sont pas réputés de plein droit citoyens français ils ne peuvent le devenir qu'en sollicitant et obtenant des lettres de déclaration de naturalité. De même, il faut invoquer le bénéfice de l'article 9 du Code civil: on n'en jouit pas de plein droit. L'obtention de lettres de déclaration de naturalité présente même moins de difficultés que l'application de l'article 9 du Code civil. Celle-ci doit être réclamée dans l'année de la majorité de l'enfant étranger né en France: la loi de 1814 ne prescrit aucun délai pour la demande de lettres de déclaration de naturalité". Les descendants dont nous parlons, nés avant les traités de 1814 et 1815, étaient devenus Français au moment de leur naissance; en effet, par un principe du droit international, l'enfant fait partie de la nation à laquelle appartient son père; la loi française, par laquelle le père était régi, les a saisis alors, les a frappés de son pouvoir et leur a imprimé la qualité de membres de la nation française". Plus tard, en 1814 et 1815, ces descendants ont perdu cette même qualité, par la séparation des territoires car, ainsi que nous l'avons expliqué au no 18, la domination du territoire emporte la sujétion des individus naturels de ce territoire, ou qui y avaient leur domicile, de fait ou de droit, au moment de la cession. En conséquence, la loi de ce territoire ressaisissait leurs personnes, aussi bien que les per 1 Arrêts de la cour royale de Rouen, du 18 août 1824; de la cour royale de Colmar, du 24 décembre 1829, et de la cour de cassation, du 26 février 1838. Sirey, 1826, II, 140; 1830, II, 62; 1838, I, 280. Dalloz, 1824, II, 413; 1833, II, 194; 1838, I, 131. 2Cette majorité est-elle celle établie par la loi personnelle de l'étranger ou par celle de la loi française? Je partage l'avis de M. Valette (notes sur Proudhon, I, 180), qui se prononce dans le premier sens. L'opinion contraire (M. Dalloz, Diction naire, v Naturalisation, no 28) s'appuie sur l'article 3 de la constitution de l'an VIII, qui parle de l'âge de 21 ans ; l'auteur ajoute que si les rédacteurs du Code avaient entendu déroger à cette disposition, ils se seraient exprimés en termes plus explicites. Mais M. Valette remarque, avec raison, que l'article 3 de la constitution ne fait que prendre l'âge de 21 ans pour point de départ des dix années de résidence exigées pour la naturalisation. L'article 3 de la constitution ne fixe point, comme l'article 9 du Code, un délai après l'expiration duquel la déclaration de la volonté n'aura plus d'effet; il se borne à dire qu'on doit avoir au moins 21 ans; la première de ces dispositions n'a aucune analogie avec la seconde, et ne saurait donc servir à son interprétation. 3 Arrêt de la cour de cassation du 4 mai 1836. Sirey-Devilleneuve, 1836, I, 860. Dalloz, 1836, I, 355. V. mon « Traité du droit international privé, » n° 26, et les auteurs qui y sontcités. sonnes de leurs pères; les uns et les autres reprenaient leur domicile légal dans le territoire dont ils étaient habitants naturels ou originaires, toujours à la seule exception de ceux qui ont profité des articles 17 et 7 des traités, et dont nous avons expliqué la position spéciale aux n° 24 et 26. 31. La question de la nationalité des enfants ou autres descendants d'habitants naturels ou originaires des provinces détachées de la France en 1814 et 1815, et qui n'ont cessé de résider en France sans avoir usé du bénéfice de la loi de 1814, s'est présentée plusieurs fois devant la justice française, et une jurispru dence presque uniforme s'est établie, dans le sens de la négagative, par les arrêts des cours royales de Douai, du 16 novembre 1829, de Grenoble, du18 février 18312, de Paris, du 21 mars 1834 3, de la cour d'assises de la Seine, du 1er février 1835*, par les arrêts de la cour de cassation des 23 avril 1828, 16 juillet 1834, 1 août 1836 et 9 juillet 1844; enfin par des ordonnances royales rendues en conseil d'État les 15 août 1839 et 26 août 1842 6. - Plusieurs de ces arrêts ont en même temps reconnu comme indifférente la circonstance que le fils ait été mineur ou majeur au moment de la séparation des territoires : en effet, ni les traités de 1814 et 1815, ni la loi du 14 octobre 1814, n'établissent une distiction à ce sujet. De même, il a été jugé, et toujours avec raison, suivant nous, que la femme française d'origine dont le mari était, à l'époque du mariage, Français par suite de la réunion de son pays à la France, mais qui est redevenu étranger par la séparation ultérieure des deux territoires (sans avoir profité des articles 17 et 7 des traités), a suivi la condition de son mari, et doit être réputée étrangère". 1 Sirey Devilleneuve, 1830, II, 67. Dalloz, 1830, II, 119. 2 Ibid., 1833, II, 527. Ibid., 1834, II, 53. 3 lbid., 1834, II, 197. Ibid., 1834, II, 157. Ibid., 1835, II, 277. Ibid., 1835, II, 105. 5 Ibid., 1828, I, 437; 1834, I, 501; 1836, I, 859; 1844, I, 775. Dalloz, 1828, I, 223; 1834, I, 305; 1837, I, 118; 1844, I, 307. 6 Sirey-Devilleneuve, 1840, I, 1004; 1842, II, 550. 7 Arrêt de la cour de cassation, du 14 avril 1818. Sirey, 1819, I, 193. Dalloz 1819, I, 105. Arrêt de la cour royale de Metz, du 25 août 1825. Sirey, 1827' II, 192. Dalloz, 1827, II, 93.- Arrêt de la cour royale de Paris, du 24 août 1844 Gazette des Tribunaux du 25 du même mois. Sirey-Devilleneuve, 1844, II, 568. Il est seulement à regretter que la majeure partie de ces arrêts sesoient bornés à invoquer la loi du 14 octobre 1814, en gardant le silence sur les articles 17 du traité de 1814, et 7 de celui de 1815, lesquels cependant ont force de loi en France', et décident du moins une partie de la question jugée par ces arrêts. 32. La série d'arrêts conformes relatifs à la question de la perte de la qualité de Français, lorsque cette qualité avait été acquise par le seul effet de la réunion, a été interrompue par deux ar rêts, l'un de la cour royale de Douai en date du 28 mars 1831, l'autre de la cour de cassation du 13 janvier 1845 3, enfin par une décision du conseil de révision de la 4o légion de la garde nationale de Paris. Les deux arrêts que nous venons de citer ont jugé que l'enfant né en France, d'un père originaire d'un pays réuni, durant cette réunion, conserve sa qualité de Français malgré la séparation, lorsque le père (qui n'avait pas acquis cette qualité par une cause autre que la réunion) est décédé pendant la réunion, et durant la minorité du fils, et que ce dernier n'a pas besoin, pour conserver cette nationalité, d'invoquer l'art. 9 du Code civil ou la loi du 14 octobre 1814. Dans l'espèce soumise au conseil de révision, il paraît que le père était encore vivant. Nous croyons que ces trois décisions reposent sur des erreurs. 1 La publication faite, au Bulletin des lois, des traités des 30 mai 1814 et 20 novembre 1815, n'a pas été suivie d'une sanction formelle donnée par le roi à ces traités, c'est-à-dire d'un ordre spécial qui en prescrit l'exécution dans toute l'étendue du royaume. Un ordre de ce genre n'était pas nécessaire pour donner à ces traités la force d'une loi. L'article 1er du Code civil n'ayant point expliqué ce qui constitue la promulgation des lois, depuis 1814 le gouvernement a fait résulter la promulgation des lois de leur insertion au Bulletin des lois, ainsi qu'on peut voir au préambule de l'ordonnance royale du 27 novembre 1816; et cette ordonnance a formellement établi, pour l'avenir, que la promulgation résultera de cette insertion. Dans cet état de choses, les deux traités se trouvent de fait promulgués comme lois. Mais abstraction faite de l'usage qui s'est formé dès 1814, et de l'ordonnance de 1816 qui a confirmé cet usage, la simple publication des deux traités aurait suffi pour en rendre les dispositions obligatoires aux tribunaux. Un traité conclu par le roi est valable en soi, d'après l'article 14 de la charte de 1814 et l'article 13 de celle de 1830; et il est de principe que les traités politiques sont, comme les lois, obligatoires pour les tribunaux. (Répertoire de jurisprudence, Jugement, § 7 bis.) 2 Sircy-Devilleneuve, 1831, II, 193. Dalloz, 1831, II, 223. 3 Ibid., 1845, I, 90. Dalloz, 1845, I, 88. Gazette des Tribunaux du 23 mars 1843. Nous transcrivons d'abord le texte de l'arrêt de la cour de cas sation. « Vu l'article 1er de la loi du 14 octobre 1814. (Premier motif.) » Attendu que le Hainaut, qui a formé le ci-devant départe>> ment de Jemmapes, a été réuni à la France par décret des 2 et 4 mars 1793, et » qu'à dater de la réunion, les habitants de ce pays, ou ceux qui en étaient origi>> naires et résidaient en France, sont devenus Français. (Deuxième motif.) » Attendu que Pierre Marchal, né dans le Hainaut, faisait >> partie des armées françaises lorsqu'il s'est marié, le 27 juin 1793, devant l'offi» cier civil de la commune de Revin, département des Ardennes, à Marie-Anne » Paul, Française; - qu'ainsi Pierre-Joseph Marchal, demandeur, issu, le 22 oc>>tobre 1800, du mariage de Pierre Marchal et de Marie-Anne Paul, est né Français. (Troisième motif.) » Attendu que Pierre Marchal est mort à Revin en 1811, étant » dans le plein exercice de ses droits de Français et de citoyen, et que le traité de » 1814, qui a séparé le département de Jemmapes de l'ancien territoire de la » France, n'a pu, par effet rétroactif, le dépouiller, au préjudice de son fils, de » la qualité de Français dont il jouissait à l'époque de son mariage et de son décès. (Quatrième motif.) » Attendu, du reste, qu'aussitôt après la mort de Marchal » père, l'état que le demandeur tenait de la nationalité de ses parents et du lieu » de sa naissance est devenu définitif; - que cet état a constitué pour lui, quoi» qu'il fût encore mineur, un droit propre et un titre personnel non soumis à l'é>>ventualité résultant de la nationalité première de son père, et que, pour conser>>ver ce droit et ce titre, il n'était obligé de remplir aucune condition à l'époque » de sa majorité; — qu'il a, d'ailleurs, toujours été considéré comme Français, >> puisqu'il a satisfait à la loi du recrutement, et a fait partie du conseil municipal de » la commune de Revin. (Cinquième motif.) » Attendu qu'en jugeant, dans ces circonstances, que le de» mandeur avait été atteint par le traité de 1814, et que n'ayant pas fait, après sa » majorité, la déclaration prescrite par l'article 1er de la loi du 14 octobre 1814, » il avait perdu la qualité de Français, et devait, comme étranger, être exclu de » la liste des électeurs municipaux de la commune de Revin, le jugement attaqué » a faussement appliqué et violé ledit article de la loi; - Par ces motifs, casse. » 33. Malgré le respect que nous professons pour la haute autorité de la cour de cassation et les lumières des jurisconsultes éminents qui la composent, nous ne pouvons regarder cet arrêt comme une interprétation judicieuse du texte et de l'esprit des lois qui sont invoqués dans la cause. D'abord il nous semble qu'en outre de la loi du 14 octobre 1814, citée en tête des motifs, il aurait fallu, et en premier lieu, d'après l'ordre chronologique, invoquer le traité de paix du 30 mai 1814, qui est une loi de la France, et notamment son article 17. D'après ce que nous avons expliqué plus haut, nos 18, 22 et 24, non-seulement Marchal père, mais encore Marchal fils, étaient habitants originaires du Hainaut ou habitants naturels de cette province de la Belgique : ils y avaient l'un et l'autre leur domicile d'origine; par suite de la réunion momentanée de cette province à la France, ils étaient tous les deux momentanément Français, savoir le père, par le seul effet de la réunion, et le fils par l'effet de la saisine qu'opérait sur sa personne la loi française sous l'empire de laquelle vivait son père au moment de sa naissance. La mort de Marchal père étant survenue avant les traités de 1814 et 1815, cet individu est décédé en jouissance de la qualité de Français, Suivant nous, et ainsi que nous l'expliquerons plus amplement à l'instant, il n'est point question, dans la présente cause, de Marchal père, mais uniquement du fils; et les tribunaux n'étaient appelés qu'à statuer sur la nationalité de ce dernier. Ni les traités, ni la loi du 14 octobre 1814, n'autorisent le moins du monde à argumenter de la mort du père, arrivée avant les mêmes traités, sur l'existence de la qualité de Français prétendùment appartenant au fils. La saisine que les lois françaises avaient opérée sur la personne de Marchal fils, au moment de sa naissance, n'était qu'une conséquence de la réunion des territoires et de la sujetion de la personne du père au pouvoir souverain de la France (voir no 22): sans cette sujétion du père, il n'y aurait pas en de saisine des lois françaises sur la personne du fils naissant. : Cette saisine des lois françaises a cessé par l'effet des traités des 30 mai 1814 et 20 novembre 1815. Ces traités faisaient disparaître, en thèse générale, toute action de la loi française sur Marchal fils par exception, les articles 17 et 7 des mêmes traités lui permirent d'abandonner son pays originaire, le pays dont il était, en droit, l'habitant naturel, le Ilainaut; c'est ce qu'il a fait en continuant à rester en France. On le peut donc regarder comme libéré de tout lien envers la Belgique 1. Mais comme, tout en résidant en France, il n'a pas fait usage de l'un des bénéfices à lui offerts par la loi du 14 octobre 1814, comme le texte de cette loi n'accorde ces bénéfices qu'aux per Toujours sous la réserve indiquée dans la dernière note du n° 22 ci-dessus. |