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pourront proposer la réforme d'aucun article constitutionnel.

Ainsi, nous saurons, par des formes légales et paisibles, corriger ce gouvernement nouveau qui n'a pu s'établir que par des mouvemens extraordinaires et convulsifs. Une révolution est un remède violent dont nous n'avons plus besoin. Le corps politique ressemble beaucoup au corps humain : la liberté est comme la santé. Une maladie se guérit par des crises; la santé s'entretient par le régime.

Etablissement du jugement par Jurés (1).

Du 16 Septembre 1791.

Qu'on se rappelle ce que nous avons dit de cette admirable institution; et qu'on se félicite, en apprenant qu'au premier janvier 1792, auçun citoyen ne sera mis en cause, aucun accusé ne sera condamné que par des hommes choisis, ses concitoyens, ses égaux, qui ne jugent que sur la foi d'une conscience pure et ouverte à l'humanité comme à la lumière. Ainsi l'a décrété l'assemblée nationale. C'est alors seulement que le Français jouira dans une noble sécurité, des droits qui lui sont garantis par la constitution. Citoyens, étudiez, secondez, aimez les jurés. Que les plus sages d'entre vous acceptent et remplissent avec zèle leurs fonctions austères et laborieuses. L'Angleterre et l'Amérique vous crient, que sans les jurés vous n'avez rien fait et rien obtenu. Parmi les griefs qui firent condamner et décapiter le roi Charles I, on lui reprocha -sur-tout d'avoir porté atteinte au jugement par jurés. C'est aussi l'une des tyrannies qui avoient révolté les 'Américains contre les Anglais. Franklin ne manqua point de placer ce reproche à la tête de la célèbre déclaration d'indépendance des Etats-Unis.

(1) Voyez dans le N°. 19 de la première année de la Feuille Villageoise, l'entretien de M. Etienne sur la procédure par jurés.

Tableau des Départemens en retard sur l'impôt.

Du 19 Septembre 1791.

Cet accord unanime qui s'est montré sur tous les points de la France pour conquérir la liberté, pourquoi cesse-t-il lorsqu'il ne faut plus que la conserver? On crie de toutes parts.... Garnissez les frontières; augmentez les troupes; fortifiez les places; armez les citoyens; occupez les ouvriers; payez les juges; payez les prêtres, etc.; et nous, nous crierons aussi Payez vos contributions. Point de dépenses sans revenus. Pourquoi tel département doit-il tout, tandis que son voisin a tout payé? Qui faut-il accuser? Sont-ce les citoyens ou les administrateurs? Et l'on parle de liberté, de loi, de constitution, de patriotisme! on réclame ses › droits, et l'on oublie ses devoirs! L'assemblée nationale a voulu les connoître, ces départemens inciviques qui. usurpent, sous le règne de l'égalité, le plus odieux des privilèges. Une Carte géographique de la France sera exposée dans la salle législative. Là, sont désignés en couleurs éclatantes les départemens en retard sur les contributions. Que leurs citoyens rougissent; qu'ils se justifient; sur-tout qu'ils courent effacer leur honte, et qu'ils reparoissent sur la Carte censoriale sous les couleurs honorables des citoyens quittes envers la

nation.

Pour nous, à l'avenir, nous nommerons les contrées, les villes, les cantons qui auront mérité cette censure solemnelle. Nous les dénoncerons au mépris des bons citoyens. Car la patrie est la mère commune. Les contributions forment sa subsistance. Et quel mépris, quelle horreur n'inspirent point des enfans dénaturés qui se font arracher leur part de la rente alimentaire et filiale que leurs frères moins ingrats ont dès long-temps acquittée ?

Sur la libre circulation des subsistances.

Du 18 Septembre.

Eh quoi! les Français ne connoîtront-ils jamais leur intérêt véritable? Quand vos récoltes ont manqué,

vous voulez que le commerce vous apporte des grains 2 et quand vous en regorgez, vous ne souffrez point que le commerce en prenne une partie pour les cantons qui en manquent! Vous voulez que les laboureurs, que les propriétaires vous fassent travailler, où augmentent vos journées, et vous ne permettez pas qu'ils vendent les fruits de leur champ, les blés qui se gâtent dans leurs greniers! vous ruinez ceux qui vous nourrissent! Vous voulez avoir le pain à bon compte, et vous arrêtez le grain destiné aux marchés! et vous augmentez sans cesse les alarmes qui le renchérissent! Vous criez contre les accapareurs ; et vos clameurs font leur plus grand profit, puisqu'ils n'en vendront que mieux leur denrée!

Telle est la folle inconséquence d'une grande partie du peuple français ! c'est ainsi qu'il est sans cesse menacé de la disette au milieu de l'abondance. L'assemblée nationale s'est fait rendre compte de l'état actuel des subsistances. On a vérifié que le royaume renferme, tant en vieux grains que nouveaux, plus qu'il n'en faut pour la consommation d'une année. Flusieurs départemens ont eu des moissons moins abondantes. Le plus sûr moyen de les pourvoir, c'est la libre et paisible circulation du superflu qui se trouve dans les autres pays.

En conséquence, quiconque s'opposera, sous quelque prétexte que ce soit, à cette circulation salutaire, sera poursuivi et puui, comme un perturbateur séditieux.

De plus, quiconque, en transportant des grains, aura éprouvé des violences, ou même le pillage de ses denrées, la nation l'indemnisera. Mais cette indemnité sera imposée sur le département où le désordre aura eu lieu. Le département portera cette charge sur le district; ce dernier sur les communes dans le territoire desquelles ce délit aura été commis. Si même des communes voisines ont refusé le secours qui auroit pu l'empêcher, elles acquitteront leur part de l'indemnité sauf à elles leur recours sur les auteurs du désordre.

cas,

Citoyens, surveillez-vous les uns les autres. En pareil la faute est publique et commune; il est juste que la peine le soit aussi. Que ce décret rassure le peuple, et sur-tout qu'il le contienne.

LETTRE aux Rédacteurs de la Feuille Villageoise.

A l'Hermitage de Sainte-Marguerite, près
Nancy, le 14 septembre 1791.

Je viens de lire, Messieurs, dans le no. 50 de votre Feuille, qu'un particulier proposoit une souscription pour rendre public un moyen sûr et peu dispendieux, 1o. de garantir les blés de la carie; 2°. de faire, avec du blé charbonné, du pain très-blanc et très-bon 5 3o. de détruire les charansons.

En approuvant les notes que vous avez jointes à son projet, je déclare, dans la sincérité de mon cœur, que si j'eusse été assez heureux pour faire une décou verte aussi utile aux hommes que celle de garantir les blés de la carie, je leur en aurois fait un hommage4. gratuit.

Fai suivi dans le temps, et avec exactitude, tous les procédés rapportés par les journaux pour parvenir à ce but. J'ai même ajouté aux différens ingrédiens qui entroient dans la composition des recettes qui y étoient indiquées. J'en ai imaginé de nouvelles ; je les ai mises en pratique, et le tout infructueusement.

Les expériences faites, tant à Trianon, sous les yeux du roi, qu'à la Salpêtrière, et présentées avec une sorte d'emphase, m'avoient frappé. J'en suivis alors les procédés avec la plus scrupuleuse attention, mais avec aussi peu de succès. Enfin je me mis à observer (j'aurois dû commencer par-là), à rechercher les causes des maladies du blé, connues sous les noms de carie, du noir, de la rouille, de la nielle, etc., et je ne fus pas long-temps à soupçonner que ces causes provenoient de l'air, du sol, et de l'exposition. Je fis part gratuitement au public de mes observations à co

sujet: elles se trouvent à Paris chez Musier, libraire, rue Pavée Saint-André, avec cette épigraphe : Tout ce que perd le laboureur est perdu pour l'Etat. (MAXIME-VALENTINIEN, troisième empereur d'Occident ).

Les expériences que je fis l'année suivante, réalisérent mes soupçons, c'est-à-dire, qu'elles me donnèrent la démonstration la plus complète que les chaulages, les bains, les lotions ne sauroient garantir le blé de ces maladies, dont quelques-unes sont naturelles au grain, et les autres dépendantes du local et de l'atmosphère. Ma lettre à MM. de la Société royale d'Agriculture de Paris, rend compte de ces expériences: elle se trouve également chez Musier.

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Quant au second article de la souscription proposée, qui est d'obtenir un bon pain, et bien blanc d'un blé charbonné, j'ai réussi à me procurer cet avantage par une méthode bien simple: la voici; elle consiste à avoir un cuveau rempli d'eau à rase-bord, auquelon donne un pouce ou deux d'inclinaison, et d'y verser du blé en petite quantité à la fois, et à la hauteur d'environ trois ou quatre pieds. Il est sensible que, dans cet état, le bon grain doit se précipiter au fond du cuveau, et celui qui est atteint de la carie ou de la nielle surnager, et sortir avec l'eau qui déborde. Lorsque le cuveau est presque plein, il faut agiter fortement le blé en tout sens avec des pèles ou autres instrumens afin que la poussière de carie, qui est inhérente à ses barbes, s'en détache, sans quoi le pain auroit encore une petite teinte noirâtre. Ce blé ainsi préparé, et ayant peu séjourné dans l'eau, est très-facile à sécher. Cette opération le débarrasse encore des ordures que le crible n'auroit pas fait disparoître

A l'égard du troisième article de la souscription projetée, et qui concerne les charansons, j'ai vu exécuter l'entière destruction de ces pernicieux insectes, en barbouillant exactement les murs et les planchers hauts et bas des greniers qui en étoient infectés, avec de la chaux vive, éteinté dans une cau où avoient bouilli de l'yèble, de la rhue, de l'absinthe, et de l'hyssope. Cette composition doit être employée la plus chaude Fossible.

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