la bouche de Buzot: vous êtes tous des factieux, parce que vous voulez élire vos magiftrats à fcrutin ouvert, comme vous avez élu ces mêmes députés à qui l'efpoir d'avoir fix gardes chatun fait déjà tourner la tête. Eh! miférables roitelets! vous avez oublié bien vite que c'eft à ces factieux que vous devez l'honneur de fiéger à la convention, & même l'existence, puifque la journée du 10 fans eux n'auroit pas eu lieu.

Et toi, Buzot, réponds? Quel eft le factieux, du citoyen de Paris qui fe laiffe paifiblement calomnier, ou de celui qui a l'impudence de dire à la tribune : « Déjà la ville d'Angers » se prépare à nous envoyer 400 hommes : j'ai une pétition » chez moi par laquelle mon département me témoigne fa » fatisfaction fur mon rapport au fujet de la garde de la » convention.» Dis, Buzot, ce langage, que tu as tenu, n'eft-il pas celui d'un véritable factieux? A t'entendre, qui ne croiroit que déjà les Parifiens font le fiége de la falle du manége, & que les députés en font réduits à demander dés fecours d'armes & de munitions?

Et vous, Robespierre, Marat, Danton, Robert, où étiez-vous quand Buzot s'exprima ainfi?... Mais, diront les modérés, au nombre defquels il nous répugne de vous furpreudre, les départemens ont le même droit que Paris de garder les députés de la république ?

Oui, fans doute : mais auffi fi la convention fiégeoit à 'Angers, ou à Lyon, ou à Bourges, les Parifiens ne difputeroient pas cet honneur à la ville chargée de ce précieux dépôt; ils croiroient l'infulter en fe rendant à l'invitation qui leur feroit faite de venir partager ce fervice, ils foupçonneroient cette invitation d'être le vœu d'une poignée de factieux.

Il faut le répéter aux Buzot, Guadet, Lanjuinais, &c. une garde quelconque eft injurieufe aux repréfentans d'un peuple libre; elle les affimile à la cour d'un defpote, à un fént de Venife, à un parlement. La confiance publique doit être leur feule gardienne; les huiffiers de la convention lui fuffifent, un à chacune des portes de le falle d'affemblée. Cinq mille hommes euffent-ils des

n'ont pas

bonnets de poil & des canons mêche allumée, n la force du fimple ruban de foie qui contint le peuple pendant un mois fur 1; terraffe des Feuillans.

Une garde armée n'eft pas feulement inutile; elle eft encore impolitique, injurieufe & attentatoire à l'égalité. Six gardes autour de la perfonne d'un député eft la diftinction la plus odieufe, la plus révoltante dont on fe foit encore avifé.

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Mais, diront nos députés Chaque jour à la tribune, Marat défigne à la vengeance du peuple de Paris & des départemens, quelques uns d'entre nous dont tout le crime peut être eft d'avoir bleffé l'amour-propre de cet énergumène. Législateurs d'un jour, ne calomnicz pas vos commettans; quatre années de révolution leur ont appris à ne pas juger & condamner, fur parole. N'émettez à la tribune que des propofitions patriotiques; ne décrétez que des loix juftes: on refpectera vos perfonnes, tant qu'on respectera vos décrets; &, d'ailleurs, une garde, fût-elle d'un million de sbires, ne mettra pas à l'abri de la haine publique, ou du mépris univerfel, un député qui trahiroit fon devoir.

Mais peut-être avez-vous une arrière pensée; ce n'eft peut-être pas tant une garde militaire que vous défirez en ce moment, que le prétexte & l'occafion de fortir de Paris, dont la furveillance active vous gêne, vous importune, vous bleffe. Avouez-le, vous redoutez la préfence des fans-culottes; mais nous vous en préve nons, vous en trouverez par-tout; comme les remords ils s'attacheront à vos pas; vous les aurez toujours en face ; vous espérez peut-être encore de les mettre aux prifes avec vos gardes, & alors vous vous écrirez avec une douleur feinte, ou une fauffe peur: allons-nous-en de Paris, nous n'y fommes pas en sûreté !

Nous terminerons par une confidération dont le réfultat eft dans l'ordre des chofes poffibles.

Qu'un Mazaniel, un Marat ou tel autre, après avoir laiffé à deffein la convention décréter qu'elle s'environnera d'une maifon militaire, parcoure la ville, raffemble autour de lui la multitude dans les places publiques, fur les ports, dans les halles, dans le faubourg des fans-culottes, ou dans celui du Finistère, & dife aux citoyens.

Frères la convention eft un ramas de petits defpotes timides qui vous craignent, puifqu'ils s'entourent d'une force qui vous est étrangère. Ils ont voulu déjà vous

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