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LIVRE PREMIER.

Je me suis enquis au mieulx que j'ai sceu et pu, et je certifie à touts que ne l'ay fait ny pour or, ny pour argent, ny pour salaire, ny pour compte à prince qui soit, ny homme ny femme qui vescut, ne voulant ainsi favoriser ny blamer nul à mon pouvoir, fors seulement déclarer les choses advenues je prie tout prince, chevaliers et seigneurs si jai en ce mis chose qui déplaise, que sur moy ne le veuillent imputer mal, car ne l'ai fait à nulle intencion de nuyre ou vitupérer personne par haine. Aussi s'il y a quelque chose qui plaise, qu'il ne m'en soit point sceu de gré, car ne l'ai fait pour l'amour d'aucun, ny pour en amender.

Jacques du Clercq.

I.

1754.

NAISSANCE DE LOUIS XVI.

Louis XVI, troisième fils du dauphin fils de Louis XV, naquit à Versailles, le 23 août 1754. Son père avait épousé en premières noces Marie-Thérèse d'Espagne, qui mourut en couches à l'âge de vingt ans, ne laissant après elle qu'une fille, dont la frêle existence s'éteignit bientôt. En 1747, le dauphin forma une seconde et heureuse union avec Marie-Josephe de Saxe. Une fille naquit et

mourut en peu d'années. De cette union naquirent encore Louis-Joseph, duc de Bourgogne, le 13 septembre 1751, et Marie-Joseph, duc d'Aquitaine, dans l'année 1753. Le prince nouveau-né reçut, en venant au monde, le nom de duc de Berry. Ce titre, porté par un des fils du roi Jean, à l'érection de cette province en duché, devenait, pour la neuvième fois, l'apanage d'un prince de la maison de France. La dauphine, prise des douleurs de l'enfantement, tandis que la cour était à Choisy, n'eut pour témoins de sa délivrance que le chancelier, le contrôleur-général et le marquis de Puisieux. Le courrier, dépêché vers le roi, était tombé de cheval et mourut de sa chute; le message ne put être rempli, et cette absence des premières joies de la famille fut remarquée.

Louis-Auguste, duc de Berry, fut tenu sur les fonts de baptême par le duc d'Orléans, au nom du roi de Pologne, électeur de Saxe, et par madame Adélaïde, sa tante. Le moment où le trône recevait un nouvel appui parut au clergé l'occasion d'ordonner de nouvelles prières ; plusieurs prélats, inspirés par les dangers que laissait entrevoir déjà l'esprit de l'époque, y joignirent de graves avertissements. Le mandement de l'évêque de Montauban occupa surtout l'attention publique. Appuyant ses sombres pressentiments de l'autorité d'une histoire étrangère, M. de Montauban traçait ce tableau prophétique :

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L'esprit de parti et de faction domina en Angleterre. Rien ne demeura fixe dans les lois divines et humaines. On vit, pour la première fois, des sujets révoltés saisir à main armée et traîner dans une honteuse prison, un roi dont le crime était d'avoir supporté avec trop de patience leur première sédition; un parlement, secouant le joug de toute autorité supérieure, frapper d'une main les évêques, et lever l'autre sur la tête de son souverain, l'accuser sans bienséance, le calomnier sans pudeur, le condamner sans justice, le conduire sur un échafaud avec acharnement, et le peuple, étourdi de cet exécrable parricide, s'enivrer à longs traits du fanatisme de l'indépendance, courir en insensé après un fantôme de liberté, tandis qu'en esclave il rend à un tyran l'obéissance qu'il refuse à son roi légitime. Quelle suite effroyable de

crimes! >>

Le mandement fut condamné à la sollicitation de l'ambassadeur d'Angleterre; mais ces présages douloureux s'étaient déjà formés en nuages au-dessus du royal berceau; un des priviléges de la royauté disparaissait, et l'instinct populaire remplaçait, par des images de malheur et d'instabilité, le préjugé qui faisait du bonheur par excellence un des apanages de la couronne.

L'enfance du duc de Berry fut confiée, ainsi que celle des princes, ses frères, à la comtesse de Marsan, née princesse de Rohan, femme digne par son mérite de l'éléva

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