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HISTOIRE

GÉNÉRALE

DE LA RÉVOLUTION DE 1789.

CHAPITRE

PREMIER.

Eta

Convulfion de l'Empire François. bliffement des Adminiftrations Municipales. Changemens opérés dans la Capitale & le caractère de fes habitans. Fêtes civiques. Triomphe du premier Orateur de la liberté. Affaire des poudres. Profcription de M. de la

Salle. Sa juftification. politiques fur cette affaire.

Réflexions

L'ASSEMBLÉE Nationale paroiffoit enfevelie fous les décombres du defpotisme & de la féodalité; le pouvoir exécutif

Tome III.

A

par

fubitement paralyfé dans toutes fes ties ne pouvoit plus contenir la force. publique, ni diriger fon action; le frein des loix anciennes étoit fans vigueur, les tribunaux fans puiffance, les magiftrats fans autorité : tout l'empire fembloit livré à la violence d'une aveugle multitude. A la vue des débris de tant de coloffes abattus, les ennemis du bien public, malgré leur confternation, n'en concevoient pas moins l'affreuse espérance de voir naître l'anarchie de cette déforganisation générale, & de courber de nouveau fous le joug une nation dont l'inconftance & la légéreté avoient fait jufqu'à cette époque le principal caractère. Mais l'efprit de civifme déjà répandu par la liberté naiffante débrouilla le chaos; la lumière jaillit du fein des ténèbres : chaque citoyen réfléchit fur fes devoirs & reconnut qu'ils tenoient effentiellement à fes véritables intérêts. A l'inftant de nouveaux liens de fubordination s'étendent d'une extrêmité à l'autre du royaume, &

chaque cité rappelle dans fon enceinte ce gouvernement municipal fi chéri de nos ancêtres. Cette administration paternelle, appuyée de plufieurs millions de foldats citoyens, repouffe le fléau menaçant de l'anarchie, jette un effroi falutaire parmi les aristocrates & les brigands, & malgré les défordres produits par les vengeances foudaines du peuple, & plus encore par les ténébreuses manoeuvres des agens du defpotisme; il est vrai de dire que jamais révolution fi abfolue dans les loix, les mœurs & les préjugés d'une grande nation, ne fut fouillée de moins de fang & de forfaits.

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La France entière préfentoit à l'Europe le plus impofant, le plus nouveau des fpectacles; chaque jour voyoit éclore nombre de fcènes rapides & variées, qui rapprochées les unes des autres, se prêtoient un intérêt mutuel, & ranimoient le courage des amis de la liberté. La capitale fur-tout continuoit d'offrir un tableau mouvant, dont l'œil avoit peine

faifir l'ensemble, & à fuivre le développement. Placée au centre des difcuffions & des mouvemens politiques, elle étoit fortement ébranlée de toutes les fecouffes qui agitoient le royaume; les paffions rivales s'y déployoient avec plus d'énergie, les partis contraires s'y heurtoient avec plus de fureur. C'étoit-là que les brillans & dangereux reptiles qui infeftoient les avenues du trône, venoient aiguiser tous leurs dards & diftiller tous leurs venins: mais c'étoit-là auffi que la haine de la tyrannie étoit plus ardente, que l'idolâtrie de la liberté étoit plus extrême : fur les ruines encore fanglantes de la Bastille étoit le foyer de cette flamme patriotique, qui devoit embrâfer & régénérer la nation.

Ce n'étoit plus Paris, mais une ville nouvelle & un peuple nouveau; ici, des monaftères convertis en cafernes; là, des citoyens armés à la place des fuppôts de la police; plus loin des batteries de canon dreffées à l'entrée des marchés, à la porte des églifes; les places publiques devenues

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