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LIVRE IV.

Etant tous arrivez audict throsne et hault siége préparé au pulpitre, le Roy (Henry IV) tourna le dos contre la nef, et l'évesque de Chartres le tenant toujours lui dit: Sta et retine à modo statum quem hùc usque paternâ successione tenuisti, hereditario jure tibi delegatum per authoritatem Dei omnipotentis, et per presentem traditionem nostram, omnium scilicet episcoporum cæterorumque Dei servorum. Et quanto clerum propinquiorem sacris altaribus prospicis, tanto ei potiorem in locis congruentibus impendere memineris, quatenus mediator Dei et hominum te mediatorem cœli et plebis constituat.

Arrêtez-vous et conservez désormais ce rang que jusqu'ici vous avez tenu de vos aïeux et qui vous est délégué en vertu de votre droit héréditaire, par l'autorité de Dieu toutpuissant, par nous, par tous les évêques de votre royaume,

et

par les autres serviteurs de Dieu. En considérant le clergé si près de ces saints autels, souvenez-vous de lui rendre les honneurs qui lui sont dûs, afın lui sont dûs, afin que le médiateur entre Dieu et les hommes vous constitue médiateur entre le Ciel et le peuple.

Palma Cayet.

IV.

1775.

SACRE DE LOUIS XVI.

Une coutume, qui remontait aux premiers jours de la monarchie, appelait les rois de France à Reims. Ils venaient y faire hommage à Dieu de leur sceptre et de leur couronne, et recevaient en échange l'onction sainte qui, élevant le droit de régner à une sorte de sacerdoce, inspirait la vénération aux subordonnés, péné

trait le monarque de la sainteté de ses devoirs, et appelait sur leur accomplissement la bénédiction divine.

Louis XVI s'était vu obligé de différer cette cérémonie, et on lui proposait même de l'abolir. M. Turgot, organe en cette occasion de la coterie philosophique, manifesta ses répugnances dans le conseil. « Vous serez, disait-il au roi, bien plus agréable à vos peuples, en leur annonçant que vous ne voulez tenir votre couronne que de leur amour. » On rangeait le sacre parmi les traditions de la servitude.

Tous les esprits éminents n'en parlaient pourtant pas ainsi. « Le plus grand de tous les événements pour un peuple, c'est sans doute l'inauguration de son roi. C'est alors que le Ciel consacre nos monarques, et resserre en quelque sorte les liens qui nous unissent à eux'. »

Que faisait-on, en proposant à Louis XVI la sanction populaire, au lieu de la consécration religieuse? N'était-ce pas flatter le prince aux dépens de la royauté, et mettre un accident heureux à la place d'une institution immuable? Aveuglement étrange! les esprits qui s'appelaient philosophiques plaidaient avec aigreur contre l'acte auguste qui donnait un sentiment moral pour base à la fidélité des

Mirabeau (détenu alors au fort de Joux), brochure sur le Sacre,

1775.

peuples. Ils proclamaient la transmission par le sang plus respectable qu'une lieutenance divine; ils acceptaient Louis XVI par la grâce de Louis XV, et s'indignaient qu'on le leur donnât par la grâce de Dieu!

Tout le monde convient que l'antiquité et la majesté des races sont une grande garantie d'ordre, un moyen efficace d'agir sur l'imagination de la multitude. Mais si l'on veut justifier cette sorte de culte matériel aux yeux de la philosophie, quoi de plus honorable que d'élever l'autorité jusqu'au domaine de l'âme, de jeter les germes de l'obéissance dans les convictions les plus délicates et les plus généreuses du cœur humain? L'histoire de tous les peuples, la pensée de tous les législateurs, révèlent ce même besoin d'une intervention supérieure. A tout prendre, la sainte ampoule de Reims, fût-elle une superstition, serait encore une magnifique allégorie : l'onction tombant de la main du prêtre sur le front du prince figurerait toujours l'alliance des deux grandes puissances humaines, la force et la foi.

Qu'on se garde, d'ailleurs, d'envisager le roi seul dans la cérémonie du sacre : le peuple était loin d'y être oublié. Quand l'Église convoque les grands, c'est pour leur parler des faibles et des humbles. Le roi prenait son sceptre pour l'incliner, l'aristocratie revêtait l'hermine féodale pour s'agenouiller; l'Église, qu'apportait-elle ? le signe fraternel de la croix, et le livre du peuple, l'Évangile.

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