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villageois; sans instruction, la constitution ne seroit rien, et la révolution seroit peu de chose.

CONTRIBUTIONS.

Nous écrivons toujours dans la persuasion très-douce que nos lecteurs sont toujours les mêmes. La Feuille Villageoise est destinée à former un cours d'études complet. Chaque année en est une partie, et comme une classe. Voilà pourquoi nous ne répéterons pas les détails nombreux que nous avons donnés dans les numéros de notre première année, sur l'impôt en général, et sur les contributions actuelles; ou du moins si nous y revenons, nous ne présenterons que les vérités générales. Nous ferons, avec nos lecteurs, comme on fait avec ses amis. Nous supposerons seulement que la conversation a été interrompue, et nous la reprendrons où nous l'avions laissée.

Mais nous nous sommes engagés à les tenir au courant du recouvrement des revenus publics. Nous avons promis de dénoncer, de nommer, et de noter, pour ainsi dire, de honte les départemens qui se trouveroient en retard sur leurs opérations. Par bonheur, ils ne sont qu'au nombre de douze. Voici leurs noms : Pas de Calais, Saône et Loire, Corrèze, Lot, Cantal, l'Osère, Loire, Basses-Alpes, Nord, Charente inférieure, Basses-Pyrénées et Corse.

Les soixante-onze autres ont réparti 270 millions des contributions foncières et mobilières.

A qui reprocher ce retard? Est-ce au peuple, égaré par ses ennemis, ou par une avarice stupide ? ou bien seroit-ce à la tiédeur négligente, à la foiblesse coupable des administrateurs? Quoi qu'il en soit, l'argent de l'impôt est le sang de l'Etat. Quand il circule mal, c'est que l'Etat est malade; par-tout où il s'arrête, c'est que la nation est corrompue; publier l'état du paiement des impôts, c'est donner le bulletin de la patrie; et nous ferons ce service très-exactement.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Discussion sur les moyens de faire cesser les troubles intérieurs causés par les dissentimens religieux.

Les ministres du culte catholique formoient dans le royaume une corporation dangereuse, par l'indépen dance, ou plutôt par la domination qu'elle affectoit, autant que par ses scandaleuses richesses. L'assemblée constituante a dissous le corps, et appliqué les biens au soulagement du peuple et de l'Etat. Elle a donné ensuite une autre forme à l'administration du culte, se rapprochant par ses lois des institutions de la primitive église, réintégrant la souveraineté, mais laissant la religion intacte. Dès lors les prélats, les bénéficiers et les moines, réunis avec la tourbe des nobles, des robins ou des financiers, comme eux insatiables spoliateurs du peuple, conçurent le projet de traverser le succès d'une révolution qui les dépouilloit sijustement. De concert avec un grand nombre de pasteurs séduits par eux, ils suscitèrent le fanatisme, mirent en jeu les superstitions, embarrassèrent la circulation des nouvelles lois, promulguèrent de faux décrets, firent retentir les chaires et infectèrent les confessionaux de calomnies contrè la constitution naissante, disséminèrent par-tout les étincelles de la guerre intestine, ensanglantèrent en plusieurs contrées les villes et les campagnes, enfin menacèrent la France de l'embrasement et du chaos universel.

Dans ce péril imminent, on crut qu'un serment exigé des prêtres, en qualité de fonctionnaires publics, lieroit à la patrie ceux qui l'auroient prêté, ou désarmeroit les autres par la perte de leurs fonctions. L'influence des ennemis publics fit qu'un grand nombre refusérent ce serment. Remplacés à la hâte, ils le furent souvent mal; en perdant la place, beaucoup gardèrent la confrance; ils l'employèrent à rendre odieux les prêtres assermentés. Au nom du diable et de l'enfer, ils écartèrent les ignorans des autels publics, et les appelèrent à leurs autels clandestins. Il se forma, jusques dans les

hameaux, deux catholicismes; il se célébra deux sortes de messes; il n'y avoit de différence entre elles que par le célébrant et la manière de le payer; mais l'opinion en supposa d'autres. Les partisans du nouveau curė s'appelèrent les patriotes; les sectateurs de l'ancien furent les aristocrates; ceux-ci même confondirent bientôt la constitution civile du clergé, avec la constitution française; et ils la détestèrent, comme violant la liberté des consciences qu'elle avoit si bien consacrée. Ce malentendu brouille et divise aujourd'hui les meilleurs citoyens.

Une circonstance particulière en a rendu les effets plus fâcheux encore. Les catholiques sont dans l'usage de consacrer, par une cérémonie pieuse, trois époques principales de leur existence; la naissance, le mariage et la mort. D'un autre côté, l'ordre public demande que ces événemens soient constatés aux yeux de la loi. Autrefois les prêtres seuls savoient lire et écrire, et les églises étoient les asiles les plus sûrs; voilà pourquoi on avoit chargé les prêtres de dresser ces actes, et déposé le registre entre leurs mains. Cet usage s'est conservé, tout vicieux qu'il étoit; mais en cela, ils ne sont qu'officiers civils, et leurs fonctions, quoique mêlées avec des fonctions religieuses, sont aussi purement civiles.

Qu'est-il arrivé dans le schisme actuel? Que les partisans trompés de l'ancien prêtre, quand ils ont fait un enfant, ne voulant point du nouveau prêtre, ni pour le baptiser, ni pour l'enregistrer, ont fini par se passer tout à fait de baptême et d'enregistrement; ainsi des mariages, ainsi des morts. De là un grand désordre, et une source inépuisable de fraudes et d'obscurités.

Voilà ce qui de jour en jour aliène et partage les villes, les villages, les familles, les ménages même ; ces haînes et ces malheurs domestiques, enveniunés sans cesse par les fanatiques, les séditieux, les contre-révolutionnaires, de toute robe, de tout sexe, de tour âge, détruisent l'amour des lois, éteignent ou dénaturent le patriotisme, énervent la puissance des magistrats, interrrompent le cours de la justice, et surtout, par les troubles intérieurs, nourrissent les espéfances, enhardissent les attentats des ennemis extérieurs.

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Contre cette maladie de la France, quels sont les remèdes? C'est sur quoi l'assemblée nationale consulte depuis quinze jours.

On a proposé des peines rigoureuses contre les pretres non assermentés: mais s'ils sont perturbateurs, leur punition est prononcée d'avance par les lois. S'ils ne le sont pas, pourquoi les punir?

On craint leur influence sourde, leurs invisibles cabales, l'abus incendiaire de la confession mystérieuse, des prédications secrètes, des processions nocturnes, et des superstitions furtives. Pour l'empêcher, on propose de trainer, d'entasser tous ces prêtres dans les chefs-lieux des départemens, sous l'œil vigilant des administrateurs. Mais ces enlevemens proscriptifs, ils outragent la liberté et la constitution. De quel droit l'assemblée nationale les ordonneroit-elle ? Point de punition sans jugement, point de jugement sans procédure; et le législateur peut-il procéder et juger?Quoi (s'est écrié un respectable évêque,M. Torné)

sans formalités, sans preuves, sans nuancer les délits, vous envelopperiez dans un même arrêt les " plus coupables et les plus innocens ; vous les frappe"riez tous à la fois, quand les plus cruels despotes ne " feroient que les décimer,,! Parce que leur communication avec le peuple a des dangers, pouvez-vous les enlever à leurs foyers? C'est comme si vous violiez le secret des lettres, parce que la correspondance dé vos ennemis peut vous nuire.

Une autre proposition, c'est celle de supprimer les traitemens de tous ceux qui ne prêteront pas le serment: mesure barbare et arbitraire! Beaucoup sont de bonne foi, et ce serment blesse leurs scrupules insensés. Les presser entre la faim et la conscience, entre leur subsistance et leur salut, c'est une rigueur digne des plus affreux tyrans.

Quel est le remède enfin? L'établissement parfait de la liberté des cultes. Laissez chacun adorer Dieu à sa guise, être catholique à sa manière, entendre la messe de qui il lui plaît. Quoi, les sacremens mêmes!... Oui, les sacremens seront administrés aux citoyens par le prêtre qui leur conviendra, dans le temple qu'ils

choisiront. Prétendez-vous mutiler la tolérance? Quoi! vous permettez à un rabbin de circoncire, et vous défendriez à un non-conformiste de baptiser!

Il ne faut jamais faire ce que désire votre ennemi. Persécuter ou être persécuté, c'est le vœu des mauvais rêtres.

Commençons par détacher de tout culte religieux ce qui tient à l'ordre civil. Instituons des magistrats pour recevoir les actes des naissances, mariages, etc.; caracterisons bien, par la loi, les délits contre l'ordre public, et que les perturbateurs ou les factieux, quels qu'ils soient, ne puissent échapper à la peine. Mais ces précautions prises, que la liberté règne ; que les droits de l'homme s'exercent tout entiers. Malheur au parent despote, à l'époux intolérant, qui ne souffre dans sa famille d'autre opinion que la sienne! Gloire aux ames douces, aux cœurs amis de la justice, qui respectent les franchises du for intérieur ! Mais que la loi sur-tout donne l'exemple de ce respect. Règle générale, une opinion et une faction sont deux choses très-différentes. Libre, toute secte n'est qu'une opinion innocente; persecutée, elle devient une faction dangereuse; elle fait des prosélytes, et bientôt il faudra qu'ils soient écrasés, ou qu'ils écrasent.

ÉVÉNEMENS

ET

NOUVELLES.

INDES ORIENTALES. Les Anglais y font une guerre sanglante au plus puissant des princes de cette contrée, Typoo-Saïb. Londres retentit du bruit des victoires du général Cornwallis ; mais le gouvernement, dont tout le crédit est fondé sur celui de la compagnie des Indes, exagère les succès, et diminue les disgraces.

D'un autre côté, une insurrection effrayante bouleverse l'isle de Java, la plus riche possession des Hollandais dans l'Inde. La politique anglaise en est encore accusée. On sait qu'elle tend à envahir tout le commerce des Indes en Europe. A qui profiteroient ces conquêtes? Est-ce au peuple? Non; mais au gou

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