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ÉVÉNEMEN-S

ET NOUVELLES.

BRUXELLES (Brabant). On assure que plus de quatrevingts maisons ont été livrées au pillage; des massacres horribles ont été commis par les soldats; des femmes Qnt subi la honte et les horreurs de leur brutalité la plus effrénée. C'est la nuit, et leurs officiers à leur têtez c'est par ordre du gouvernement même que ces vengeances dégoûtantes ont été exercées contre plusieurs familles, contre des citoyens suspects de désirer l'affranchissement de leur patrie. Voilà ce que le despotisme appelle faire un exemple! Quel exemple, grand Dieu! c'est celui que Néron et Mandrin ont si souvent donné. Et c'est au nom du philosophe Léopold que les peuples sont ainsi gouvernés! Et voilà pourtant les bataillons de tigres qu'il se prépare à déchaîner contre les Français!

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MAYENCE. Un chevalier de Malte a été conduit au château de Kenglestein. dans l'électorat de Mayence. par dix Français. On prétend qu'il avoit conspiré pour enlever M. de Condé. Ainsi, nos émigrés ont dans ces contrées, non seulement la haute-police, mais mêine la haute-justice. Qu'ils sont heureux! ils donnent encore des lettres de cachet, et ils ont retrouvé une BastilleEt que penser de ce prince allemand qui se fait le geolier de nos rebelles ?

LONDRES. L'eau réduite en vapeur par l'action du feu a une force prodigieuse. Les physiciens qui ont calculé cette force, ont vérifié qu'elle produit quatorze. mille fois plus d'effet que la poudre à canon.

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Un Anglais, connu par son génie pour la mécanique, M. Bolton, de la ville de Bonningham, a imaginė d'employer la force de cette vapeur ainsi concentrée, pour faire mouvoir le balancier qui sert à frapper la: monnoie. Imprimé par un coup plus énergique, les empreintes en seront plus belles, plus nettes, plus durables; par conséquent plus inaltérables, plus ditces, et même impossibles à contrefaire.

Lorsqu'un ignorant voit un chimiste passer sa vie auprès d'un fourneau et au milieu de quelques ins

trumens de verre, il conçoit à peine que ce soit-là un travail; il le croit du moins plus curieux qu'utile ; et cependant ce savant prépare peut-être dans le silence de son laboratoire, une découverte qui créera une nouvelle richesse pour sa patrie et pour l'univers.

GRAY (Département de la haute-Saône). Police et justice; une municipalité surveillante; un tribunal inexorable: voilà tout ce qu'il faut pour appaiser les troubles religieux, comme tous les autres troubles. Lancez des décrets incarcérez légalement ; punissez modérément; enfin faites comme les juges de Gray, qui en peu de temps ont fait le procès à huit prêtres perturbateurs. Bientôt ces loups bergers rentreront dans leur tannière, et l'imbécille troupeau de leurs bigotes criardes les abandonnera pour retourner au véritable pasteur.

PARIS. Un décret vient d'ordonner qu'un seul tribunal fera les procédures contre les fabricateurs de faux assignats, et que ces affaires seront jugées avant toutes les autres. La peine est un frein suffisant pour le crime, quand elle réunit trois choses; certitude, promptitude, rectitude.

Des traîtres ont épuisé tous les moyens de séduction pour gagner' les soldats du vingtième régiment, en garnison à Perpignan. Un des officiers émigrés ayant écrit à un grenadier, pour l'attirer en Espagne par les plus brillantes promesses, celui-ci, a fait, au nou de ses camarades et au sien, une réponse admirable; elle finit par ces mots : « Nos drapeaux sont sans tache; nous mourrons "-plutôt que de les abandonner. Și nous succombons, nous aurons

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au moins marqué pour long-temps la place qui nous verrai tomber. Adieu, je suis avec indignation ton implacable en» nemi". Qué craindrions-nous avec une armée aussi incorrup-tible qu'intrépide?

Le roi a répondu par un message au décret qu'on a lu dans cette feuille. Il y a quinze jours qu'il a demandé à l'empereur Ies explications que désire l'assemblée. Il fait des préparatifs pourque l'armée soit prête à entrer en campagne dans six semaines. Il proteste de son attachement à la constitution,, et de son zèle pour } la dignité nationale. Dans un moment où une foule de bruits an nonçoient le projet d'un nouvel enlevement du roi, les patriotes le voient avec plaisir prendre ces nouveaux engagemens.

Ils achèvent de rétablir la tranquillité qui est, en ce moment, complète dans la capitale.

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MALADIE ET FIN DE M. CÉRUTTI.

Première notice par PH. A. GROUVELLE.

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ON amitié se flattoit en vain. Plus d'espérance. Au moment où je trace en désordre ces mots, l'excellent CERUTTI S'éteint d'heure en heure; l'affreuse mort a pris possession de la moitié de son corps. Il y a peu de momens, il serroit encore ma main; il se plaignoit à moi de cette amère et longue attente de la mort. Ces angoisses pénibles, son ame lui reste pour les sentir encore; mais l'infortuné n'a plus de voix pour s'en plaindre.

Hélas! il n'eut aucun des vices qui abrègent la vie : pourquoi faut-il qu'il périsse par ses propres vertus? pourquoi la révolution, qui ranime, qui ressuscite tint de citoyens, a-t-elle anéanti celui qui l'embrassa, qui la servit avec une si pure et si vive ardeur ?

Au mois de décembre 1788, la liberté ne faisoit entendre encore que des murmures sourds et timidest Les hommes de lettres et les philosophes connois soient les maux du peuple; ils se préparoient à l'affranchir. Il sembloit qu'ils n'attendissent qu'un signal pour crier tous ensemble Justice et vengeance. Ce Troisième Partie.

V

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signal, Cérutti le donna. Il publia l'éloquent Mémoire pour le peuple français. Les patriotes s'en souviennent. Cette grande cause y étoit plaidée avec ce charme nécessaire alors pour intéresser la multitude frivole des lecteurs; nos droits y étoient réclamés avec ces habiles ménagemens non moins nécessaires pour interroger le vœu encore inconnu de la nation et de ses tyrans; mais en même temps les misères du peuple y étoient peintes avec cette véhémente énergie qui enflamme et soulève tous les cœurs.

Depuis ce moment, voué à cette grande cause, son génie et sa plume n'ont point voulu de repos. Dans la révolution, point d'événemens ; dans la constitution française, point de vérités où il n'ait attaché son nom par quelque ouvrage lumineux.

Jour et nuit occupé de défendre ainsi la patrie et la liberté, il eût dû sans doute se croire quitte envers elles. Pourquoi la confiance de ses concitoyens vintelle le chercher dans sa studieuse solitude? Indépendant par sa modération, plus encore que par sa fortune, nulle ambition ne le poussoit dans la carrière publique. Un désir généreux d'être utile l'entraîna. Il avoit, pendant sa vie entière, médité des plans étendus pour le bonheur des hommes. Pour les préparer, il s'étoit fait le journaliste des campagnes. Pour les proposer et les établir lui-même, il vouloit être l'un des législateurs de la France.

La première assemblée électorale de Paris qu'il présida ou dirigea plusieurs mois, absorba ses forces: il y prodigua sa présence, comme un homme qui n'eût eu d'autre mérite à y porter. Il y prodigua sa voix, comme s'il n'eût eu qu'un seul moyen de servir. Quelque sujet qu'on discutât, il ne s'en rapportoit qu'à lui pour ramener au but. Avec des organes foibles, il luttoit contre le tumulte des assemblées. Avec une ame susceptible de tant de délicatesses, souvent il affrontoit, il dominoit l'ouragan des passions grossières qui grondent dans les moindres débats. L'inspiration et le sentiment donnoient à ses accens une gravité et une puissance qui l'étonnoit lui-même. Mais en descendant victorieux de la tribune, il arrivoit chez

lui vaincu, terrassé par de si violens efforts. Et cepen dant à peine arrivé, il s'occupoit à méditer, à préparer les leçons qu'il destinoit à ses chers Villageois. Dès lors, une fois la plume à la main, il ne la posoit plus; il puisoit dans sa vaste mémoire, il exprimoit de sa pensée, il exhaloit de son ame ces faits historiques et instructifs, ces récits pittoresques, ces tableaux intéressans, sur-tout ces rapprochemens nouveaux, et ces jugemens solides des siècles, des empires, des peuples et des princes; enfin ces applications habiles des faits passés aux circonstances présentes; cette moralité dramatique qui fait de chaque morceau de géographie un ouvrage si neuf et si utile. Sans s'arrêter, sans respirer un instant, il jetoit sur le papier des pages entières; c'étoit avec cette impatiente et généreuse tena cité qu'il conduisoit jusqu'à la fin l'ouvrage qu'il avoit conçu, quelque part qu'il fût, dans quelque position qu'il se trouvât, soit assis sur son lit, soit debout, soit écrivant sur ses genoux.

Cette alternative d'efforts physiques et de contention d'esprit, en doublant son existence, usoit sa vie. Elle desséchoit, brûloit, appauvrissoit son sang. Quelques indispositions l'avertirent en vain de son épuisement. Valétudinaire depuis longues années, il étoit accoutumé aux douleurs et aux langueurs. La passion de servir et de produire l'élevoit au dessus de tout. Il maîtrisoit son mal jusqu'à ce que son mal l'eût renversé.

C'est le 14 mai qu'éclata la maladie qui nous l'enlève. Ilse sentit attaqué dans les reins d'une douleur insupportable; elle ne le quitta plus; elle acheva de lui ôter le sommeil, déjà devenu difficile. Vainement, par des promenades forcées, essaya-t-il de le rappeler; en vain même il évita les assemblées. Bientôt l'insomnie détruisit l'organe de la digestion. Il appela des médecins : c'étoient des hommes qu'il estimoit; mais il n'en croyoit aucun. Il essayoit, interrompoit, abandonnoit tous les régimes et tous les remèdes. Il vouloit sur-tout qu'on fît cesser ses douleurs aiguës; mais la cause en étoit inconnue on l'attaqua tour à tour comme une goutte, comme un rhumatisme; lui-même

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