Page images
PDF
EPUB

à la peau d'ébène, aux cheveux laineux, à la ceinture blanche ou bleue, aux colliers de verre et aux brasselets de corail. Là, viennent les races septentrionales, enveloppées dans leurs sacs de peau, et la tête couverte de fourrures, les uns avec une taille gigantesque et une blonde chevelure; les autres avec une taille de pigmées, et les yeux presque éteints par le reflet éblouissant des neiges. Plus loin, on découvre le Chinois, aux vêtemens de soie, aux tresses pendantes ; le Japonnais, aux regards farouches et au teint bronzé; les Macassars et les Malais, au vaste chapeau de feuille de palmier. Enfin arrivent les insulaires de la mer du Sud et les habitans des terres australes, le front orné de plumes rouges, et la peau sillonnée des plus grotesques figures.

Se divisant en groupes, et assis dans une plaine liserée par des forêts, tous ces différens peuples écoutent en silence les ministres de leur culte. Là, commence la thèse, la controverse religieuse. Les docteurs des nations parlent l'un après l'autre, non sans s'interrompre, non sans s'injurier. Ils vantent, tour à tour, les mystères, les dogmes, les miracles, les martyrs, les cérémonies de leurs cultes. Tour à tour ils sę reprochent, les uns aux autres, des plagiats manifestes, des fraudes révoltantes, d'horribles persécutions et des fables absurdes.

L'Hierophante Egyptien accuse le Judaïsme d'avoir été le copiste de sa liturgie. Le Bramine Indien accuse la Grèce d'avoir tourné en fictions poétiques les révélations savantes des astronomes du Gange. Le Mage et le Caldéen reprochent au christianisme d'avoir emprunté leur mitre, leur tiare, leurs fêtes planétaires, leurs flambeaux nocturnes, leur eau lustrale, et jusqu'à l'image du soleil où est enfermée l'hostie sainte que l'on expose sur les autels.

Tous ces reproches alloient dégénérer en combats, lorsqu'une troupe vertueuse d'hommes simples de chaque nation se lève et s'interpose entre les disputans. Hommes sacrés, disent les hommes simples, nous n'avons rien entendu, ni à votre théologie, ni à vos hypothèses, ni à vos distinctions subtiles. Nous ne nous

attachons qu'à une seule idée que nous suggère le bon sens: la voici: Dieu fit la religion pour la morale, et la morale pour le bonheur: sans vous perdre en disputes scandaleuses, et sans nous égarer dans une métaphysique incompréhensible, dites-nous quelle est de vos religions celle qui renferme la meilleure morale. Ici la foi chrétienne alloit triompher; mais les autres religions, en chœur, lui prouvent que ses auto dafé, ses excommunications papales, et les pratiques odieuses du monachisme, ont corrompu la pureté divine de son évangile. Le christianisme, avec raison, montre le même abus dans les religions qui osent se dire ses rivales. Chacune a tyrannisé ou perverti les consciences, et il résulte enfin :

Que Jésus révéla, le premier, le systême céleste de l'égalité fraternelle; mais que les papes ont changé ce systême en un empire despotique, et les moines en guerres civiles.

Que Confutzée enseigna le culte saint des vertus domestiques et des travaux champêtres; mais que les mandarins y ont substitué la police du bâton, et les Bonzes, l'idolâtrie des pagodes.

Que Zoroastre donna les préceptes les plus utiles pour la population des hommes et pour la fécondité des terres; mais que les mages et les devins y ont associé leurs ridicules talismans et leurs sortilèges insensés.

Que Mahomet lui-même traça dans l'alcoran les devoirs de la charité, et ceux de l'hospitalité la plus pieuse; mais que les Muphti et les Derviches ont surchargé la foi musulmanne de pélérinages, d'abstinences, de prières, de purifications, de momeries sans utilité et sans nombre.

::

Au récit de tant de maux causés par le sacerdoce, les peuples en fureur s'apprêtent à l'exterminer les hommes simples appaisent l'indignation populaire ; ils disent à la multitude : les prêtres sont coupables, mais ils le sont à cause de vous. Ils vous ont nourris dans Ja superstition, mais vous rejetiez tout autre aliment: lorsqu'il se présentoit d'une part un charlatan, et de l'autre un philosophe, lequel étoit le plus suivi? Le

charlatan ; le charlatanisme a donc été une profession encouragée et impunie: il continuera de l'être, si vous continuez de lui accorder la préférence. Peuples de l'univers, cessez d'être superstitieux, et vous cesserez d'être trompés; cessez d'adorer le mensonge et alors les prêtres, au lieu d'être les prédicateurs de la fable, seront les professeurs de la morale et de la sainteté.

[ocr errors]

Le peuple reconnut ses torts. Il promit d'être d'abord plus tolérant, ensuite moins crédule, et enfin de s'instruire et de se dégager peu à peu de ces erreurs auxquelles il est voué par la naissance, attaché par Féducation, et enchaîné par l'habitude.

Tel est le plan et la substance de l'ouvrage de M. Volney. Par-tout on reconnoît un voyageur attentif; un écrivain éloquent; un orateur formé dans les écoles orientales, et perfectionné dans la tribune législative; en philosophe vraiment citoyen, puisque dans ses digressions sur l'univers, il ne perd jamais de vue la prospérité de sa patrie (1).

(1) Cet éloge paroîtroit suspect s'il n'étoit suivi de quelques justes critiques, et cette analyse seroit incomplète si elle n'étoit terminée par quelques courtes explications.

CRITIQUES.

Première. M. Volney manifeste sur le christianisme des opinions hasardées et téméraires. Il pense que le Messie a été une divinité allégorique, et qu'il n'a pas existé en personne. Mais comment les juifs de ce temps-là n'auroient-ils pas démenti les disciples du christ, témoins et historiens de sa vie? Et comment Jérusalem n'auroit-elle pas réclamé contre l'existence d'un législateur qu'on l'accusoit d'avoir crucifié avec tant de barbarie ?

Seconde. M. Volney attribue l'invention de l'astronomie aux Egyptiens. La tradition antique l'attribuoit aux Mages de Caldée, qui en effet possédoient la science des calculs, et un observatoire fameux dès les premiers temps du monde. Le ciel de la Syrie étoit plus pur encore que celui de l'Egypte ; et la terre n'y étoit pas noyée sous les eaux des fleuves, comme l'Egypte ancienne l'étoit sous les eaux du Nil. Pour ses progrès enfin, l'astronomie a besoin d'être vérifiée en d'autres climats par le secours de la navigation loin d'être navigateurs, les peuples superstitieux de

l'Egypte abhorroient et fuyoient la mer, depuis que la flotte d'Osiris y avoit été submergée!

Troisieme. M. Volney, parlant de la ville de Thèbes aux cent portes, croit que l'on a mal traduit le sens des mots, et qu'il faut dire, Thèbes aux cent palais. Cependant Hérodote qui avoit voyagé dans cette ville, non seulement l'appelle, Thèbes aux cent portes, mais il ajoute que cette ville pouvoit faire sortir, en même temps, par chaque porte cent mille soldats chose exagérée sans doute, mais qui toujours annonce des portes, et non des palais.

Quatrième. En raisonnant sur les figures du zodiaque et des constellations, M. Volney prétend que la mythologie indienne et grecque a fabriqué sur ces figures même les aventures des héros et les fables des dieux: il est néanmoins plus probable que c'est sur les fables des dieux et les aventures des héros que l'on à calqué la plupart des figures du zodiaque et des constellations. L'idolâtrie plaçoit dans le ciel ses idoles : c'étoit le premier temple des humains et des poètes.

Cinquième. L'auteur qui ressuscite tant de faits perdus et morts pour l'ignorance, les habille quelquefois de son imagination et de ses conjectures.

Sixième. Il fait aussi un usage trop fréquent des étymologies. Une syllabe phénicienne, ou hébraïque, ou syriaque, lui paroft trop souvent la clef d'une vérité profonde, et le mot d'une énigme obscure. C'est deviner les faits, comme les physionomistes devinent les caractères, en observant sur le visage ou sur la main une ride ou un pli.

EXPLICATION S.

Première. La ville de Palmyre a fleuri au milieu des sables et des palmiers de la Syrie, pendant plus de vingt siècles. Le commerce faisoit sa grandeur. Le luxe causa sa décadence. Elle fut prise d'assaut par les Romains, qui enlevèrent ses trésors et emmenèrent captifs la reine Zénobie et son précepteur, le savant Longin. Palmyre est celle des cités antiques et ruinées, qui a conservé le plus de monumens. On y voit encore debout une colonnade magnifique qui se prolonge au loin dans le désert, comme une avenue et une allée d'arbres.

Seconde. La Phénicie a été le pays de l'Asie le plus commerçant. Située à l'orient de la Méditerranée, entre la mer Rouge et la mer Noire, elle étoit l'entrepôt des Indes et celui de l'Afrique. Elle passe pour avoir découvert l'Europe et civilisé la Grèce, à qui elle enseigna son alphabet et apprit à lire. Homère, Sophocle

Démosthène ont dû ainsi leur gloire

un peuple de marchands. Troisième. Tyr, Ascalon, Sidon, Bérite, étoient les principales villes et les ports les plus fréquentés des Phéniciens. Tyr a été célèbre sur-tout par ses étoffes de pourpre, par les cruautés. de Pigmalion, et par la fuite de Didon, qui alla fonder Carthage.

Quatrième. Les Chinois, les Japonnais, les Turcs et les Tartares, en se rasant la tête, gardent une touffe de cheveux. C'est parmī les Tartares une coutume née de leurs superstitions. Ils sont persuadés que c'est par cette touffe de cheveux que l'ange de la mort les transportera dans le ciel.

Cinquième. Défricher un champ, planter un arbre, amener dans un pré des eaux courantes, produire des enfans; voilà, selon Zoroastre, les actes les plus agréables à la divinité. On connoît aussi sa fameuse maxime: Dans le doute si une chose est juste, abs-` tiens - toi.

Sixième. L'alcoran veut que l'on ait de l'humanité pour les ani maux mêmes. On a porté l'observation de cette loi jusqu'à fonder pour eux des hôpitaux à Constantinople. Mais on n'y traite pas les hommes avec cette charité animale. On y enferme un sexe et on y mutile l'autre: un tiers des femmes est esclave, et un grand nombre d'hommes eunuques. Voilà comme les sultans pratiquent leur religion.

Septième. On a calculé à peu près le nombre des victimes du fanatisme. Il monte à plus d'un millard de personnes. En établis sant la libertê de tous les cultes, l'assemblée nationale a sauvé des nations entières. Chaque nouvelle église sera une colonie féconde, et chaque secte une famille qui croîtra pour la patrie, et paiera au centuple le bienfait de la tolérance.

Lettre de M. REIS - LACROIX, major de la garde nationale de Montagnac, département de l'Hérault, aux Rédac

teurs,

“་་ད་

SUR LES SOURDS-MUETS.

Messieurs, dans une de vos Feuilles précédentes, vous promettez aux Villageois de leur faire connoître la méthode par laquelle on instruit des sourds - muets. ́ En effet, si vous voulez qu'ils aiment le savoir, qu'ils respectent le philosophe, pouvez - yous mieux les y

« PreviousContinue »