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sieurs curés, quittant leurs évêques, vont se rallier à leurs frères du tiers état.

Au même moment, Louis XVI perdit l'aîné de ses fils, et sa douleur, toute profonde qu'elle fut, laissa place encore au chagrin que lui causaient ces contestations déplorables. Il résolut de parler encore une fois lui-même aux états généraux, pour leur faire comprendre qu'un mouvement aussi précipité allait tout emporter dans l'État, et ceux qui résistaient et ceux mêmes qui donnaient une impulsion si imprudente. Le 20 juin, une proclamation suspend les séances jusqu'au 22, et annonce pour ce jour une séance royale.

Bailly, président du tiers, ne s'en présente pas moins à la salle des états et la trouve fermée. Ses collègues arrivent successivement; des groupes se forment sur la place et s'animent entre eux. Irrésolus dans leur agitation, ils suivent Barnave qui marche vers une salle de jeu de paume. Là, dans cet étrange forum, l'assemblée se déclare permanente jusqu'à l'achèvement de la con

stitution.

Le ministère, loin d'imprimer à la défense l'énergie de l'attaque, se contente d'ajourner de vingt-quatre heures la séance royale. Il se flattait de regagner quelque avantage par la négociation, comme si rien pouvait compenser le dommage de l'impunité attribuée à l'impuissance

de punir. Les négociations ne devaient-elles pas aussi profiter aux meneurs du tiers état. Cent quaranteneuf députés ecclésiastiques, ayant à leur tête les archevêques de Vienne et de Bordeaux, vinrent grossir ses rangs dès le 22. Les députés de la noblesse du Dauphiné firent la même démarche; Bailly les accueillit tous avec les plus décevantes promesses.

Enfin, la séance royale s'ouvrit le 23 juin, à dix heures du matin. Les ministres étaient assis sur des tabourets au pied du trône; un seul siége était vide et fixait tous les regards, c'était celui de M. Necker'. Louis XVI prit la parole en ces termes :

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« Messieurs,

« Je croyais avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour le bien de mes peuples, lorsque j'avais pris la ré« solution de vous rassembler, lorsque j'avais surmonté << toutes les difficultés dont votre convocation était en

M. Necker, dont la défection paralysait le pouvoir dans le moment le plus critique, n'a laissé après lui qu'une incomplète justification.

<< Sans doute la déclaration du 23 juin ressemblait au plan que j'avais donné, et le plus souvent elle en était une copie ou une imitation parfaite. Mais que signifie cette similitude partielle, quand il est question d'une organisation politique? »

Mémoires de M. Necker, tome IX, page 182.

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tourée, lorsque j'étais allé pour ainsi dire au-devant

« des vœux de la nation, en manifestant à l'avance ce que

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« Il me semblait que vous n'aviez qu'à finir mon ou<«< vrage, et la nation attendait avec impatience le moment

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où, par le concours des vues bienfaisantes de son sou

«< verain et du zèle éclairé de ses représentants, elle allait

jouir des prospérités que cette union devait lui pré« parer.

« Les états généraux sont ouverts depuis plus de deux << mois, et ils n'ont point encore pu s'entendre sur les préliminaires de leurs opérations. Une parfaite intelli

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«< gence aurait dû naître du seul amour de la patrie, et « une funeste division jette l'alarme dans tous les esprits. « Je veux le croire et j'aime à le penser, les Français ne « sont pas changés; mais pour éviter de faire à aucun de « vous des reproches, je considère que le renouvellement « des états généraux, après un si long terme, l'agitation

"

qui l'a précédé, le but de cette convocation, si diffé«< rent de celui qui rassemblait vos ancêtres, les restric« tions dans les pouvoirs, et plusieurs autres circonstances, « ont dû nécessairement amener des oppositions, des débats et des prétentions exagérées.

« Je dois au bien commun de mon royaume, je me « dois à moi-même, de faire cesser ces funestes divisions:

« C'est dans cette résolution, Messieurs, que je vous ras« semble de nouveau autour de moi; c'est comme le père «< commun de tous mes sujets, c'est comme le défenseur « des lois de mon royaume, que je viens vous en retracer « le véritable esprit, et réprimer les atteintes qui ont pu «< y être portées.

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Mais, Messieurs, après avoir établi clairement les « droits respectifs des différents ordres, j'attends du zèle « des deux premiers ordres pour la patrie, j'attends de «<leur attachement pour ma personne, j'attends de la «< connaissance qu'ils ont des maux urgents de l'État, que dans les affaires qui regardent le bien général, ils «< seront les premiers à proposer une réunion d'avis et « de sentiments que je regarde comme nécessaire dans <<< la crise actuelle et qui doit opérer le salut de l'État. »

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Un des ministres lit alors une déclaration qui annule, comme illégales et inconstitutionnelles, les résolutions prises jusque-là par l'ordre du tiers. Sa majesté autorisait cependant les trois ordres à délibérer en commun sur les affaires d'une utilité générale, et dans la vue de faciliter cette réunion, permettait que les délibérations, en pareil cas, passassent à la pluralité des deux tiers des voix.

Le roi continue ainsi :

« J'ai voulu aussi, Messieurs, vous faire remettre sous

« les

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yeux les bienfaits

que j'accorde à mes peuples. Ce « n'est pas pour circonscrire votre zèle dans le cercle que

je vais tracer; car j'adopterai avec plaisir toute autre « vue de bien public qui sera proposée par les états gé«<néraux. Je puis dire, sans me faire illusion, que jamais « roi n'en a fait autant pour aucune nation; mais quelle << autre peut l'avoir mieux mérité par ses sentiments que la nation française? Je ne craindrai pas de l'exprimer : « ceux qui, par des prétentions exagérées, ou par des « difficultés hors de propos, retarderaient encore l'effet «< de nos intentions paternelles, se rendraient indignes d'être regardés comme Français. >>

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On lut alors une seconde déclaration dont voici les dispositions principales :

ARTICLE PREMIER.

Aucun nouvel impôt ne sera établi, aucun ancien ne sera prorogé au delà du terme fixé par les lois, sans le consentement des représentants de la nation.

III.

Aucun emprunt n'aura lieu sans le consentement des états généraux, sous la condition toutefois qu'en cas de guerre, le souverain aura la faculté d'emprunter sans délai jusqu'à la concurrence de cent millions; car l'in

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