principe proposé, de la justice civile à la justice correctionnelle, il n'y aurait que de l'avantage à le faire, parce que les frais payés par le condamné qui succombe font évidemment partie de la peine, et que le principe de l'égalité est particulièrement juste en matière pénale. Malgré ces motifs, le projet a été écarté par un ajournement à un an; le conseil d'Etat a été invité à reviser, pendant ce délai, tout ce qui concerne l'organisation et le service des huissiers. A. CRAMER. DU DROIT DES GENS MARITIME, et de l'ouvrage de M. Théodore Ortolan, lieutenant de vaisseau, intitulé: Règles internationales et diplomatie de la mer. Tome I1. Par M. HENRI WHEATON, ministre plénipotentiaire des États-Unis à Berlin. L'ouvrage dont nous nous proposons de rendre compte, est destiné à combler une lacune dans la bibliographie du droit public. Il arrive fréquemment, surtout de nos jours, que les officiers de marine se trouvent appelés à remplir des fonctions politiques et à décider des questions de diplomatie et de droit international, dans des cas où la distance des lieux et la nécessité d'agir avec promptitude, ne leur permettent pas de prendre les instructions de leur gouvernement. Cela se présente aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre. L'officier commandant un bâtiment de guerre, ou une escadre, a pour mission permanente de soutenir loin de sa patrie l'honneur du pavillon, et de protéger les droits de ses nationaux. Souvent, en l'absence de tout agent diplomatique accrédité, il est forcé d'agir comme tel; quelquefois il est lui-même l'organe avoué de son gouvernement. Sa conduite peut donc influer puissamment sur les intérêts de son pays et de ses concitoyens. Aussi, le ministre des affaires étrangères recon Paris, Cosse et N. Delamotte. naissait-il récemment, à la tribune nationale, cette influence des actes de l'officier de mer à l'étranger. « Pendant que nos marins, » disait M. Guizot, « portent la patrie sur nos vaisseaux à quatre » mille lieues, est-ce qu'il ne reste pas ici la grande patrie? Est» ce qu'il n'y a pas des intérêts généraux engagés dans leur con» duite, dans leurs actes? Est-ce qu'il n'y a pas ici trente-cinq » millions de Français sur lesquels un seul acte de ce marin, qui » vogue à quatre mille lieues de son pays, peut exercer une in>>fluence décisive? Est-ce qu'il ne peut pas disposer un moment, » par un seul acte, de la destinée de son pays, de la paix et de la » guerre, du bonheur et du malheur de ces trente-cinq millions >> d'hommes? >> L'amour de la patrie et le sentiment de l'honneur national ne suffisent pas pour régler la conduite du marin dans ces circonstances difficiles et délicates; il est nécessaire de joindre à ces instincts généreux, la prudence, la circonspection, et une connaissance suffisante du droit international maritime; de ce droit, qui forme bien une branche du droit des gens général, mais dont les règles sont comme perdues dans une multitude de livres d'un choix difficile et dangereux, au milieu de matières hétérogènes, avec lesquelles elles n'ont aucune relation; de ce droit enfin que les publicistes les plus estimés, les Grotius, les Puffendorf, les Vattel, négligent en ses détails, malgré son importance. Les auteurs mêmes qui ont écrit plus spécialement sur cette partie, ont passé sous silence bien des questions importantes, et se sont bornés, en général, à celles qui concernent les droits respectifs de belligérants et de neutres en temps de guerre, de blocus, de contrebande, de jugement des prises, etc.; ils ont omis tout ce qui est relatif aux discussions qu'on voit naître en temps de paix, quoiqu'elles soient souvent les plus difficiles à la reconnaissance des nouveaux États, au droit de visite, à la piraterie, à la juridiction des ports étrangers, à l'extradition des déserteurs, etc. On a souvent regretté qu'il n'existât pas un manuel spécialement destiné à l'instruction des officiers de marine, fait par quelqu'un qui réunît la connaissance du droit maritime à celle des usages et des pratiques de la mer. Il nous paraît évident que ces deux qualités se trouvent réunies dans l'auteur de : l'ouvrage dont nous allons nous occuper, et nous ne pouvons que le féliciter de la manière dont il a rempli sa tâche dans un premier volume, qui présente le résumé des règles du droit international maritime en temps de paix. M. Ortolan commence son ouvrage par développer les principes généraux et fondamentaux qui régissent, dans leurs rapports réciproques, les grandes associations humaines connues sous le nom de nations indépendantes ou d'États souverains. Il expose ensuite les règles internationales maritimes les plus importantes et les plus usuelles: celles qui sont à peu près universellement reconnues, et qui forment la base des relations maritimes entre les peuples policés. Il donne enfin les notions de la science de la diplomatie les plus indispensables pour l'officier de mer. La première partie de son livre n'est qu'un résumé succinct des principes généraux reconnus par les publicistes les plus estimés sur l'institution du droit international, sur la souveraineté des États, et sur les traités publics. L'auteur parle ensuite de la liberté de la mer. Il fait une distinction entre la propriété et le domaine, et l'empire ou la souveraineté de la mer. Suivant lui, la plupart des arguments produits par les anciens publicistes pour démontrer que la mer n'est pas susceptible de propriété sont inutiles, peu décisifs et sujets à controverse. Il n'y a que deux raisons incontestables en faveur de ce système; l'une physique, matérielle; l'autre morale, purement rationnelle. L'impossibilité de la propriété des mers résulte de la nature de cet élément, qui ne peut être possédé, et qui sert essentiellement aux communications des hommes. Les choses qui ne sont encore à personne ne peuvent sortir de cette condition et passer dans le domaine, que par un seul moyen, la possession. Pour que la mer devînt la propriété d'une nation, il faudrait que cette nation pût en prendre et en conserver la possession. « Toutes les définitions de la possession, >> dit M. de Savigny, « quelque différentes qu'elles soient, par » l'expression et par l'idée, ont au fond quelque chose d'entière»ment général. Chacun entend, par la possession d'une chose, » un état qui permet, non-seulement d'exercer physiquement » sur la chose une action personnelle, mais encore d'en éloigner > toute action étrangère. C'est ainsi que le batelier possède sa » barque, mais non pas l'eau sur laquelle il glisse, quoique » l'une et l'autre servent à son but. » ( Traité de la Possession, $1.) On peut donc le dire avec assurance, la mer n'est pas susceptible de tomber dans la propriété des hommes, parce que la mer ne peut pas être possédée. Mais la mer, fùt-elle physiquement susceptible de possession, et, par suite, de propriété, une raison morale viendrait encore mettre à cette propriété un obstacle insurmontable. L'association des hommes, la communication des uns aux autres est une loi de la nature humaine aussi essentielle dans l'ordre moral que la respiration peut l'être dans l'ordre physique. Quel est donc le peuple qui aurait le droit de prendre, comme sa propriété exclusive, l'élément jeté par la main de Dieu autour des terres, pour unir, de tous les points du monde, les hommes et les nations? Une fois établi et reconnu que la mer ne peut être la propriété d'aucune nation, qu'elle est ouverte et commune à tous, sans pouvoir appartenir à personne, il est évident qu'un peuple ne peut pas avoir le droit d'y exercer un empire qui blesserait l'égalité, l'indépendance, et la souveraineté de toutes les autres nations. Ces principes tant controversés au XVIIe siècle, sont aujourd'hui généralement avoués. Aujourd'hui, les discussions sur la propriété et sur l'empire de la mer sont reléguées dans le domaine de l'histoire. Il n'est plus d'écrivain, il n'est plus de gouvernement qui songeât à renouveler de nos jours ces prétentions d'une autre époque. Il s'en suit : Que les pavillons, à quelque nation souveraine qu'ils appartiennent, sont, en pleine mer, égaux en droits et libres, sauf l'obligation à tous de se conformer aux règles du droit des gens universel; Que, s'il est possible que des mesures particulières de surveillance, d'inspection ou de police, soient autorisées d'un pavillon à l'autre, cela ne peut jamais avoir lieu qu'en vertu de traités spéciaux et réciproques, obligatoires seulement pour les parties contractantes, étrangères aux États qui n'y ont point consenti; Enfin, que, quelle que soit la force navale dont une nation puisse disposer, ce motif ne peut conférer à cette nation plus de droits qu'aux autres; car la force n'est pas le droit. Et que l'emploi de cette force pour la violation des principes relatifs à la communauté et à la liberté de la pleine mer, de quelque part qu'il vînt, serait toujours illégitime. L'auteur distingue le droit de visite ou de recherche (right of visitation and search des publicistes anglais), exercé en temps de guerre par les bâtiments armés des puissances belligérantes pour la découverte des marchandises ennemies ou de contrebande, de ce qu'il appelle le droit d'enquête de pavillon qui peut être exercé en temps de paix par les bâtiments armés de toutes les nations dans l'intérêt de sécurité générale du commerce et de la navigation. Le droit de visite, proprement dit, n'existe pas en temps de paix, à moins qu'il ne soit stipulé par des conventions spéciales. Cependant, contre les pirates, on a établi, pour les bâtiments de guerre de chaque nation, le droit de constater la neutralité de tout navire de commerce rencontré en pleine mer. Suivant notre auteur, ces deux droits différent entre eux essentiellement dans leur but, et aussi dans le procédé au moyen duquel ils s'exercent. Le droit d'enquête de pavillon n'a qu'un but: celui de reconnaître la nationalité du navire, afin précisément d'accorder à ce navire tous les droits résultant de cette nationalité, du moment qu'elle a été reconnue. Le droit de visite ou de recherche a pour but de constater à bord d'un navire, même dont la nationalité a été reconnue, certains faits relatifs à son chargement ou à tout autre objet d'intérieur. Le premier de ces droits repose sur le respect même de la nationalité et de l'indépendance des États souverains. Le second est une atteinte portée aux attributions de la nationalité et à l'indépendance réciproque des États souverains. C'est lorsque cette nationalité a été reconnue et malgré cette reconnaissance, qu'une puissance étrangère vient s'immiscer, à bord du navire, et en pleine mer, dans l'état intérieur du navire pour y constater certains faits. L'expression de « droit d'enquête du pavillon » indique un pro |