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à l'horrible; car, au milieu de ces sottises, tous ces gens n'en sont pas moins affamés de pillage et altérés de sang.

Au surplus, ils se font mépriser et abhorrer dans toutes ces contrées ; ils maltraitent le peuple, insultent les bourgeois, persifflent les nobles, séduisent les filles, corrompent les femmes, escroquent les marchands, et sur-tout ils renchérissent par-tout les denrées, genre de tort qu'on ne pardonne pas, et qui, tôt ou tard, leur vaudra une expulsion honteuse.

CHARTRES. Deux ecclésiastiques, l'un prêtre, l'autre ancien chanoine, viennent de metre la constitution en pratique, en contractant un honnête mariage avec deux jeunes personnes de cette ville. Il n'est pas nė cessaire de dire que ces deux hommes étoient connus par la régularité de leurs mours. Les libertins ne se marient pas..

Les protestans de Paris ont fait chanter dans leur temple un Te-Deum solemnel, en actions de graces de l'achèvement de la constitution. La municipalité, pour consacrer la liberté des cultes, a assisté en corps à cette cérémonie.

Dans la vallée de Montmorency, une pauvre villageoise vient d'être trompée par une fourberie à laquelle d'autres pourroient se laisser prendre. Résolue à vendre sa vache, qui faisoit sa seule fortune, un particulier lui en offre quatre louis d'or, qu'il va, 'dit-il, lui remettre en deux doubles. Elie accepte; elle laisse la vache. Revenue chez elle, il se trouve que les deux prétendus doubles louis sont deux des nouveaux sous faits avec le métal de cloche, dont la couleur imite très-bien celle de l'or; du moins pour les yeux d'une pauvre et vieille femme des champs.

On s'abonne à Paris, chez DESENNE, Libraire, au Palais Royal, moyennant 9 liv. par an.

De l'Imprimerie de DKзINNI, rue Royale, butte S. - Roch, u°. 24.

ET CINQUIEME SEMAINE

DE LA SECONDE ANNÉE

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

Jeudi 27 Octobre 1791.

AVIS DES RÉDACTEURS.

LA Constitution est faite ; elle est proclamée; elle est jurée; elle est établie ; elle est même chérie du plus grand nombre des Français: mais combien peu la connoissent! Cependant les lois ne sont point des mystères qu'on doive adorer, sans les comprendre. Les nôtres sur-tout, fondées sur la nature et la raison, peuvent être rendues sensibles et palpables pour tout homme attentif. Déjà, sous plusieurs formes, nous les avons expliquées à nos lecteurs. Deux catéchismes publiés dans nos premières feuilles, ont rendu familiers les termes et les élémens de la Constitution. Nous avons depuis analysé l'acte constitutionnel, et donné, en quelque sorte, son programme, ou sa table des matières. Le livre lui-même circule dans toute la France. Sans doute il n'est pas un village, ni même un villageois patriote, qui n'ait dans sa bibliothèque cet évangile de la liberté.

Cependant notre code fondamental est si étendu, que l'esprit a peine à l'embrasser. Surchargé de détails, son ensemble échappe aisément. Conçu en articles isolés, il se grave difficilement dans la mémoire. Ecrit en style législatif et laconique, sa lecture est aride et obscure. Ne pourroit-on abréger les détails, remplir les Troisième Partie.

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lacunes, lier les principes, éclaircir le sens et vivifier les termes? Et si ce travail est possible, celui qui le tentera ne court-il pas quelque danger? N'appellera-t-on pas sacrilège, quiconque osera refaire la constitution à sa guise? Sans cesse nous méditions ces vues. La forme du catéchisme et du dialogue que nous avions annoncée, les eût mal remplies. Favorable pour un sujet simple, dans un objet vaste le dialogue alonge, il détourne, il vous fatigue en vous arrêtant à chaque pas. Quel plan choisir? dans quel cadre placer le tableau de la constitution?

Cette incertitude nous avoit jetés dans un profond embarras, lorsque la lettre suivante vint nous en tirer.

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Lettre aux Rédacteurs.

MESSIEURS

Dans le village que j'habite, nous sommes tous bons patriotes; car nous avions des corvées bien dures, des dîmes bien lourdes, des gens de justice bien voraces, des moines bien libertins, et un petit seigneur bien insolent. Mais un vrai patriote doit savoir la constitution. Aussi avons-nous voulu tous l'apprendre, et ce n'est pas notre faute, si nous ne la lisons pas tout

courant.

Dimanche dernier, je trouvai au marché du bourg voisin un marchand d'almanachs qui vient tous les ans y apporter la provision du pays. J'étois chargé d'acheter celle du village. D'ordinaire l'almanach qu'il vendoit le mieux, c'étoit le Messager boiteux: je n'ai jamais eu grande confiance à ses fausses recettes, à se's terribles histoires et à ses prédictions extravagantes; cependant comme il amuse nos femmes et nos enfans', je le prenois comme les autres. Cette année,, le marchand avoit des almanachs de la constitution dont il faisoit grand débit. Je fais encore comme les autres, j'en achetai une douzaine pour mes voisins : ils m'applaudirent tous à mon retour; et voilà que chacun de notre côté nous nous occupons à feuilleter, à lire et à

et

relire notre constitution. Aujourd'hui nous nous sommes rejoints pour en converser. Mais voici le mal après avoir fait bien des efforts de réflexion et de mémoire, il ne nous reste de la constitution que des idées bien confuses. Quelques-uns de nous en ont retenu beaucoup d'articles, d'autres beaucoup de paroles; mais le fond des choses, l'essentiel, on voit à chaque mot que nous ne le tenons pas. C'est pourtant cela qu'il faudroit savoir, et ce que nous vous demandons.

Messieurs, voici mon idée ; c'est qu'il n'est pas possible que tout ce qui est dans le livret de la constitution soit d'une égale importance. Vous nous avez dit qu'il faudroit combattre et mourir pour la constitution. Nous sommes prêts; mais qu'entend-on par-là? J'ouvre mon almanach, et je tombe sur une longue description de ce que fera l'assemblée législative avant de faire quelque chose, de l'ambassade qu'elle enverra au roi, et comme quoi le président ne pourra pas en être. Or, dites-moi, faudra-t-il se battre pour cet article-là ? Plus loin, je trouve un grand détail du tribunal de cassation; comme quoi il racontera tous les ans à nos députés tout ce qu'il aura bien ou mal cassé. Je sens bien que la chose est utile: mais faut-il se faire tuer pour cela? Plus loin encore, je lis que les oncles, les issus de germains, et petits cousins du roi, ne s'appelleront ni Monsieur, ni Jacques, ni Pierre; mais Prince, qui veut dire premier, principal, à ce que prétend M. le curé: de manière que nous aurons une centaine de premiers... Pour celui-ci, sans vouloir y rien changer, je ne suis point d'avis de m'armer pour le maintenir.

Mais il y a tant de beaux décrets qui valent la peine qu'un brave homme se jette dans la mêlée, se précipite dans les flammes lui et sa famille! Eh bien, voilà ma constitution, à moi ! Je les entrevois bien dans mon almanach. Mais je voudrois qu'on me les rapprochât, qu'on me les fit voir et toucher presque tous à la fois. Mes voisins sont comme moi : avons-nous tort?

Examinez donc, Messieurs. Je passe dans mon pays pour avoir une bonne judiciaire; mais vous l'avez encore meilleure que moi. Redonnez-nous la constitu

tion, comme nous la demandons, ou comme vous l'entendrez. Mettez-la dans les têtes; car elle n'est encore que dans les mains.

Signé, le PÈRE ELOI, laboureu

Réponse.

Ce que demande M. Eloi est bien difficile ; ce que nous donnons est bien imparfait. Peut-être aussi l'on trouvera qu'il faut un peu de travail pour nous comprendre nous-mêmes. Mais qu'on se souvienne qu'il faut tout abréger, et pourtant tout dire. Si la clarté est le devoir de l'écrivain, l'attention est celui du lecteur. Nous dirons aux nôtres: Aide-tai, le livre t'aidera.

CONSTITUTION FRANÇAISE. "Constitution veut dire, établissement. La constitution d'un pays ou d'un peuple, c'est l'établissement des différentes autorités qui le régissent. En d'autres ter mes c'est le réglement fondamental du gouver

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nement.

Mais cet établissement n'existe qu'en vertu des droits, et pour le maintien des droits des hommes pour qui il est formé.

L'Acte Constitutionnel est donc l'exposé complet et descriptif du gouvernement et de ses principes. C'est le bâtiment social tout entier, depuis les fondations jusqu'au faîte.

L'acte constitutionnel des Français contient deux parties principales et distinctes.

Dans la première, sant les Droits; dans la seconde, sant les Pouvoirs.

Première Partie de l'Acte constitutionnel.

LES DROIT S.

C'est du sein même de la nature que les droits sont tous émanés. Elle nous donne la faim, la soif, l'amour,

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