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il vous en faudra dix autres encore pour l'assortir. "Avez-vous un habit galonné? il vous faut des dentelles. Avez-vous des dentelles ? il vous faut des ,, diamans. Et que revient-il de tant de magnificence ? "On est envié, calomnié, ruiné: Qu'est-ce qu'un papillon? une chenille habillée, que l'on poursuit et que l'on

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" écrase.

,, Mais, dites-vous, dans cette vente que l'on va " faire, on nous offre six mois de crédit. Oh! mes "amis, pensez-vous bien à ce que vous faites, lorsque " vous achetez à crédit? Vous donnez des droits à un ,, autre homme sur votre liberté. Le terme du paiement , arrivera plus vite que l'argent. Combien alors vous " serez honteux de la seule rencontre de votre créan"cier! à combien d'excuses, à combien de mensonges " vous vous abaisserez ! La pauvreté jette un homme à "terre; car il est difficile qu'un sac vide se tienne debout ; » et quand le puits est sec, on descend bien bas sans trou"ver une goutte d'eau. Que penseriez-vous d'un prince. " qui vous feroit enfermer par une lettre de cachet?. "Eh bien, le créancier est ce prince, et votre billet de "créance devient votre lettre de cachet. Je sais fort " bien que lorsqu'on a fait un emprunt, on ne songe " guère à la restitution; mais les créanciers ont meil" leure mémoire que les débiteurs.Les créanciers sont ❞ la secte du monde la plus superstitieuse. Il n'y a pas. "d'observateur plus exact qu'eux de toutes les épo" ques du calendrier. Le jour de leur visite arrivera ,, bientôt; Le carême est bien court pour ceux qui doivent " payer à Pâques.

L'imprudence achève ainsi de ruiner ceux que la ", vanité dépouille, et ceux que la paresse appauvrit. Le ,, débiteur imprévoyant s'expose à être esclave, le riche "fastueux s'expose à être banqueroutier, l'artisan dé"sœuvré s'expose à être mendiant. Ce sont trois sour" ces de misère bien plus désastreuses que les impo"sitions. Tout l'argent qu'on paye à l'Etat retombe, ,, en bienfaits sur nous; mais tout celui qu'on paye " au vice et à la débauche, se change en maladies, " en humiliations, en servitude, ou tout au moins er » repentirs. Oh ! mes amis, oh! mes voisins, adoptez

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"ma méthode. J'ai dépensé pour le besoin; j'ai éco"nomisé pour la vieillesse. J'ai dit dès mon aurore : "Le soleil du matin ne dure pas tout le jour. A chaque ins❞ tant de ma vie, j'ai répété : Le gain est incertain et "passager; la dépense sera continuelle et certaine : "Il est plus aisé de bâtir deux cheminées que d'entretenir toujours du feu dans une. Travaillons, épargnons, et alors nous cesserons de nous plaindre de la ri"gueur des temps et de la pesanteur des impôts.

Vous m'avez demandé mon avis: le voilà. Je désire "qu'il vous serve. Mais on donne un bon avis sans don"ner une bonne conduite 19.

Le vieux prédicateur Richard finit là sa harangue et ses proverbes. Le peuple l'écoutoit bouche béante, et en souriant. On battit des mains quand il cessa de parler. On fit bien mieux; profitant de ses conseils, P'un courut payer ses dettes; l'autre alla reprendre son travail; l'autre resta pour la vente, mais n'y acheta que des choses nécessaires, et tous payèrent les impôts sur les épargnes de la vertu, et sur la réforme des vices. La prospérité américaine a profité ainsi de la science et des proverbes du bonhomme Richard.

en

Depuis cette conversation fameuse, personne, Amérique, ne prononce une sentence de morale, ou une maxime de politique, ou un axiome de philosophie, ou un aphorisme de jurisprudence, ou un apophtègme historique, ou un proverbe populaire, ou un adage commun, ou un dicton quelconque (1),

(1) Tous ces mots synonymes ou ressemblans ont une acception différente, et nous les avons réunis ici pour les expliquer.

Sentence est une pensée grave, profonde, énergique et concise. Le style de Sénèque est riche en sentences. Les oracles du paga-. nisme parloient aussi par sentences; mais ces sentences étoient moins d'un dieu que d'un charlatan.

Maxime est une opinion reçue et abrégée, qui sert de règle pour la logique ou pour la conduite. On raisonne ou l'on agit d'après telle ou telle maxime. Les maximes du gouvernement français varioient selon les ministres. Richelieu avoit pour maxime de tout abattre ; Mazarin, de tout corrompre ; Louvois, de tout envahir ;

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sans ajouter :

Comme dit le bonhomme Richard.

Fleury, de tout attendre; Choiseul, de tout brusquer; Calonne, de tout hasarder; Nec ker, de tout concilier; l'Assemblée nationale, de tout refaire.

Axiome est une proposition démontrée, soit en physique, soit en géométrie, soit en morale. C'est un axiome en physique que le tonnerre tombe sur les clochers quand on sonne au moment où la nuée orageuse passe au dessus. C'est un axiome en géométrie, que la ligne droite est la plus courte des lignes, et la ligne tortueuse, la plus longue. C'est un axiome en morale, qu'il n'existe de sorciers que les fourbes, et d'ensorcelés que les imbécilles.

Aphorisme est un texte que l'on cite d'après un auteur classique, ou un livre distingué. Les aphorismes de droit sont des jugemens tirés des meilleurs jurisconsultes. Les aphorismes d'Hippocrate sont les oracles de la médecine. Voici le premier de ces aphorismes : L'art est fort long, la vie fort courte, l'observation incertaine, et l'expérience elle-même trompeuse.

Apophlegme est une parole mémorable d'un philosophe ou d'un héros de l'antiquité. Les sept sages de la Grèce ont laissé chacun des mots heureux, des apophtègmes instructifs. Plutarque n'en a oublié aucun dans son Histoire des hommes illustres. Il a recueilli, comme des médailles antiques, tous les apophtègmes savans ou héroïques des temps passés.

Proverbe est une vérité jadis peu connue, répandue ensuite de proche en proche, et devenue tout à fait populaire, soit par sa brièveté, soit pat sa clarté, soit par son expression originale. La plupart des proverbes sont dans un style figuré, et relevés par des images familières. Le célèbre Richardson appeloit les proverbes, la sagesse des nations, et l'expérience des siècles

Adage est un proverbe trivial, débité d'un ton sentencieux et lent. Il vient du mot italien adagio, qui signifie en musique un mouvement plus grave, et un chant ralenti. Erasme, le précurseur de la philosophie moderne, avoit fait un recueil des proverbes grecs et latins, qui a pour titre : Les Adages d'Erasme. En parcourant ces adages, on y retrouve nos proverbes, ceux des Egyptiens, ceux de l'Inde et de la Chine. Le bon sens est un dieu qui a parlé à tout le genre humain et ses oracles ou ses révélations sont l'évangile

universel.

ASSEMBLÉE NATIONAL L.

Sur la révision des décrets constitutionnels.

C'est ici la dernière partie, et, pour ainsi dire, le chapiteau de la constitution française.

Quand Dieu à créé l'homme, il lui a donné les moyens de se perfectionner. Depuis l'enfance, nous acquérons sans, cesse. Les sociétés, bien mieux encore que les individus, peuvent s'améliorer; car leur durée n'est point fixe. Les nations ne se détruisent que par leur ignorance et leurs vices; elles n'ont point d'âge point de mort naturelle; elles peuvent à perpétuité croître en lumières et en vertus,

Les lois civiles, les lois d'administration et de police sont le principe de vie des sociétés. La constitution est le lien conservateur des lois. Ces dernières peuvent être à chaque instant corrigées et réformées par nos représentans. Mais l'acte constitutionnel est au delà de leur pouvoir. Et cependant, créé par des hommes, né du sein des orages, comment seroit-il sans défauts? La maison est construite ; les architectes se retirent. Mais si elle est mal couverte ou mal fermée, pourquoi ceux qui l'habitent ne pourroient-ils rappeler d'autres ouvriers pour changer les portes ou réparer les toits P

Quand nous avons voulu changer nos lois, on nous opposoit la volonté de nos pères ignorans. Nos enfans, plus éclairés que nous, seront-ils donc enchaînés par la nôtre ? Qu'avons-nous prétendu alors? Que la tyrannie des morts étoit plus absurde encore que celle des vivans, et que si nos aïeux nous avoient laissé la servitude en héritage, c'étoit à nous de voir si nous devions accepter ou refuser la succession. Le peuple à naître sera souverain comme le peuple existant; il aura donc les mêmes droits. Si nous avons pu faire une constitution, il pourra la changer.

Mais toutefois les lois sont comme les hommes, c'est la pratique qui les éprouve, c'est le temps qui les juge. Cette vaste machine, préparée, organisée, corigée par tant de génies créateurs et d'esprits attentifs,

sans doute elle mérite bien d'être essayée avec une sage persévérance. Si deux années n'ont point suffi pour achever la constitution, quatre années serontelles de trop pour l'expérimenter? Après avoir donné des lois aux Lacedemoniens, Lycurgue les assembla, et leur dit Voici le gouvernement que je crois propre à vous rendre libres et heureux. Je pars; jurezmoi devant les dieux de n'y rien changer qu'à mon retour. Le serment fut prêté. Lycurgue disparut : ses concitoyens fidèles et sages connurent bientôt les défauts de leurs lois; mais il les respectèrent, comme on respecte les défauts d'un ami. Les dix années s'écoulèrent; Lycurgue ne revint point; mais Lacédemone éprouva par cinq cents ans de prospérité, qu'il est dans la stabilité des lois, des avantages qui réparent toutes leurs imperfections.

La constitution française est sûrement meilleure que celle de Sparte; et toutefois nos législateurs sont moins exigeans que Lycurgue.

Ils commencent par déclarer, " que la nation a le droit imprescriptible de changer sa constitution ; mais c'est l'international qu'il faut consulter. Quel est-il? D'user seulement par les moyens pris dans la constitution même, du droit de réformer les articles dont l'expérience auroit fait sentir les inconvéniens. Quels sont ces moyens? Les voici.

Si trois législatures consécutives expriment un vœu pour le changement de quelques articles, celle qui les suivra se formera en assemblée de révision. Cette assemblée sera composée de deux cent quarante-neuf membres de plus que les autres, et qui seront élus à part. Elle ne formera qu'une seule chambre.

Elle ne statuera que sur les objets dont la révision aura été demandée par les législatures précédentes; et les membres en feront le serment. Quand ces objets. seront terminés, les deux cent quarante-neuf membres extraordinaires se retireront, sans pouvoir prendre part aux actes législatifs ordinaires.

Enfin la prochaine législature et la suivante ne

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