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ÉVÉNEMENS

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NOUVELLES.

WORMS et COBLENTZ. Ce sont les chefs-lieux du rassemblement ennemi qui menace nos frontières, qui sans cesse grossit, et qu'on a méprisé trop long-temps. Les émigrés, reunis au nombre de trente ou quarante mille, forment déjà des corps armés, montés, équipés, enrégimentés, disciplinés, exercés. Ils ont du canon, des chevaux, et des magasins ; ils ont même à leur solde des étrangers. Un Polonais, nommé Sangusco; un Anglais, nommé Saint-Clair, leur ont loué le sang et les bras de quelques bandits. Ils ont des ingénieurs des bombardiers, tout l'attirail de la destruction guerrière : quant aux chefs, ils ont leurs ministres, leurs ambassadeurs, et sur-tout leur cour. Ce qui étonne, c'est qu'ils dépensent beaucoup ; ce qui inquiète, c'est qu'ils payent.

Mais cette nuée de grands, de courtisans, de gentilshommes, de gentillâtres, de nobles, d'anoblis, de robins, de prêtres, de moines, de valets, et de brigands de toutes les classes; tout cela ne peut faire qu'une détestable armée. Un trésor en proie à cette foule de nécessiteux, accoutumés à vivre en prodi, gues; un trésor gardé par l'économe Calonne; un semblable trésor sera toujours un tonneau sans fond. Seuls, et par eux-mêmes, les émigrés sont peu redoutables ils ne sont à craindre que dans trois suppositions.

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1o. Si les agens qu'ils entretiennent autour du monarque, parvenoient encore à le séduire, à nous l'arracher. (Jusqu'ici nuls soupcons fondés sur ce point.)

2. Si quelques puissances étrangères seules, ou réunies, embrassoient ouvertement leur querelle, et déployoient tout à coup une grande masse de forces armées. (Nous allons examiner où en est le plan de cette ligue, annoncée depuis si long-temps.).

3o. Enfin les émigrans doivent nous faire trembler, si les citoyens se divisent; s'ils se déchirent à la voix du fanatisme; s'ils oublient leurs travaux, négligent

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l'impôt, violent les lois, pour des chicanes théologiques et superstitieuses, plus contraires à la religion que la plus audacieuse impiété.

Jetons donc un coup-d'œil sur chacune des puissances que les émigrans voudroient armer contre nous. Voyons ce qu'il y a de raisonnable ou d'insensé dans leurs espérances, et dans notre sécurité.

VIENNE (en Autriche). Léopold, chef de l'Empire,, exerçant un pouvoir absolu sur plusieurs grands Etats, lié avec la maison royale de France par tant d'intérêts, est celui de tous les princes qu'il nous intéresse le plus d'observer. Sa conduite avec ses peuples et avec nous est toujours la même. Il a rendu de nouvelles ordonnances peu favorables à nos émigrés. Il annonce par-tout l'intention d'empêcher qu'aucune querelle ne s'élève entre ses provinces frontières et les nôtres. Il paroît disposé à organiser pour l'Autriche une assemblée d'Etats; le paysan même y auroit des représentans. D'un autre côté, son intérêt s'accorde avec cette conduite. C'est bien assez pour lui de maintenir la paix et son pouvoir dans tous les pays qu'il gouverne. L'Autriche est toujours agitée; le Brabant peut à chaque instant renouveler ses orages; les Transylvains et les Hongrois ne sont point tranquilles. Un ancien traité d'alliance, très-avantageux à la maison d'Autriche, l'attache à la France. Enfin les immunités pontificales et les privilèges féodaux sont les plus grands ennemis de tous les princes; une révolution qui les renverse, doit plaire à un prince éclairé. Dès long-temps la politique de Léopold a cultivé l'art d'abaisser la noblesse par le peuple. Nourri de la science des économistes, il tend au despotisme légal, dont l'aristocratie est l'obstacle. En Toscane, il avoit eu le talent et l'honneur de mériter les bénédictions des chaumières et les imprécations. des palais. Enfin, pour nous mieux rassurer sur ses projets, nos émigrés le maudissent de plus en plus, et l'accusent de les avoir indignement joués.

BERLIN (Prusse). Faire des promesses aux conjurés français; solliciter l'empereur contre la révolution, française; le pousser vers la rupture du traité de 1756;

courtiser les puissances de l'Empire aux dépens de Léopold; chercher à s'étendre du côté de la Pologne; contenir la Hollande; entretenir par-tout les troubles; brouiller tout et attendre une occasion: c'est l'intérêt de cette cour, et elle paroît le connoître : c'est le rôle de toute puissance militaire, et elle le joue assez bien. A la vérité, le caractère d'un prince absolu fait quelquefois toute sa politique. Comment compter sur celle d'un roi livré à des maîtresses, à des favoris, à des charlatans; d'un roi visionnaire, et qui met sa gloire à posséder tous les prétendus secrets de la sublime franc-maçonnerie? Tel est le roi de Prusse. Il faut croire même que ses folies mènent ses affaires; car on le voit souvent changer de ministres, et jamais changer de mœurs.

STOCKHOLM (Suède). Voici un monarque qui se déclare ouvertement pour les princes contre le roi luimême. Il leur envoie des chevaux, en attendant qu'il leur amène des hommes. Heureusement ses Etats sont éloignés; ses troupes ne peuvent joindre nos ennemis qu'à travers les sinuosité orageuses de la Baltique. En même temps, les corsaires d'Alger menacent le commerce et la marine suédoise. Enfin ce prince, despote mal affermi ne peut s'engager dans une guerre lointaine, sans favoriser les mouvemens d'un peuple las des guerres ruineuses, d'une noblesse mécontente, d'un sénat aristocrate dont il étoit l'esclave, et, pour ainsi dire, le doge, il y a tout au plus vingt ans.

PETERSBOURG (Russie). L'impératrice se montre aussi la divinité protectrice des transfuges français. Elle leur a ouvert șa bourse et prêté son crédit ; mais sa bourse est vide, et son crédit perdu. L'Allemagne, la Pologne et la Prusse séparent ses armées de nos frontières. Sa politique d'ailleurs n'est pas sans occupation; sa paix avec la Porte n'est point terminée. La révolution de Pologne, qui renverse tout son pouvoir dans ce royaume, lui déplaît encore plus que la révolution française; c'est contre Stanislas qu'elle tourneroit tous ses moyens, si elle en avoit. De plus, la constitution de la France a trouvé dans Pétersbourg des sectateurs ardens, qui déjà ont paru inquiéter le

gouvernement. Un Empire despotique est toujours à la veille des révolutions. Catherine a un fils, et sur-tout une belle-fille, impatiens de régner. La mort de Potemkin livre sa faveur et son armée à d'autres ambitieux. Enfin plusieurs années de guerres ont dépeuplé ses provinces. Son ambition a tari ses trésors, et l'âge éteint son génie.

LONDRES. Voici une cour dont nos émigrés ont peu à espérer, et dont cependant la France a tout à craindre. Si nos colonies sont en combustion; si l'Algérien menace notre commerce dans la Méditerranée, reconnoissez la vengeance anglaise occupée à nous détruire sourdement. Ce n'est pas la monarchie universelle que prétend l'Angleterre, c'est le monopole universel. La politique de M. Pitt ne favorisera en France ni la révolution, ni la contre-révolution : il craint autant le rétablissemeut du despotisme, que l'affermissement de la liberté ; mais nos troubles assurant sai prépondérance en Europe, il nourrira soigneusement nos troubles. Ainsi, les aveugles potentats qui encouragent et secourent les furieux de Worms et de Coblentz; notre cour qui hésite à prendre des partis vigoureux; l'assemblée nationale qui tarde trop à s'unir et à s'entendre; l'administrateur foible ou négligent ; le prêtre bigot, qui sème la discorde dans les villages; le patriote sans lumières, le motionnaire frénétique, qui soupçonne, dénonce, tourmente, et paralyse à tous propos les magistratures. les autorités et les lois; tous ces gens qui empêchent la France de reprendre sa force intérieure et extérieure, font également bien les affaires de M. Pitt, et la fortune nouvelle de l'Angleierre.

MADRID. La cour d'Espagne augmente le cordon de troupes qu'elle avoit placé sur ses frontières; mais elle ne veut que se garantir de la contagion du patriotisme français. Les pyrénées, et le peuple généreux qui vit à leur pied, sont des murailles impénétrables pour l'Espagnol. Au surplus, la conduite de cette cour dépendra de notre roi.

TURIN (Sardaigne.) Encore un roi qui ne pense qu'à maintenir son autorité chancelaute! L'insubordina

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tion se glisse dans ses troupes, et le bon sens dans ses campagnes.

RATISBONNE. La diète de l'Empire a suspendu ses opérations contre nous. C'est la modération de l'empereur qui la retient; peut-être mêmeles petits princes allemands s'aperçoivent que la nation franç ise est leur protectrice naturelle, et que leur indépendance est liée à notre liberté.

COPENHAGUE. Le roi de Danemarck, despote et toutpuissant par le peuple, n'est point notre ennemi. Le premier, il a fait rendre honneur de ses ports au pa villon national de France : il an ce qu'il suivra l'exemple de l'empereur.

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VARSOVIE. La situation de la Pologue a beaucoup de ressemblance avec celle de la France; elle a aussi ses nobles émigrés comme les nôtres, ils s'agitent et intriguent contre sa révolution; comme les nôtres, ils ont sollicité l'empereur, qui les a repoussés comme les nôtres. La Suède et la Russie favorisent les conspirateurs polonais, comme les conjurés français. Enfin la diète veut également porter une loi contre eux; et, pour compléter le parallèle, c'est le roi qui suspend aussi l'arrêt des législateurs. Puisse Louis XVI s'immortaliser, et sur-tout se faire adorer, en imitant toujours l'admirable Stanislas !

Tel est le tableau fidèle de nos rapports politiques. Que dirons-nous de plus? Qu'il ne faut ni s'effrayer, ni s'endormir; que nos armées sont citoyennes que nos généraux sont patriotes; que nos bataillons nationaux brûlent d'essayer leur courage et leurs armes contre les rebelles; qu'enfin vivre égaux, mourir libres, est désormais la seule condition supportable pour des Français.

4. PARIS. Les assignats brûlés s'élèvent à 337 millions.

On s'abonne à Paris, chez DESENNE, Libraire, au Palais Royal, moyennant 9 liv. par an.

De l'Imprimerie de DESENNE, rue Royale, butte S. -Rock, u°. 25.

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