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juge; ensuite elle fut contrainte de rentrer sous le joug de la loi commune. Elle institua, elle abrogea une foule d'ordres monastiques. Elle permit aux nations de garder, de changer les plus bizarres et les plus anciennes coutumes ici, on vouloit que les temples fussent tournés à l'Orient, et là, qu'ils le fussent à l'Occident. Pendant six siècles, chaque édifice consacré n'avoit qu'un autel: peu à peu les autels sortirent en foule du parvis, et se multiplièrent ainsi que les saints. Le sacrifice de la messe étoit différent dans le rit grec, latin, mozarabe, gaulois, etc.; pour juger quel étoit le meilleur, s'adressa-t-on à Rome? Non; en France on décida la cause par un duel, et le champion latin l'emporta; en Espagne, on jeta les deux missels dans un bucher. qui les consuma tous deux; mais le missel romain ayant été consumé moins vite, il fut préféré (1).

Tant de diversité et tant de variations annoncent que la discipline ecclésiastique, comme toutes les autres disciplines, est sujette aux volontés, et même aux caprices des nations.

Nous finirons cet article par un dialogue, ouvrage · d'une plume célèbre, mais que la nôtre a osé retoucher, pour l'adapter aux circonstances, et, qui revient à notre sujet.

ARIST O N.

Eh bien, mon cher Téotime, vous allez donc être curé de campagne ?

TEO TIME.

Qui; mes concitoyens m'ont choisi pour être leur

pasteur.

ARISTO N.

Auriez-vous mieux aimé être nommé, comme autrefois, par un simple patron?

(1) Histoire de France, par l'abbé Velly; Hist. ecclésiastique, par l'abbé Fleury.

TÉO TIM E.

Il ne m'auroit pas nommé, car il eût préféré un prêtre complaisant, un valet en soutane.

ARISTO N.

Votre paroisse n'est pas fort étendue ?

TÉO TIME.

Je serois bien fâché qu'elle fût plus grande. Je n'ai qu'une portion limitée d'intelligence et d'activité : un grand troupeau épuiseroit mes forces; mon zèle sera inépuisable pour un petit.

ARISTO N.

Vous avez fait de profondes études ?

TÉO TIME.

Non; mais j'ai étudié assez de jurisprudence pour empêcher mes paroissiens de se ruiner en procès; et je connois assez l'agriculture pour leur donner quelquefois des conseils utiles.

ARIST O N.

Comment comptez-vous prêcher devant les gens de la campagne ?

TÉO TIM E.

Comme je prêcherois devant les rois ; je parlerai toujours de morale, et jamais de controverse. Je tâchetai de leur expliquer nos lois, plutôt que nos mystères qui sont inexplicables. Je ne ferai point de théologiens, et je le serai moi-même le moins que je pourrai.

Et la confession?

ARISTO N.

TEOTIM E.

Je la ferai servir à concilier les cœurs, à réprimer les

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injustices, à corriger les brigandages, et jamais à pénėtrer les secrets des familles, on à troubler les têtes par de vains fantômes et des scrupules insensés.

ARISTO N.

Aurez-vous recours aux excommunications?
TÉO TIME.

Dieu m'en préserve : il y a des rituels où l'on excommunie les sauterelles, les sorciers et les comédiens : je n'interdirai point l'entrée de l'Eglise aux sauterelles, attendu qu'elles n'y vont jamais. Je n'excommunierai point les sorciers, parce qu'il n'y a point de sorciers; et à l'égard des comédiens, comme ils sont estimables par leurs talens, et autorisés par la loi, je me garderai bien de les diffamer.

ARISTO N.

Que pensez-vous des philosophes ?

TÉO TIME.

Ils ont été les missionnaires, et quelquefois les martyrs de la raison.

ARISTO N.

Vous ne seriez donc pas bon inquisiteur?

TEOTIM E.

La persécution contre celui qui se trompe est une barbarie c'est imiter les sauvages qui étouffent les enfans contrefaits. La persécution contre celui qui nous éclaire est une atrocité : c'est imiter ce peuple antropophage qui mangea ses missionnaires (1).

ARISTO N.

Vous vivrez donc en paix avec les prêtres dissidens?

(1) Histoire du P. Charlevoix.

TÉO TIM E.

Avec les dissidens, oui; avec les fanatiques, non': je fuirai ces derniers, de peur d'être atteint de leur rage.

ARIST o n.

Et s'ils vous calomnient dans l'esprit du peuple?

TÉO TIM E.

Le peuple verra mon cœur à découvert, et il me justifiera lui-même.

ARISTO N.

Comment ferez-vous pour l'empêcher de s'enivrer les jours de fête ?

TÉO TIME.

C'est l'oisiveté qui le conduit au cabaret: je ferai mon possible pour l'occuper le dimanche même : après le service divin, j'assemblerai les hommes dans ma salle, et là nous discuterons ensemble les nouvelles fois et les affaires publiques : nous réglerons l'état, ce sera notre amusement. Les jeunes filles danseront dans ma grange, en présence de leurs mères : ce sera notre spectacle.

ARISTO N.

N'êtes-vous pas fâché de n'avoir point de femme? Ce seroit une grande consolation; il seroit doux, après avoir prôné, chanté, confessé, communié, consolé des malades, appaisé des querelles, il seroit doux de retrouver, dans votre presbytère, une compagne agréable et honnête qui vous égaieroit dans la santé, qui vous soigneroit dans la maladie, qui seroit le charme de votre maison et l'exemple de votre village.

TÉO TIME.

L'église grecque a grand soin d'encourager les curés au mariage; l'église anglicane et les protestans ont la

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même sagesse; l'église romaine a malheureusement embrassé un systême contraire; elle n'en changera pas de si-tôt;, quatorze siècles de réclamations et d'expérience n'ont jamais pu opérer sa réforme. La France sans se détacher de sa communion, vient enfin de se délivrer de sa tyrannie; le célibat en est une vraiment intolérable; j'attendois des lois plus conformes à l'humanité. Ma nation, fidèle aux libertés de l'église gallicane, nous rend la liberté naturelle de nous marier je ne balancerai pas : et POUR NE PAS CONTRACTER DES VICES AFFREUX, JE CONTRACTERAI SUR LE

CHAMP UN BON MARIAGE.

ARIST O N.

Oh! l'excellent curé ! je veux acheter une maison de campagne dans votre paroisse, et donner une fête superbe le jour de votre noce.

ASSEMBLÉE NATIONAL E.

La marche du corps législatif a paru d'abord tout à la fois brusque et chancelante; de jour en jour elle devient plus grave et plus régulière.

:

Le réglement de police intérieure a été décrété. C'est le même à peu près que celui de l'assemblée précédente mais il sera mieux exécuté. Un sénat où les libérateurs du peuple votoient vis-à-vis de ses tyrans, devoit être un champ de bataille perpétuelle: chaque motion y sembloit une déclaration de guerre, et chaque décret une victoire, dont la violence partageoit l'honneur avec la raison. Il n'en sera pas de même de l'assemblée actuelle ; on y verra des opinions diverses, mais point de sentimens opposés. Des patriotes parlent une langue commune; le scandale des discussions révolutionnaires ne leur conviendroit plus.

Les ministres ont été appelés pour exposer aux législateurs la situation du royaume. Le ministre des contributions publiques a satisfait le premier cette juste sollicitude. Le changement de l'impôt, la nouveauté des

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