royal, on a vu quelquefois la peine de mort commuée en une relégation dans un cloître. Dans d'autres articles, nous ferons successivement connaître ce que la déportation a été depuis chez les peuples de l'Europe qui ont admis cette peine dans leur législation criminelle. HANTUTE. (La suite à un prochain cahier.) LES PRINCIPES DE L'ÉCONOMIE SOCIALE, EXPOSÉS SELON L'ORDRE LOGIque des IDÉES; par Ant. SCIALOJA (de Naples); ouvrage considérablement augmenté et entièrement refondu par l'auteur. Traduit et annoté par Hipp. DEVILLERS. Un volume in-8°. Paris, Guillaumin, 1844. VII et 459 pages. (Compte rendu par M. DE LA NOURAIS.) Le livre dont nous avons à parler est une des preuves les plus évidentes des progrès qu'a faits à notre époque l'économie politique. Son domaine s'est de nos jours tellement agrandi que par tout elle a ses partisans, ses adeptes, nous dirons plus, ses professeurs, ses chaires publiques, ses organes, ses tribunes. Aussi est-elle devenue en peu de temps une science véritable; et si quelques esprits moroses ont voulu d'abord lui en refuser le nom, au moins n'ont-ils pu nier l'influence réelle que ses principes et ses doctrines exerçaient non-seulement sur les individus, mais encore sur les gouvernements eux-mêmes. Et, chose remarquable, cette vérité a été si bien comprise que dans tous les pays de l'Europe le progrès a marché du même pas. Au milieu de ce mouvement général, l'Italie n'est pas restée en arrière; la patrie des Beccaria, des Filangieri, des Romagnosi, compte encore dans son sein un grand nombre d'hommes éminents voués avec eux aux sévères études de la jurisprudence et de l'économie politique. Au besoin, le livre de M. Scialoja serait une nouvelle preuve à l'appui de ce que nous disons; car c'est un véritable traité de principes qui y sont tous enchaînés de la manière la plus nette et en même temps la plus rigoureuse. En effet, l'auteur, pénétré de cette idée que l'économie sociale est une véritable science qui a ses règles certaines, sa logique, ses déductions inévitables aussi bien que la science des nombres et celle des chiffres, a eu toujours en vue cet axiome de son compatriote Genovesi, qui sert en quelque sorte d'introduction à son ouvrage : « Ce n'est ni au ha» sard ni à la destinée que les nations doivent leur grandeur, » mais bien à l'art et à la science. >> Son travail est donc un travail d'analyse où il a bien voulu exposer, comme il le dit lui-même, dans un ordre idéologique, les principes de l'économie politique. » Nous avons pensé, dit-il (V. p.14), qu'il fallait pour y par» venir déterminer d'abord un premier fait, la richesse; en dé» crire la propriété fondamentale, la valeur; en rechercher l'origine dans un phénomène qui lui donne naissance, la pro»duction; et descendre enfin de ce fait aux phénomènes qui » en dépendent, le considérant d'abord relativement aux faits » qui l'ont produit, puis aux besoins de l'homme comme indi» vidu, et à ceux de la société. » Ceci posé, l'auteur passe à la définition de la richesse, qu'il appelle tout ce qui a une valeur échangeable, distinguant ainsi la valeur usuelle, comme la nomme Smith, de la valeur échangeable. Ensuite la richesse, ainsi comprise, amène ce phénomène que les économistes appellent la production, c'est-à-dire que toutes les choses qui ont entre les mains de l'homme une valeur en échange se transforment pour s'approprier à ses besoins, pour satisfaire ses désirs. Or, du moment qu'il est question de besoins ou de désirs, on voit naître l'offre et la demande qui à leur suite amènent inévitablement un autre rapport, la fixation de la proportion qui existe habituellement entre l'offre et la demande, et qui n'est autre chose que le prix. La production enfin a pour agents indispensables la terre, le travail, les capitaux; et ceux-ci, de leur côté, opèrent de plusieurs manières différentes, soit comme capital fixe, soit comme matière première, soit comme capital roulant ou de circula tion, soit enfin comme réserve annuelle. Le concours de ces agents amène dans les objets qui servent à la production des modifications non moins essentielles, la transformation et la translocation. Ce sont ces deux opérations artificielles qui ont donné naissance à ce qu'on appelle l'industrie et le commerce. L'industrie et le commerce, à leur tour, sont des opérations productives, c'est-à-dire qu'elles donnent pour résultat un produit; mais tout produit est une valeur qui, à ce titre, peut être ou seulement usuelle, ou, de plus, échangeable. De là, par conséquent, deux sortes de produits, de même que deux sortes de valeurs et de richesses. Il faut bien considérer, cependant, que nous raisonnons ici dans le sens abstrait, et ne pas oublier qu'habituellement on ne considère comme véritable production que celle qui, ayant une valeur échangeable, peut être regardée comme enrichissant la société tout entière. Ces principes posés, l'auteur se demande si les opérations utiles de l'esprit ont une valeur échangeable; et il n'hésite pas à résoudre cette question par l'affirmative. Nous aimons d'autant mieux à constater ici les pensées de M. Scialoja sous ce point de vue, que longtemps la doctrine contraire a prévalu. Adam Smith et ses successeurs, pour avoir appelé produit immatériel le résultat des opérations productives des facultés morales, avaient été entraînés à dire qu'elles n'avaient pas de valeur. De là certains publicistes ont été conduits à partager la société tout, entière en deux classes, les travailleurs et les oisifs, doctrine évidemment erronée, et dont M. Scialoja fait justice; il n'hésite pas à plaider les droits de l'intelligence, à reconnaître sa valeur. Et ici, remarquons en passant l'influence que les théories économiques commencent à exercer sur les idées des gouvernements. Car si ce n'est pas à leur propagation seule que l'Europe devra un jour une bonne loi sur la propriété littéraire, il faut avouer au moins qu'elles auront puissamment contribué au résultat qu'un jour ou l'autre on ne peut manquer d'obtenir. Après ces données préliminaires, l'auteur se demande quels sont pour la société les résultats de la production. De la production naît l'échange, ou, si l'on veut, la vente et l'achat, bien que le fait soit toujours le même, et se réduise à un échange de deux valeurs. Mais la production en elle-même est un fait complexe, et la division du travail n'est pas assurément le moins intéressant de tous ceux qui la composent et qui la créent. Aujourd'hui, tous les économistes sont d'accord sur les bienfaits de cette division, sur les progrès qu'elle a fait faire à l'industrie; ils reconnaissent également aujourd'hui combien elle a contribué à amener le bas prix dans la fabrication, et à augmenter ainsi le bien-être de tous, et spécialement celui des classes inférieures. Si nous nous sommes arrêtés un instant sur ce fait économique, c'est uniquement pour faire remarquer ici en passant l'ancienneté de cette doctrine; car bien longtemps avant que certains publicistes vinssent à la préconiser comme une découverte, Beccaria avait dit : «< Chacun sait par sa propre expérience qu'en appliquant constamment >> sa main et son intelligence au même genre de travail, les résul>>tats en deviennent plus faciles, plus abondants et meilleurs. » L'auteur examine ensuite l'influence des machines sur la production, et n'hésite pas à soutenir contre Montesquieu, Larivière, Mengotti et d'autres publicistes, qu'elles sont plus utiles que nuisibles. Ces auteurs, en effet, étaient partis d'une opinion erronée, à savoir que le travail fait la richesse. Or, si le travail contribue à produire la richesse, il ne serait pas exact de dire d'une manière absolue qu'il la crée à lui seul. On a beaucoup déclamé contre les machines, on les a accusées. d'augmenter, de faire naître même la misère des ouvriers; rappelons seulement, au moins comme document à l'appui de cette controverse, qui n'est pas encore éteinte, qu'après qu'Arckwright eut en 1796 perfectionné la machine à filer le coton, un homme qui ne pouvait auparavant en filer que deux à trois onces par jour, en fila plusieurs livres, et néanmoins le nombre des ouvriers employés en Angleterre à ce travail s'éleva de 7,900 à 352,000! Avec les machines, et concurremment avec elles, les monnaies, les banques, les titres de crédit, les divers moyens de transport jouent encore un grand rôle comme agents, comme instruments de la production. Nous venons de parler de la production: sous quelles faces et à quels titres considérer actuellement les valeurs produites? Nous les nommerons avec M. Scialoja salaires, gains ou bénéfices, ho noraires, profits ou intérêts, fermages ou loyers, ou enfin recenus, suivant les personnes qui les perçoivent. Jusqu'ici l'auteur s'est occupé de la production de la richesse sous ses diverses formes; il lui reste à parler de sa distribution, et il arrive à conclure que cette répartition sera d'autant plus juste et d'autant plus naturelle qu'elle sera en raison de la quantité des instruments de production que chacun possède, et de la manière dont il s'en sert. Cette théorie amène logiquement M. Scialoja à considérer la distribution de la richesse, c'est-à-dire, en dernière analyse, les revenus dans leur rapport avec les besoins des individus. De là l'appréciation successive de plusieurs principes qui jouent un grand rôle dans la science économique; d'abord la théorie de la population, toujours discutée, et qui est destinée à l'être longtemps encore. Selon l'auteur qui nous occupe, de la condition économique d'un État on peut se faire une idée de sa population, et conclure qu'elle est en raison inverse du nombre et de l'intensité des besoins des individus qui la composent. Si donc ces besoins augmentent, la population doit diminuer. Cette theorie, comme on le voit, se rapproche en certains points de celle de Malthus; mais elle en diffère en ce sens que, suivant Malthus; la population croît invariablement partout où les moyens de subsistance augmentent; et cependant, ainsi que le remarque M. Scialoja, l'augmentation de la production, si même ce n'est pas celle des moyens de subsistance, peut produire le même effet. La population, de son côté, n'étant, à vrai dire, composée que de diverses classes de producteurs, c'est ici qu'il s'agit d'examiner comment ces diverses classes sont affectées par les différentes phases de l'industrie. Après quelques considérations sur les machines, que l'auteur défend contre leurs adversaires, disons plutôt contre leurs ennemis, il passe à un autre ordre d'idées. Il ne considère plus l'économie politique dans ses rapports avec l'homme comme individu, mais bien comme membre d'une société. Dès ce moment, il n'est plus question que des nations et de l'influence des gouvernements sur l'ordre économique des richesses et sur la population. |