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assez puissant pour faire élire son fils en survivance. L'usage de désigner ainsi l'héritier du prince pour lui succéder, devint si constant, qu'on se passa d'élection, surtout lorsque les membres les plus considérables de la nation, trop occupés à jouir des domaines qui

- leur avaient été distribués, ne prirent plus un grand intérêt aux affaires publiques. Cette faculté qu'avaient les héritiers du roi de régner après lui, était en quelque sorte une élection tacite; et comme on ne pensait pas qu'il fût convenable d'élire une fille pour commander à une nation toujours en armes, ce droit de succéder au trône, conservant toujours le caractère de l'élection dont il tenait la place, n'appartint jamais qu'aux héritiers måles. Presque tous les historiens ont dit que l'exclusion des femmes était fondée sur une loi salique; mais d'abord on ne la connaît pas; et si elle a été faite pour les peuples saliens, il est du moins évident que les Francs ne l'ont pas adoptée, puisqu'ils élisaient leurs rois. On ne peut pas dire que cette loi ait été introduite en France, par imitation de celle des Saliens; car ni à l'époque où le trône est devenu héréditaire, ni postérieurement, aucun réglement n'a été fait sur ce point fondamental. La suite

des événements en a fait un usage, et l'usage est devenu un droit. 'C'est la seule manière d'expliquer comment le droit de succession à la couronne s'est introduit et maintenu sous les trois races, en faveur des héritiers mâles, à l'exclusion des femmes.

Dès qu'une famille a pu croire que le sceptre était son patrimoine, elle a été portée naturellement à en augmenter les prérogatives. De là cette tendance continuelle des rois à concentrer dans leurs mains tous les pouvoirs. Leur ambition a été long-temps comprimés par le régime féodal; mais après l'avoir anéanti, ils sont parvenus successivement à s'emparer de toutes les branches de la souveraineté, quelques-uns par la confiance qu'ils ont su inspirer, et par la fermeté de leur caractère; et les autres, soit par ruse, soit en achetant tour à tour, ou la noblesse, ou le clergé, selon que l'un de ces deux ordres paraissait à craindre.

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Il est pourtant à remarquer que tout arbitraire que fût l'autorité des rois, depuis que la monarchie est devenue absolue, ils n'ont jamais été complètement les maîtres d'établir des im

pôts autant qu'ils l'auraient voulu. Ils ont été souvent forcés de recourir aux états-généraux, qui, tout en accordant les subsides qui étaient demandés, ne manquaient jamais de poser en principe que si les rois s'étaient attribué la faculté de faire des lois, du moins ils n'avaient pas le droit de lever des impôts sans le consentement des représentants de la nation. Quelques rois ont été assez adroits pour obtenir des secours d'argent, sans convoquer les états-gé.. néraux qu'ils redoutaient; mais c'était en y suppléant par des mesures dont, par force, on semblait se contenter. Par exemple, Charles V, tantôt appelait auprès de lui des notables, qu'il désignait lui-même parmi les prélats, les seigneurs, les officiers municipaux des villes pour faire approuver ce qu'il voulait établir. D'autres fois, il allait au parlement de Paris tenir des conseils extraordinaires pour y publier ses ordonnances et ses édits. Ces séances royales furent la source du droit que ce parlement prétendait avoir de représenter les étatsgénéraux, et du droit que chacun des autres parlements s'attribua de ne regarder les lois comme obligatoires dans son ressort, que quand il en avait ordonné la transcription sur tes registres.

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Le parlement était originairement un tribunal dont les membres, nommés par le roi pour un an, tenaient une session à Pâques, et l'autre à la Toussaint. Sous Charles VI, le parlement fut rendu permanent à Paris, de manière que les juges qui le composaient, étaient nommés pour tout le règne du roi dont ils tenaient leur commission. Le plus souvent elle leur était confirmée par son successeur au trône. Cette compagnie dut acquérir beaucoup d'habitude des affaires, et par conséquent beaucoup de confiance et de crédit. Les rois qui ne voulaient pas convoquer les états-généraux pour créer de nouveaux impôts, crurent suppléer suffisamment au consentement de la nation, en faisant enregistrer leurs ordonnances au parlement. Cette formalité fut d'abord remplie en présence du roi, accompagné des grands officiers de la couronne. Ces sortes de séances s'appelaient lits-de-justice. Par la suite, et surtout lorsqu'il fut créé plusieurs parlements dans le royaume, les rois se contentèrent de leur adresser les actes législatifs qu'ils voulaient publier, et ils ne tinrent des lits-dejustice, que quand il fallut vaincre la résistance que ces compagnies opposaient quelquefois à leurs volontés.

Suivant les rois, ce n'était qu'une manière de publier leurs lois, et les parlements n'avaient pas le droit de s'y refuser. Au contraire, les parlements soutenaient qu'aucune loi ne pouvait être exécutée, s'ils ne l'avaient pas vérifiée et enregistrée. Ce point de droit public fut constamment l'occasion des plus violents démêlés entre le monarque et les parlements. La vérité est que les parlements n'étaient pas plus fondés à participer au pouvoir législatif, que les rois à l'exercer exclusivement. L'usurpation seule avait introduit l'usage de ne compter pour rien les assemblées nationales; en sorte que si l'usage eût pu créer un pareil droit en faveur du monarque, il aurait pu autoriser aussi légitimement les prétentions des parlements. Privée des états-généraux, la France avait au moins dans les parlements un contrepoids qui empêchait l'autorité royale de devenir trop abusive. Heureux, si ces corps judiciaires eussent toujours opposé une résistance juste, quand les droits du peuple étaient violés, et s'ils n'eussent pas plus souvent usé de leur force d'inertie pour leurs propres intérêts!

Le titre de Cour des pairs, attribué au par

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