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attachant un intérêt personnel au mariage de M. le dauphin, voulut de bonne heure vaincre, par le don d'une brillante alliance, un éloignement dont pourtant il ne triompha jamais. Il désirait aussi opposer à la prospérité croissante de l'Angleterre et de la Russie, le contre-poids d'une étroite alliance avec l'Autriche. Il jeta donc les yeux sur la cour de Vienne, et obtint la main de MarieAntoinette-Josephe-Jeanne de Lorraine, archiduchesse d'Autriche, fille de François de Lorraine et de l'impératrice Marie-Thérèse. Marie-Antoinette était née le 2 novembre 4755, jour de la commémoration des Morts, jour du tremblement de terre de Lisbonne. Sa naissance fit perdre une gageure au duc de Taroucka, qui avait parié avec l'impératrice qu'elle mettrait un fils au monde. Lorsqu'il s'agit d'acquitter sa dette, il fit exécuter en porcelaine une figure présentant des tablettes, sur lesquelles Métastase avait écrit les vers suivants :

Ho perduto l'augusta figlia

A pagar m'ha condamnato;

Ma s'è vero ch' a voi somiglia,

Tutto 'l mondo ha guadagnato '.

L'archiduchesse avait sept ans, lorsque mourut son père, durant un voyage en Tyrol. Marie-Thérèse resta

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J'ai perdu : l'auguste fille m'a condamné à payer; mais s'il est vrai qu'elle vous ressemble, tout le monde a gagné.

seule chargée du fardeau de l'empire. Elle se trouvait engagée dans de trop graves démêlés politiques, pour se livrer entièrement aux devoirs de mère, et la première éducation de Marie-Antoinette fut négligée; mais l'heureux choix de la comtesse de Brandeiss, à laquelle furent confiées les dernières années de son enfance, remit son instruction au niveau de son rang et de ses rares qualités. Elle profita promptement des leçons de Métastase, et parlait l'italien avec une grâce remarquable. Elle n'écrivait pas le français correctement, mais elle le parlait avec facilité et prédilection. Pour la perfectionner dans l'étude d'une langue qui allait devenir celle de sa patrie, et sur la demande de Marie-Thérèse, le duc de Choiseul lui envoya l'abbé de Vermond, qui prit et conserva toujours une grande influence sur son élève devenue

reine.

Sa nouvelle maison se rendit au-devant d'elle jusqu'à la frontière. On avait construit, près de Kehl, un double pavillon, image des deux empires qui allaient s'allier. Dans le salon de France, se trouvaient la comtesse de Noailles, dame d'honneur, la duchesse de Cossé, dame d'atours, quatre dames du palais, le comte de SaulxTavannes, chevalier d'honneur, le comte de Tessé, premier écuyer, et l'évêque de Chartres, premier aumônier. Dans l'autre appartement, les dames autrichiennes, qui avaient accompagné l'archiduchesse, la revêtirent d'habits entièrement français et envoyés de Paris. Les

portes s'ouvrirent la jeune dauphine s'avança, cherchant du regard la comtesse de Noailles, s'élança dans ses bras avec une légèreté de quinze ans et une franchise allemande, puis lui demanda son amitié et ses conseils, laissant échapper à la fois des sourires et des larmes.

Marie-Antoinette entra en France par Strasbourg', et se rendit de là à Compiègne, où elle arriva le 15 mai. Le roi, le dauphin et les princesses, filles du roi, s'y étaient déjà rendus.

Une lettre de Marie-Thérèse l'y avait devancée :

« Votre épouse, mon cher dauphin, vient de se séparer de moi. Elle faisait mes délices; j'espère qu'elle fera votre bonheur. Je l'ai élevée dans ce dessein, parce que depuis longtemps je prévoyais qu'elle devait partager vos destinées. Je lui ai inspiré l'amour de ses devoirs envers vous, un tendre attachement envers votre personne, l'attention à imaginer et pratiquer ce qui peut vous plaire ;

Le cardinal de Rohan présenta à madame la dauphine une femme âgée d'environ cent cinq ans, qui n'a jamais été malade. Cette femme lui dit en allemand : « Princesse, je fais des vœux au Ciel pour que vous viviez aussi longtemps que moi, et aussi exempte d'infirmités. — Je le désire, répondit madame la dauphine, si c'est pour le bonheur de la France; » et après lui avoir donné sa main à baiser, elle ordonna qu'on lui remit une somme d'argent. (Mercure de France. Juin 1770.)

je lui ai recommandé avec beaucoup de soin une tendre dévotion envers le maître des rois, persuadée qu'on fait mal le bien des peuples qui nous sont confiés, quand on manque envers celui qui brise les sceptres et renverse les trônes comme il lui plaît.

« Aimez donc vos devoirs envers Dieu, je vous le dis, mon cher dauphin, je le dis à ma fille; aimez à faire le bien des peuples sur lesquels vous régnerez toujours trop tôt; aimez le roi, votre aïeul; soyez bons comme lui; rendez-vous accessibles aux malheureux. Il est impossible qu'en vous conduisant ainsi, vous n'ayez le bonheur en partage. Ma fille vous aimera, j'en suis sûre, parce que je la connais; mais, plus je vous réponds de son amour et de ses soins à vous plaire, plus je vous recommande de lui vouer le plus sincère attachement. Adieu, mon cher dauphin, soyez heureux; je suis baignée de larmes.

MARIE-THÉRÈSE. »

De Compiègne, la cour se rendit à Saint-Denis, et descendit au couvent des Carmélites, où madame Louise, fille de Louis XV, faisait son noviciat. Le roi présenta l'archiduchesse à sa fille, et la jeune princesse remit à la carmélite une autre lettre de l'impératrice sa mère. MarieThérèse lui recommandait instamment sa fille, et sol

licitait pour sa jeunesse les conseils d'une piété univer

sellement vénérée.

De Saint-Denis l'archiduchesse se rendit avec sa suite au château de la Muette, et le roi retourna à Versailles, accompagné du dauphin. Le lendemain matin, 46 mai, la dauphine arriva, et les époux furent conduits à la chapelle. Le grand-aumônier, cardinal de la Roche-Aymon, leur donna la bénédiction nuptiale'.

Les fêtes de la cour furent brillantes: les fêtes de Pa

Vers une heure après midi, madame la dauphine se rendit à l'appartement de sa majesté, d'où l'on alla à la chapelle dans l'ordre suivant le grand-maître, le maître et l'aide des cérémonies marchaient à la tête et précédaient monseigneur le dauphin, qui donnait la main à madame la dauphine. Le roi venait ensuite, ayant devant lui monseigneur le comte de Provence, monseigneur le comte d'Artois et les prince du sang. Sa majesté était suivie de Mesdames et des princesses du sang, ainsi que des principaux officiers de sa majesté. Monseigneur le dauphin et madame la dauphine, en arrivant à la chapelle, s'avancèrent au bas de l'autel, et se mirent à genoux sur un carreau placé sur les marches du sanctuaire. L'archevêque de Reims, grand-aumônier, après avoir fait un discours à monseigneur le dauphin et à madame la dauphine, commença la cérémonie par la bénédiction de treize pièces d'or et d'un anneau d'or, il les présenta à monseigneur le dauphin, qui mit l'anneau au quatrième doigt de la main gauche de madame la dauphine, et lui remit les treize pièces d'or. Les cérémonies du mariage ayant été achevées, et monseigneur le dauphin et madame la dauphine ayant reçu la bénédiction nuptiale, le grand-aumônier com

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