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qu'elle peut justement employer pour entretenir la sûreté commune de tous les citoyens.

Droits de la loi.

1o. La loi a droit de défendre quelques actions; ce sont celles qui, attaquant la sûreté publique ou les droits d'autrui, sont nuisibles à la société. Dès que nous cessons d'être innocens, nous devons cesser d'être indépendans.

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2o. La loi a droit de punir les actions qu'elle a défendues mais les peines qu'elle établit doivent être strictement et évidemment nécessaires; jamais elles ne pourront blesser l'humanité, car rien d'inhumain ne peut être nécessaire; jamais elles ne ravaleront la di gnité de l'homme car qui le respectera, si la loi l'avilit?

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Nul homme sur-tout ne sera puni qu'en vertu d'une loi promulguée antérieurement à son délit: car la loi est une convention; ce qui l'a précédée est hors de son empire.

3. Pour la défense des droits de tous, pour l'efficacité de ses réglemens, pour l'exécution de ses justes menaces, la loi a droit de faire saisir, arrêter, et détenir la personne d'un citoyen. Ce droit, loin d'attenter aux droits de l'homme, en est le garant. A Gênes, on lit à la porte des prisons, et sur les fers des galériens, ce mot latin: Libertas. Devise sublime! Car enchaîner le malfaiteur, n'est-ce pas protéger la liberté commune ?

Et d'ailleurs avec quelle circonspection la loi use de ce droit redoutable! Les autorités, les cas, les lieux, les formalités même, tout ce qui précède ou suit ces contraintes, est soumis à des règles constantes et précises, et qu'aucun abus ne sauroit éluder. Nul autre que les magistrats et les fonctionnaires publics institués par la loi, ne peut ordonner, ni exécuter, ni favoriser impunément de semblables rigueurs. Toute la sévérité des peines frapperoit quiconque seroit coupable ou complice d'une arrestation illégale, d'un em

prisonnement arbitraire; les magistrats mêmes répondent de leurs injustices.

Peuple qui tout à l'heure gémissiez dans les transes et les angoisses habituelles des lettres de cachet, des enlevemens, des maisons de force, et des bastilles, honorez et remerciez la nation généreuse qui, la première, a perfectionné ces précautions légales, si bien calculées pour la liberté du citoyen. C'est aux anglais que le genre humain doit cet admirable accord de la sûreté publique avec l'inviolabilité personnelle. Ils ont mis à fonder nos franchises le génie que le despotisme employa long-temps à compliquer nos chaînes.

4. La loi a un quatrième droit; elle peut instituer une force publique pour défendre l'Etat contre les ennemis du dehors, pour maintenir au dedans l'ordre et la sûreté générale. Mais l'avantage de tous est l'unique destination de la force militaire. Une armée appartient à ceux qui la payent, et non à ceux qui la commandent. Le roi est son chef, mais non son maître;elle doit obéir à ses ordres, mais non servir ses passions. Il peut l'envoyer contre l'ennemi, mais non la déchaîner contre le peuple. Si des séditions incendiaires troublent l'ordre légal, et livrent les bons citoyens à la fureur des brigands, des officiers civils, des magistrats populaires ont seuls pouvoir de faire agir la force publique. Généreux soldats, lorsqu'en 1789, conduits vers la capitale, vous refusâtes vos armes et vos bras aux complots de la tyrannie, les droits sacrés de l'homme et de la nation n'étoient point proclamés alors; mais vos cœurs les avoient pressentis; la constitution n'a fait que convertir en loi le sublime exemple que vous aviez donné.

5°. La loi a droit encore, si l'utilité publique le commande, de disposer de la propriété d'un citoyen; mais cette utilité, il faut qu'elle soit évidente et légalement constatée, comme lorsqu'on traverse un champ, lorsqu'on abat une maison, pour un chemin, un édifice public, ou autre établissement. Il faut sur-tout que le citoyen dépossédé reçoive d'avance la juste indemnité de sa privation.

6. La loi a droit d'ordonner les dépenses générales

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de la société, d'exiger de chaque citoyen une part de son revenu dont elle compose le revenu public, qui doit payer ces dépenses; mais chacun aussi peut constater la nécessité et suivre l'emploi de cette contribution.

7. Enfin la loi a droit d'instituer des officiers, des fonctionnaires, des agens publics de toute espèce, pour tous les services dont la société en corps se charge vis-à-vis de ses membres. Mais tous ces fonctionnaires sont responsables, et doivent compte de

leur administration.

Voilà ce que nous appelons droits de la loi. Mais cette loi qui se compose de toutes les volontés, de tous les intérêts, comme dans un concert parfait, un chant unique, et presque un seul son, se forme d'un grand nombre d'instrumens et de voix, cette loi n'est qu'un être de raison. Ses droits particuliers sont les nôtres, puisqu'ils ne sont que le pouvoir tutélaire, exercé par tous les citoyens en corps sur le citoyen isolé.

Quel homme donc pourroit violer ou même éluder la loi ? Toutes les fois qu'elle est réclamée, le bon citoyen obéit à l'instant; il croit entendre la patrie et la divinité elle-même. Socrate est prisonnier, et accusé par des juges iniques ; il va périr d'une mort horrible. Des amis ouvrent sa prison, et le pressent de s'enfuir; il refuse obstinément. Que me proposez-vous? s'écriet-il; apprenez que cette nuit les Lois et la Patrie me sont apparues en songe. Socrate, m'ont-elles dit, arrête; souviens-toi que, depuis ton berceau, nous avons nourri ton enfance, instruit ta jeunesse, protégé tes jouissances, défendu tes biens, ta gloire, ta vie, et ta liberté. Citoyen ingrat, fils dénaturé, immoleras-tu tes bienfaitrices? Amiş, s'écria Socrate, qui vaut-il mieux qui périsse, ou des lois, ou de moi ? Apprenons de ce inortel sublime à respecter, aux dé pens même de nos jours, les droits de la loi, de cette puissance sans laquelle il n'en existe aucune pour

nous,

Les compétences sauveraines de la loi sont fixées ; les libertés communes du citoyen sont établies; les at

tributs originels de l'homme sont promulgués. Outre ces avantages, qu'on peut nommer les droits primaires, la constitution nous garantit, comme Français, des droits secondaires, bien précieux sans doute, puisqu'ils sont la sauve-garde des autres.

De cette nature sont, 1o. le droit qu'ont des citoyens réunis dans les villes, ou dans certains arrondissemens des campagnes, de former des communes, et d'élire pour un temps ceux d'entre eux qui, sous le nom d'officiers municipaux, sont chargés de gérer les affaires particulières de la commune.

Ces associations partielles, au sein de la grande société, entretiennent l'esprit populaire, le patriotisme, et la concorde, en faisant voir de plus près à chacun quelle part il a dans le bien général.Mais c'est aussi pour cela que ces arrondissemens devroient être moins étroits, moins multipliés, et plus égaux sur la surface de l'empire; c'est pour cela que la loi peut étendre ou resserrer l'enceinte de chaque com

mune.

2o. Le droit général d'élire à temps la plupart des fonctionnaires chargés d'exercer quelque portion des pouvoirs publics.

Il est la sauve-garde de la liberté, et la preuve toujours renaissante de l'égalité des citoyens, et la portion de souveraineté dont le peuple se réserve l'exercice indépendant. Il conserve sur-tout la dignité des citoyens les moins aisés vis-à-vis des plus riches. L'artisan est considéré, le paysan est respecté, le manouvrier même sera bien traité de quiconque aspire aux suffrages populaires.

3°. Le droit des citoyens de terminer définitivement leurs contestations par la voie de l'arbitrage.

Heureux les citoyens à qui la raison tient lieu de loi, la bonne foi d'avocat, et un voisin de juge! Ceux-là n'ont pas plus besoin de gouvernement, qu'un homme fait n'a besoin de lisières. Que les lois deviennent simples et claires, que les citoyens soient unis, que le peuple soit libre et laborieux, les tribunaux de paix seront les seuls tribunaux de la France.

4°. Le droit de n'être jugé en matière criminelle que sur une accusation reçue par des jurés.

Le droit, après l'accusation admise, de n'être condamné à une peine que pour un fait reconnu et déclaré par des jurés, dont il peut récuser jusqu'à vingt, et qui prononcent sur une instruction publique, et seulement d'après le cri de leur conscience, d'après l'intime conviction de leur esprit.

Qui sera le plus favorable à l'accusé ? qui le jugera avec plus d'impartialité, ou d'un juge de profession, souvent dur ou négligent, peut-être prévenu, ou d'un citoyen son égal, son voisin, qu'il a préféré à d'autres? A quelle autre institution qu'à celle des jurés la liberté permet-elle de confier la vie, l'honneur, et la personne des citoyens?

5°. Le droit qu'a tout citoyen d'obtenir une justice gratuite, prompte, et peu éloignée, sans qu'on puisse le distraire de ses juges légitimes.

6. Le droit de participer aux bienfaits de l'instruc tion publique, commune à tous les citoyens, et gratuite, quant aux parties d'enseignement indispensable pour tous les hommes; établissement que la constitu tion prescrit d'avance, et qui va régénérer le peuple français.

Sans lui, point de liberté, ni d'égalité complète. Faute de savoir lire, écrire et calculer, une grande partie des citoyens est impunément trompée, ruinée, méprisée, et presque enchaînée par l'autre partie.

7. Enfin le droit de participer aux avantages de Tétablissement général de secours publics, pour élever les enfans abandonnés, soulager les pauvres infirmes, et procurer du travail aux pauvres valides.

Dans toute société bien ordonnée, il y a toujours du bien-être pour ceux qui travaillent, du travail pour ceux qui n'en ont pas, des secours pour ceux qui ne peuvent pas travailler, mais aussi des peines pour ceux qui ne le veulent pas.

TELLE est la première partie de l'acte constitutionnel; 4el est l'ensemble des droits communs de la société et des droits privés de tous ses membres. Point de code

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