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en paix avec les nations voisines, et au sein de notre empire on fait la guerre à nos personnes et à nos biens! Quel est donc l'ennemi caché qui nons perd? C'est la cour, s'écria le sénat; c'est le sénat, s'écria la noblesse ; c'est la noblesse, s'écria la finance; c'est la finance, s'écria le clergé ; c'est tout ensemble, le clergé, la finance, lá noblesse, le sénat, et la cour, s'écrièrent tous les citoyens instruits. Ils ajoutèrent: élevons une bannière distinctive, autour de laquelle se rallient tous ceux qui travaillent et souffrent parmi nous. L'étendart fut levé sur le champ, et la nation se vit partagée en deux masses inégales; l'une, innombrable et immense, offroit tous les indices de la misère et du travail; l'autre, en petit nombre, et divisée en pelotons, présentoit tous les signes de l'orgueil et de l'opulence. Le grand corps étoit composé de laboureurs, de marchands, d'artisans, de philosophes. Dans le petit groupe se trouvoit que des gens d'épée, de robe, d'église, de finance, entourés de livrées, couronnés d'armoiries, et chamarrés de décorations. Ces deux corps en présence, s'étant considérés avec étonnement: Hommes superbes, dirent les uns, pourquoi êtes-vous sé parés de nous ? Misérables, dirent les autres, vous êtes le peuple, et nous sommes la classe distinguée. LE PEUPLE. Et quel travail exercez-vous dans les places qui vous distinguent?

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LA CLASSE DISTINGUÉE.

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il ne

Nous travaillons à recueillir, et les honneurs, et les richesses.

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Comment recueillez-vous, et ces richesses, et ces honneurs?

LA CLASSE DISTINGUÉ a.

En prenant la peine de vous gouverner.

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intérêts! Nous semons et vous recueillez ! Nous produisons, et vous dissipez! Changeons de rôle, ου partageons la peine.

Les parlemens, qui délibéroient ensemble, raisonnèrent ainsi Ce peuple est doux et flexible; il faut lui parler du roi et de la loi ; il va rentrer dans le devoir. Peuple! le souverain commande, et le roi veut. . .

LE PEUPLE.

La volonté du roi est subordonnée à la volonté générale, et la puissance souveraine appartient à la na tion et à la loi.

LES PARLEMEN S.

Mais la loi vous ordonne d'être soumis.

LE PEUPLE.

C'est vous qui avez fait la loi, et c'est à nous de la refaire.

LES PAR LE MEN S.

Vous serez un peuple rebelle.

LE PEUPLE.

Les nations ne se révoltent point; il n'y a de révoltés et de rebelles que les tyrans.

Alors les nobles s'approchèrent des parlemens, et dirent fièrement au peuple: Le roi est avec nous ; il vous prescrit de nous obéir.

LE PEU PLE.

Les rois sont indivisibles de leur nation. Le roi des Français ne peut être chez vous; vous ne possédez que son fantôme.

Les courtisans et les généraux s'étant avancés, se dirent à l'oreille: Le peuple est timide; il faut le mena cer. Soldats, châtiez cette canaille insolente.

LE PEUPLE.

Soldats, vous êtes de notre sang, frapperez-vous vos frères?

Aussi-tôt baissant les armes, les soldats répondirent à leurs chefs: Nous sommes aussi le peuple. Si le peuple périt, qui formera, qui nourrira l'armée ?

Dans ce moment décisif, les prélats inquiets, disoient en gémissant: Il n'y a plus qu'une ressource; le peuple est superstitieux, il faut le tromper au nom de dieu et de la religion. Nos chers frères, nos enfans, nos ouailles, Dieu nous a établis pour vous conduire.

LE PEUPLE.

Montrez-nous vos pouvoirs célestes.

LES PRÉLATS.

Il faut de la foi; la raison égare.

LE PEUPLE.

Comment? vous voulez nous conduire sans rai sonner!

LES PRÉLATS.

La religion exige une obéissance aveugle.

LE PEUPLE.

L'obéissance aveugle suppose une justice éclairée, LES PRÉLATS.

On n'est ici bas que pour souffrir.

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Songez qu'il vous faut auprès du ciel et du trône, des protecteurs intermédiaires: c'est nous qui le sommes.

LE PEUPLE.

Votre médiation es trop dispendieuse; nous traiterons directement, et à moins de frais avec le ciel et avec le trône.

Quelques ambassadeurs, et quelques ministres élevant leurvoix : Peuples! tremblez, s'écrièrent-ils, tous les monarques de l'Europe se liguent contre vous.

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Nous résisterons à tous les monarques de l'Europe, et nous convertirons tous leurs peuples à la liberté.

Des milliers de drapeaux, des millions de baïonnettes, agités dans les airs, annoncèrent le courage, et présagèrent la victoire. Les ministres, les ambassadeurs, les prelats, les courtisans, les généraux, les nobles, les parlemens prirent la fuite, en s'écriant: Nous sommes perdus ; la multitude est éclairée.

M. Volney poursuit ainsi sa vision, moitié historique, et moitié prophétique.

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Guidé par un instinct presque infaillible, et dirigé par des écrits lumineux, le peuple français, après avoir recouvré tous les pouvoirs, reconnoît hautement qu'il ne peut les exercer lui-même, soit parce qu'il manque des connoissances nécessaires, soit parce qu'il est chargé de travaux indispensables; en conséquence il se décide à choisir, pour ses organes, les hommes. les plus éclairés et les plus integres de la nation, et leur déléguant l'exercice de sa souveraineté, il les constitue ses représentans; après quoi'il leur dit: Jusqu'iċi nous avons été à la merci les hommes qui nous gouvernoient; aujourd'hui nous voulons des lois équi

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tables et fixes; nous vous avons choisis pour nous les tracer ; recherchez avec soin quel est le but de toute société, quel est le droit de tout citoyen, quel est le gouvernement qui nous convient le mieux. Nos pères nous ont élevés dans l'ignorance; soyez savans pour nous; aidez-nous de vos lumières ; nous vous soutiendrons par nos armes; organisez la France au milieu du chaos; découvrez le vrai systême du bonheur; proclamez-en le code, et nous nous y conformerons.

Sans perdre un moment, on démolit l'antique édifice des abus; on déracine toutes les souches féodales; on étouffe, on dissout toutes les corporations dévorantes; enfin on discute, on rédige, on signe, on jure un nouveau contrat social, fondé sur l'égalité originelle, sur la propriété inviolable, et sur la liberté légitime. Réintégré dans sa nature, le peuple sur le champ arbore un drapeau immense, où sont écrits ces trois mots tout-puissans; égalité, proprieté, liberté : l'étendart de la justice universelle flotte ainsi pour la première fois sur la terre. A cette vue, des inillions d'hommes répètent, en s'embrassant, le serment solemnel, de vivre égaux, de mourir libres, de défendre leurs droits mutuels, d'obéir à la loi commune, ainsi qu'aux magistrats choisis pour la faire exécuter.

Restoit à réformer la superstition religieuse. C'étoit la maladie la moins traitable; c'étoit l'éternel levain des erreurs les plus grossières et des discordes les plus funestes. Tous les peuples de la terre en étoient également infectés. Comment faire cesser la contagion et la dissention universelle? En convoquant l'assemblée du genre humain, en y admettant les députés de chaque nation, et en ouvrant une discussion libre sur toutes les opinions religieuses qui dominent et partagent le globe. Le voyageur suppose qu'il est spectateur de ce congrès immense, où viennent s'éclairer et se concilier tous les croyans de l'univers.

D'un côté, il voit l'Européen à l'habit court et serré, au chapeau pointu et triangulaire, au menton rasé, aux cheveux blanchis de poudre. De l'autre, il voit l'asiatique à la robe traînante, à la longue barbe, et au turban arrondi. Ici s'avancent les peuples africains,

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