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CHRONIQUE.

ÉTATS-UNIS. D'après les tableaux statistiques les plus récents qui ont été publiés à Boston, la population des États-Unis s'élevait, au 31 janvier 1844, à 18,980,650 individus, parmi lesquels on comptait 4,886,632 Allemands. — Le 3 juillet 1844, un traité de commerce et de navigation a été conclu entre les États-Unis et la Chine.

RUSSIE. Un ukase du 13 novembre établit de nouvelles dispositions sur les écoles des juifs, et en général sur l'instruction publique à donner aux individus professant ce culte.

SCEDE. Une ordonnance royale du 28 novembre, qui vient d'être publiée, supprime l'obligation imposée, par une ordonnance du 19 février 1811, à tout étranger désireux de visiter ce royaume, d'obtenir à cet effet une autorisation spéciale du gouvernement. Dorénavant, un simple passe-port suffira. - Le 21 décembre, le ministre de la justice a présenté à la diète le projet de Code pénal rédigé par une commission créée depuis plus de trente ans, et approuvé par le roi.

HOLSTEIN. Les états réunis à Itzehoe ont adopté le projet de loi présenté par le gouvernement, qui oblige les tribunaux inférieurs à donner les motifs de leurs jugements, comme les cours d'appel et la cour suprême le doivent déjà depuis 1834. Les états ont adopté la motion de M. Loeck, un des membres, tendant à la publicité de leurs séances, tout en repoussant la seconde proposition du même député, ayant pour but d'autoriser les journaux à rendre compte des séances. Les états ont supplié le roi de présenter un projet de loi introduisant le débat oral, la publicité des audiences et le jury.

BRUNSWICK. Le gouvernement n'a pas donné son adhésion aux modifications apportées par les états au projet de loi des communes rurales. En conséquence, les états ont rejeté le projet. — Conformément à la proposition faite par M. Steinacker, rapporteur de la commission nommée pour l'examen de la loi de la réforme de la procédure criminelle, les états ont réclamé l'introduction de la publicité des audiences, du débat oral et de la procédure d'accusation.

HANOVRE. L'université de Gættingue compte 637 étudiants, dont 439 regnicoles, 200 étrangers, 132 élèves en théologie, 205 en droit, 206 en médecine, et 94 en philosophie et ès sciences.

SAXE-WEIMAR. M. Alexandre Müller, ancien conseiller de régence, auteur de plusieurs ouvrages estimés, l'un des collaborateurs de la Revue de Droit français et étranger, est décédé le 26 décembre.

SAXE-ALTENBOURG. La session des états a été ouverte le 2 décembre. Les projets de lois présentés sont relatifs aux objets suivants : élévation du traitement des insututeurs primaires, de 100 écus (360 fr.), à 120 écus (432 fr.); suppression de la juridiction volontaire, exercée à titre patrimonial; établissement d'encouragements pour l'agriculture; maisons d'aliénés.

WURTEMBERG. Les chambres sont convoquées pour le 1er février. - L'université de Tubingue compte aujourd'hui 39 professeurs ordinaires, 10 extraordinaires, 12 docteurs qui font des cours, 5 professeurs des arts et 852 étudiants.

PRUSSE. Les sessions des états de la Prusse rhénane', de la Westphalie et de la Saxe s'ouvriront le 9 février.

BADE. Une ordonnance grand-ducale, publiée le 27 décembre, établit un conseil d'État, placé immédiatement sous les ordres du grand-duc mais subordonné au ministère d'État. Dans la séance du 17 janvier, la première chambre a adopté le projet de Code pénal dans l'état où la deuxième chambre le lui avait renvoyé. Le gouvernement a présenté à la seconde chambre un projet de loi relatif à l'exécution des peines dans la nouvelle maison de correction à Bruchsal, orga. nisée selon le système de l'isolement absolu.-M. d'Itztein, dans son rapport fait au nom de la commission chargée de l'examen de la motion de M. Mathy, relative à la liberté de la presse, a conclu à ce que le grand-duc soit supplié: 1o d'agir auprès de la diète afin de faire établir la liberté de la presse dans toute l'Allemagne; 2o de proposer aux chambres une loi de la presse analogue à celle du 28 décembre 1831, sous les modifications commandées par les exigences de l'époque et les arrêtés de la diète; 3° jusque-là, de supprimer la censure sur les objets concernant les affaires intérieures du pays, et de renvoyer aux tribunaux le jugement du refus du permis d'imprimer. Dans la séance du 13 janvier la deuxième chambre a adopté en entier le premier et le deuxième chef de ces conclusions, ainsi qu'une partie du troisième.-La première chambre a adopté une adresse concernant l'établissement d'une banque; elle a adhéré aux projets de lois concernant la procédure criminelle et l'organisation judiciaire, déjà adoptées par la seconde chambre.

Angleterre. Nous avons sous les yeux le projet de Code pénal pour l'Angleterre, présenté par lord Brougham à la chambre des lords pendant la dernière session du parlement. Ce projet n'est point conçu à priori, comme l'indique suffisamment son titre Criminal Law consolidation Bill; il réunit en un seul corps les diverses dispositions, en matière pénale, éparses dans un grand nombre de lois anciennes et nouvelles. L'auteur a ajouté en marge de chaque article le renvoi à ces lois, et il a eu soin de corriger ce que la rédaction de ces lois offrait de vicieux. Le travail a beaucoup d'analogie avec le Svod ou Digeste russe, dont nous avons parlé dans la Revue étrangère et française, t. II, p. 386 et 513; t. VI, p. 817 et 889; t. VIII, p. 499, 283 et 664. Ce même travail a déjà obtenu de l'autorité en Angleterre ; les jurisconsultes le citent comme un recueil de lois. Les débats parlementaires en feront disparaître les dispositions surannées. Nous aurons occasion de revenir sur ce projet.

ESPAGNE. La reine a donné sa sanction à la loi votée par les cortès, qui autorise le ministère à établir des lois organiques. Le sénat est saisi d'un projet de loi qui prononce des peines contre la traite des noirs.

FRANCE. Le 11 septembre 1844, une convention postale a été conclue avec le prince de la Tour-et-Taxis; elle est exécutoire à partir du 1er janvier 1845. — Une ordonnance royale du 29 décembre institue à Paris un conseil de prud'hommes pour l'industrie des métaux. — Un projet de loi sur les caisses d'épargne a été présenté à la chambre des députés. Cette chambre a repris la discussion de plusieurs projets de lois qui se trouvent en état de rapport et n'ont pas été discutés dans la dernière session. - Dans sa séance du 25 janvier, l'Académie des sciences morales et politiques de l'Institut a nommé membres correspondants, pour sa section de législation et de droit public, notre collaborateur M. Warnkoenig, professeur de droit à Tubingue, ainsi que M. le comte Frédéric de Sclopis, de Turin.

De la nature et des effets généraux de la subrogation.

Par M. FRÉDÉRIC MOURLON, avocat à la cour royale de Paris, docteur en droit.

TROISIÈME ARTICLE.

Nous avons, dans les numéros précédents (V. p. 525 et 803 de la Revue, année 1844), déterminé la nature et les effets de la subrogation. Nous l'avons définie : une cession fictive par suite de laquelle une créance éteinte, au moyen d'un payement effectué par un tiers, ou par le débiteur avec l'argent d'un tiers, est regardée comme continuant d'exister au profit de ce dernier, qui peut l'exercer à l'effet de recouvrer par elle ce que lui a coûté la libération du débiteur.

Mais cette théorie resterait incomplète, si nous n'examinions quelle est l'étendue de la fiction qui lui sert de base. Est-ce une fiction absolue ou relative? la créance qu'elle fait survivre au payement survit-elle ergå omnes, ou seulement à l'égard de certaines personnes? en d'autres termes, quels sont ceux à qui la subrogation peut être opposée?

Nous savons déjà qu'elle ne peut jamais l'être au créancier originaire. Quant à lui, le payement, bien qu'accompagné d'une clause subrogatoire, produit tous les effets d'un payement ordinaire. C'est ce qu'exprime ce vieux brocard de notre ancienne jurisprudence nemo contrà se subrogasse videtur, et cette formule très-énergique de notre Code: La subrogation ne nuit point au créancier (art. 1252). En ce qui le concerne donc, la dette est à jamais éteinte avec tous ses accessoires (V. p. 535 et suiv. de la Revue, juillet 1844, la démonstration de ce principe et les conséquences que nous en avons tirées).

Mais sauf cette restriction, la subrogation a un effet général, absolu. Par elle, l'ancienne dette survit envers et contre tous, contre tous ceux qui en étaient tenus directement ou indirectement, personnellement ou propter rem, comme débiteurs principaux ou comme obligés accessoires.

II.

Ainsi la subrogation peut être opposée :

1° Au débiteur (art. 1250 et 1252), afin de faire valoir contre lui toutes les voies de rigueur que comporte la dette acquittée, toutes ses qualités passives, comme une contrainte par corps (V. le rapport de M. Jaubert sur l'extinction des obligations), une clause pénale, un titre exécutoire, un droit de résolution, de solidarité, ou d'indivisibilité, la clause que le débiteur sera en demeure par la seule échéance du terme, ou que le payement sera fait soit au domicile du créancier, soit dans un autre lieu déterminé (V. pages 816 et suiv. de la Revue, juillet 1814; Renusson, chap. X, n° 10).

2° Aux créanciers du débiteur pour les exclure en leur opposant les canses de préférence qui assuraient le payement intégral de la créance originaire (art. 1250).

3° Aux cautions qui restent obligées envers le subrogé, de la même manière qu'elles l'étaient envers le créancier originaire article 1252).

Les anciens jurisconsultes admirent également et sans difficulté la survie de la créance contre la caution quand la subrogation émanait du créancier; mais on controversa longuement et trèsvivement sur la question de savoir si la subrogation consentie par le débiteur seulement, était ou non opposable à la caution qui n'y avait pas donné son consentement. Une première jurisprudence s'établit d'abord, qui décida que cette espèce de subrogation n'empêchait pas que le payement ne fût, à l'égard de la caution, purement extinctif de la dette (V. Renusson, chap. XHI, n° 20), puis il se fit un revirement et de nombreux arrêts établirent que la subrogation, quoique consentie par le débiteur seulement, était opposable à ses cautions comme à lui-même.

Renusson attaqua cette jurisprudence nouvelle, et conseilla aux magistrats de l'abandonner. Elle était, disait-il, contraire à l'esprit et aux principes du pur droit. Si le tiers qui prête ses deniers a stipulé la subrogation du débiteur, sans faire intervenir la caution, c'est qu'évidemment il a jugé suffisante la solvabilité du débiteur. Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes; celle qu'il a faite avec le débiteur pour acquérir l'ancienne créance aura tout son effet contre

lui, mais ne doit en avoir aucun contre la caution avec laquelle il n'a pas contracté. L'équité ne permet pas d'ailleurs qu'un débiteur puisse, quand bon lui semble, donner à sa caution un créancier nouveau, l'obliger, malgré elle, envers un nouveau venu qu'elle ne connaît pas, son ennemi peut-être (V. Renusson, chap. XIII).

Cette théorie de Renusson est, si l'on veut, fondée en droit pur et rigoureux, mais est-elle bien rationnelle? est-elle utile surtout? Si le débiteur veut écarter un créancier fàcheux, ou remplacer une dette très-onéreuse par une autre qui l'est moins, quel intérêt si puissant la caution peut-elle avoir à s'y opposer? son intérêt n'est-il pas mêlé à celui du débiteur? Ne lui a-t-elle pas tacitement donné mandat de faire tout ce qui peut améliorer leur position commune?

On objecte que le nouveau créancier peut être mal disposé pour la caution et se montrer contre elle très-rigoureux, qu'il serait injuste de laisser au débiteur la faculté de substituer à un créancier très-favorable, un créancier très-dur. Mais les dangers dont on argumente ne sont-ils pas purement imaginaires ou au moins très-exagérés? Si le nouveau créancier est favorable au débiteur, il le sera également pour la caution?

Que gagnerait le débiteur à faire une si méchante substitution? Il en serait lui-même la première victime; car la caution, si elle était méchamment et rigoureusement poursuivie par le nouveau créancier, ne manquerait pas de retourner contre le débiteur toutes les rigueurs exercées contre elle. Il ne faut donc pas, sous prétexte d'un danger imaginaire, refuser au débiteur un moyen de crédit qui, en lui profitant, profitera également à la caution. Ces considérations déterminèrent la magistrature en faveur de la jurisprudence que condamnait Renusson. On continua de juger, et un règlement du parlement de Paris, 6 juillet 1690, établit que la caution, quoique restée étrangère au contrat de subrogation, serait garante de la dette envers le créancier nouveau comme elle l'était envers l'ancien. C'est aussi ce que notre Code décide, car l'article 1252 portant: « que la subrogation a son effet, tant contre les cautions que contre le débiteur, » ne distingue pas entre la subrogation consentie par le débiteur et celle

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