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mourier? Nous ont-ils trompés ci-devant, ou nous tromṣ pent-ils à cette heure? Les prifonniers qu'ils ont faits, où font-ils où vont ils? combien font-ils? Donnez-nous-en du moins le compte général. Depuis le temps que vous en prenez, fur-tout fi vous en prenez autant que vous voulez le faire entendre, ils doivent obftruer votre armée, l'af famer, la fatiguer, rien qu'à les garder? out cela n'eft pas clair l'ennemi recule, mais pas bien fort; il n'eft donc pas fi mal qu'on le difoit ? Le roi de Pruffe s'en va Berlin que nous importe, fi fon armée refte & ne bouge pas ? Ce n'eft pas un roi qui combat ! Vous avez pris beau coup d'émigrés, & vous ne nous en défignez que trois ou quatre. Il eft vrai que vous avez la berline de Monfieur; il paroît du moins qu'elle aura fervi à Dumourier pour venir à Paris.

Que fignifie ce voyage de Dumourier? Lafayette en faifoit auffi de femblables? Eft-ce pour concerter fes opérations avec le miniftre? Mais quand les opérations étoient Bien plus importantes & bien plus difficiles, quand l'ent nemi s'avançoit à grands pas fur Paris, Dumourier n'eft pas venu? Est-ce parce qu'il y a un nouveau miniftre? Mais s'il vient à caufe de Pache, il faudra donc qu'à chaque mutation dans le miniftère, chaque général vienne faire fa révérence à chaque nouveau miniftre ? Eft-ce pour le promener? Que ne fe promène-t-il avec fon ar mée? Tout cela nous paroît inconcevable. Ce n'eft pas le myftère qui nous pèfe; ce font les contradictions qui percent à travers ce mystère.

Eft-ce dans ce moment-ci qu'il falloit quitter fon, armée dans un moment où il paroit qu'on la travaille? L'événe ment arrivé aux bataillons de Mauconfeil auroit dû fixer Dumourier fous fa tente. Ces quatre hommes maffacrés par le bataillon étoient-ils des efpions comme on le penfe, & comme le patriotifme de Mauconfeil le feroit préfumer? Alors Dumourier auroit pris le parti de ces efpions, en puniffant les bataillóns, & il viendroit intriguer contre ces honnêtes citoyens à Paris, & en ap pelant fur eux des decrets terribles il laifferoit encore aux efpions le temps de faire beaucoup de mal pendant fon abfence.

Ges quatre hommes maffactés par les bataillons de Maucon eil étoient-ils réellement innocens ? Alors ce feroient de mauvais principesje tés à deflein dans l'armée, comme à l'attaque de Mons. Le malheur arrivé dans l'armée de Culline donneroit à croire qu'il y a un fyftême combiné de malveillance, qui tend à agiter nos troupes. Sous ce point de vue, la présence de Dumourier étoit abfolument néceffaire au milieu des foldats qu'il commande.

Un événement plus récent devoit l'y retenir encore. Nous fommes décidément trahis par Arthur Dillon Pendant qu'un officier général intrigue là-bas avec nos ennemis, Dumourier doit-il être ici? N'y a-t-il pas entre lui & le miniftre une communication prompte & sûre ?

Il eft néceffaire que nous donnions à nos lecteurs, fur Arthur Dillon, les pièces de conviction. Nous allons copier fa lettre au Landgrave, & la réponse de celui-ci.

Copie de la lettre d'Arthur - Dillon au Landgrave de Heffe-Caffel. Clermont, 4 octobre, l'an premier de la république. « J'ai l'honneur d'envoyer à S. A. S. le Landgrave de Heffe-Caffel le lieutenant Lindaw; il pourra juger, par l'atteftation que j'ai fait donner à cet officier, que la nation française, toujours grande, toujours généreufe fait apprécier une belle action & eftimer la valeur même dans les ennemis.

»Je faifis cette occafion pour offrir à S. A. S. quelques réflexions dictées par l'humanité & la Faison.

» Elle ne fauroit difconvenir qu'une nation prife en maffe a le droit de fe donner telle forme de gouvernement qu'elle juge à propos; que par conféquent nulle volonté particulière ne peut paralyfer la France libre & abfolument indépendante à jamais. La nation française a repris fes droits, a voulu changer la forme de fon gouvernement. Tel eft le précis de ce qui fe paffe en France. S. A. S. le Landgrave de Heffe-Caffel a mené en France un corps de troupes. Comme prince, il facrifie fes fujets pour une caufe qui lui eft étrangère; comme foldat il doit appercevoir la fituation où il fe trouvoit elle eft périlleuse pour lui. Je lui propofe de reprendre demain matin le chemin de fon pays, de vider le territoire français; je lui procurerai les moyens de paffer en sûreté près les armées françaises, , qui fe font rendues maîtreffes de plufieurs points par où il doit paffer. Cette propofition eft franche. Je demande une réponse cathégorique & formelle la république françaife excufe une erreur; mais elle fait fe venger, fans pitié, de l'envahiffement & du pillage de fon territoire. (Oxi furtout en laiffant paffer en sûreté les brigand..) Signé, ARTHUR-DILLON.

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"P. S. Je vous envoie cette lettre par M. Gobert, mon adjudant-général, qui attendra votre réponte: elle preffe je fuis prêt à marcher ».

Reponfe du Landgrave de Heffe-Caffel. « Monfieur, monfeigneur le Landgrave reconnoit parfaitemen l'attention particulière que vous lui avez marquée par la manière noble & généreufe dont il vous a plu de traiter le lieu,

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tenant de Lindaw. Son alteffe féréniffime m'a chargé; monfieur, de vous exprimer fes plus vifs remercîmens, comme d'une action qui fait l'éloge de votre mérite & de votre humanité.

» Confidérant au refte les événemens actuels fous un point de vue différent de celui du peuple égaré, fon alteffe féréniffime m'a témoigné que la fuite du contenu de votre lettre étoit d'une nature à n'y pouvoir faire réponse.

» J'ai l'honneur d'être avec une haute confidération, monfieur, votre très-humble & très-obéiffant ferviteur, Signé, l'aide-de-camp-général ». (Remarquez que le Landgrave n'a pas daigné faire réponfe lui-même.)

Deux chofes résultent de la lettre de Dillon; c'eft qu'il apprend au Landgrave quelle eft la pofition de nos troupes; il l'inftruit qu'elles occupent les points par où il doit paffer, & il paroît que la lettre même n'a été écrite que pour cela; que tout le refte n'eft qu'un échafaudage pour mafquer le véritable deffein du général français or, découvrir à l'ennemi la pofition d'une armée, eft un crime jugé digne de mort par tous les codes militaires.

La feconde vérité qui fort évidemment de cette lettre, c'eft que Dillon propofe au Landgrave de le laiffer paffer en sûreté or, dis donc, général royaliste, eft-ce pour laiffer paffer les ennemis en sûreté que la république t'a confié le commandement? Ton devoir n'eft-il pas de les hacher, de les environner, de les prendre fi tu peux ? Qui t'a donné la permiffion de faire de telles propofitions? qui t'a permis de lui écrire? Ne fuffifoit-il pas de lui renvoyer fon Lindaw? Tu ne pouvois lui adreffer de lettres que pour l'échange des prifonniers, & tu n'en avois pas à propofer: tu as voulu favorifer fa fuite! Tu aimes mieux le Landgrave que ta patrie.

Dillon auroit dû être mis fur le champ en état d'arreftation. Qu'a-t-on youlu dire à l'affemblée, lorfqu'on a prétendu qu'il falloit connoître fes motifs & fa pofition? Quoi! fi fa pofition pouvoit rendre cette lettre excufable, nous ferions donc bien loin d'être vainqueurs Nos troupes, comme l'afluroient des aristocrates ces jours derniers, feroient donc enveloppées elles-mêmes? Mais en fuppofant ce fait, nous voudrions encore que Dillon fût décrété d'accufation pour avoir menti au Landgrave: un homme libre ne doit pas mentir auffi impudemment, même pour fauver fa vie; il a l'air en mentant, de la mendier lâ chement

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Si Dillon nous a trahis auprès du Landgrave, ou fi la

pofition eft telle qu'il ait eu befoin de defcendre à une pareille rufe, Dumourier étoit néceffaire à fon armée; fon départ peut livrer la France à des traîtres ou à l'ennemi. De toute manière, fa conduite eft inexplicable.

Républicains! gardez-vous d'idolatrer des hommes; gardez-vous de vous porter en efclaves au- devant de Dumourier, de combler d'hommages & d'applaudiffemens un homme qui, tout au plus, aura fait fon devoir, & qui peut-être n'eft qu'un patriotre douteux & équivoque. -Retenez cette maxime de Solon: qu'il ne faut croire un homme grand qu'après fa mort.

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Le général Dumourier, arrivé à Paris jeudi 11 à dix heures du foir, a paru à la barre de la convention nationale le lendemain, il y a dit expreffément qu'il étoit venu pour concerter les opérations de la campagne d'hi ver & l'entrée dans la Belgique. On s'attendoit à cela. Mais ce qu'on n'attendoit pas c'eft que Dumourier interrogé fur ce qu'il penfoit de la lettre d'Arthur Dillon, & de fa conduite avec le Landgrave de Heffe, a répondu qne ce n'étoit qu'une bravade de Dillon, à laquelle il falloit attacher peu d'importance; & la convention nationale a applaudi!!! ô honte! ô douleur!.

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La ville de Verdun a été évacuée vendredi 12 par les Pruffiens; le général Dillon a protégé leur retraite, ainfi -qu'il en étoit préalablement & formellement convenu avec le commandant pruffien, puis il eft entré dans la ville.

De la maifon militaire de la convention nationale.

« L'opinion publique fe trouve fans énergie ni li»berté, lorfque le corps législatif met, comme les em»pereurs romains, une tête, de Medufe fur fa poitrine? » lorsqu'il prend cet air menaçant & terrible que Commode » faifoit donner à fes ftatues; lorfqu'il méconnoît les » bornes de fon autorité, ce que vaut la confiance du » peuple, & lorsqu'il ne fent pas bien qu'il doit fe juger » en sûreté comme un defpote doit fe croire en péril. MONTESQUIEU.

La convention nationale fe met en garde contre Paris : qu'a-il donc fait pour exciter la défiance des représentans du peuple? Paris s'eft facrifié pour la révolution: cependant nulle 'ville n'avoit plus d'intérêt à maintenir, entre les mains d'un monarque, l'ufurpation de la fouverai-neté, A qui doit-on les premiers & les derniers triomphes de la liberté (1) Qui plus que les Parifiens a

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(1) Une obfervation qui échappe à plufieurs, eft celle

fcellé de fon fang la conquête des droits du Peuple, contre le vœu même des législatures, qu'ils ont fu préferver dans tous les temps du poignard & de la rage des conjurés? Paris n'a-t-il pas été a deux doigts de la perte, au milieu des complots les plus affreux ? N'a-t-il pas fupporté tout le poids de la révolution? N'est-ce pas contre lui que font venus fondre tous les orages?

Les profcriptions ont dû maintenir en fûreté comme en liberté les membres de l'affemblée nationale ? Les commiffaires à la municipalité ont pu éluder quelques formes; mais ils étoient ceux qui convenoient à la journée du 10; de plus fages & de plus inftruits euffent été plus timides. Au fond, ceux qui ont été immolés avoient provoqué les fureurs populaires; & qu'on fe tranfporte au moment où ils ont reçu la mort : la perfidie de la cour, le fuccès des armées pruffiennes qu'elle avoit évidemment favorifé, la réfolution que prirent en ce moment tous les citoyens, de mourir enfevelis fous les ruines de la patrie, l'indignation jetée dans tous les coeurs, tout commanda au courage la néceffité, fans doute affreuse, de purger la patrie d'une foule d'affaffins, de brigands, de traîtres fanatiques. Il y a eu des méprifescruelles; mais à la St. Barthelemi, en 1572, dans les Cevènes, vers le milieu de ce fiècle, le 17 feptembre 1788, à Paris, & le 28 avril 1789, a-t-on plaint les martyrs du defpotifme royal? Hélas non!- Raifonnons donc jufte; foyons à l'intérêt commun; & non à celui des intrigues & des agitateurs qui les font naître.

Un parti, dans la convention nationale, follicite une garde particulière. Citoyens! prenez-y garde: cette melure projetée nous menace du defpotifme le plus affreux. L'affemblée réuniffant tous les pouvoirs, celui de faire des loix, celui d'exécuter les réfolutions publiques, qui font les fiennes propres, & celui de juger, fi tel eft fon bon plaifir, les crimes ou les individus, fi nous lui fogf frons des janiffaires, autant vaudra-t-il vivre fous la dinastie des fultans, ou fous l'ariftocratie vénitienne. La puffance dont la convention eft inveftie, ne peut durer long-temps fans danger pour la liberté, puifqu'elle peut à volonté employer la douceur & la violence; puifque la réunion de toutes les autorit's dans les mêmes mains, affurant l'impunité des dépofitaires, met à leur difcrétion d'un

ci: les citoyens armés des quarante-huit fections font, pour les fept huitièmes au moins, nés dans les autres départemens, dont la plupart font membres, & où ils ont encore leurs familles & leurs propriétés. On peut donc dire que l'opinion publique de Paris provient des quatre vingt-deux départemens, & leur appartient.

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