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de la mort & un détachement de gendarmerie. Les bataillons campés à l'Epine font, Popincour, Seine inférieure, Compiegne & le Gard: Ce dernier montre une difcipline & une tenue qui le fait admirer. Il y a beau coup de citoyens dans ces bataillons, qui font prefque nus : on leur fait faire des pantalons & des veftes chaudes. Il y a eu avant-hier, dans ce camp, un événement malheureux. Un payfan eft arrêté par je ne fais qui on dit qu'il fournit de la farine aux émigrés; on lui coupe la tête; on veut jeter bas un moulin à vent qui fe trouve au milieu du camp, parce que, dit-on, il appartient à un émigré. Nous volons fur les lieux, nous calmons les efprits, & le moulin eft confervé. Il paroît que ce malheureux étoit innocent.

Le camp où étoient les Pruffiens eft jonché de cadavres, de chevaux & d'hommes. Le département va les faire enterrer. Les villages qu'ils ont évacués font réduits à la dernière des misères; ils ont infecté les puits & les rivières, en y jetant les cadavres & les chevaux. On trouve dans les villages des malheureux tellement exténués, qu'ils périffent d'inanition, n'ayant pas la force d'aller dans les villages voifins pour fe procurer des alimens. On diftinguoit parmi les émigrés les prêtres qui s'adreffoient aux enfans, & leur demandoient fi leur nouveau curé étoit de telle ou telle manière, qu'il étoit un fcélérat, &c. Des fermiers-généraux parloient gabelle, des nobles, chafles, & s'occupoient déjà des moyens de punir les patriotes; ils difoient fur-tout qu'ils ne fercient aucun mal, jufqu'à ce qu'ils euffent bien rétabli l'ordre ; mais qu'alors ils feroient pendre tous ceux qui avoient combattu contre eux. Voilà les chimères dont on les entendoit s'occuper.

Des charretiers qu'ils avoient arrêtés & qui fe sont échappés, ont dit avoir vu mafflacrer de leurs camarades.

Par-tout ils ont brûlé toutes les loix nouvelles qu'ils ont trouvées, foit aux archives des municipalités, foit chez les administrateurs. Un adminiftrateur du district de Châlons, d'un village au-deffus de Suippe, avoit caché les loix qu'il avoit dans l'églife & chez le maître d'école. Ils ont pris le maître d'école pour l'adminiftrateur, & l'ont roffe, ainfi que fa femme, qui ne vouloit pas leur dire l'endroit de l'églife où étoient dépofés les autres papiers.

L'armée Kellermann eft à Suippe..

Les huffards de Chamboran font l'admiration de l'ar mée, Avant-hier, trente huffards ont pris foixante & quelques houlans. Leur commandant ne voulant pas fe rendre, s'eft battu corps à corps avec le commandant des huffards: celui-ci lui a paffe fon fabre à travers la poitrine.

Les villages depuis Châlons jufqu'à Reims, font tous les foirs des patrouilles pour la sûreté de leurs propriétés. Voici l'ordre établi dans cette contrée. Sonner le tocfin à la première entrevue d'un houlan; répéter le tocfin dans toutes les paroiffes, & courir de toutes parts & avec toutes espèces d'armes à l'endroit d'alarme. Quand on a ainfi fonné la cloche, tous les villages ont pris les armes, & avant une heure trois mille hommes fe trouvoient à l'endroit menacé. J'avois fait lever tous les madriers des ponts de la rivière de Vefle. Au moment où je caufois avec le maire du village de Cormelai, on vint m'avertir qn'un très fort détachement de hulans venoit; je n'eus que le temps de fortir : je faute à che val; & à peine étois-je forti, qu'ils arrivèrent heureu fement j'avois un bon cheval.

Vive la république! CELLIER, commiffaire du pouvoir exécutif.

Du comité de furveillance de la commune.

Des momens de crife & d'orage juftifient les mesures qu'un temps de calme & de tranquillité reprouveroit; la néceffité eft au-deffus de toutes les loix, ou, ce qui eft la même chofe, la loi fuprême est le falut du peuple. Certes, au milieu des noirs complots dont nous avons failli être victimes, il étoit néceffaire & jufte, par conféquent, d'établir des commiffions qui fuffent chargées dans le filence d'en faifir la trame, de la fuivre dans toutes fon étendue, & de s'affurer provifoirement de toutes les perfonnes véritablement fufpectes, afin d'arrêter le bras de nos ennemis. Ce temps de crife n'eft pas paffé il y a plus; c'est qu'on doit s'attendre à voir encore, pendant quelques mois, s'accroître les ennemis intérieurs. Plus nos armées auront d'avantages fur ceux du dehors, & plus les brigands couronnés d'Autriche & de Pruffe chercheront, à force d'or, à exciter parmi nous le trouble & la défunion, à fomenter des actions, à nous armer les uns contre les autres : il n'auront pu nous vaincre par le fer & par le courage, ils tenteront de nous fubjuguer par l'or & par l'intrigue:

nous faut donc encore pendant quelque temps des comités de furveillance.

Mais c'est précisément parce que ces établissemens nous font encore néceffaires, & qu'ils doivent durer un certain espace de temps, qu'il faut en éloigner tous les abus, qu'i faut que rien ne les écarte du but de leur inftitution. Les bons patriotes, les gens droits & purs ne doivent avoir rien à en redouter. Ces comités font comme les rever bères que les filoux feuls craignent, & qui contribuent à la sûreté des honnêtes gens; ils ne doivent donc pas répandre une lumière fauffe qui nuife à la vue & qui nous égare.

Ces comités, chargés de travailler dans le fecret, doivent être compofés d'hommes éclairés qui fachent aifément diftinguer la vérité de l'erreur, qui ne foient pas dupes d'un patriotifme trop ardent, qui pèlent tout au poids de la raifon, & qui ne laiffent rien au caprice & à l'arbitraire, encore moins à la paffion; car s'ils font le jouet de mouvemens déréglés, alors ceux qui ont été choifis pour protéger la sûreté des perfonnes, feront ceux qui la violeront le plus; alors il n'y aura de fécurité nulle part; ce comité fe changera en une véritable inquifition, & l'homme pur & vertueux fera le plus expofé aux violences, aux faifies arbitraires, aux incarcérations, parce que l'homme pur & vertueux a toujours pour ennemis les intrigans, qui fe trouvent par-tout, qui crient fort haut, & en impofent aux patriotes foibles & aux têtes mal organifées.

C'eft avec douleur que nous avons vu le comité de furveillance de Paris s'écarter des principes & fe livrer à des iupulfions fans doute étrangères. Ces opérations paroiffent avoir été la plupart abandonnées au hafard : & eft-ce au hafard qu'il faut abandonner la liberté des citoyens ? Rien ne paroît médité, calculé; on diroit que les mêmes perfonnes y font à la fois juges & parties; une dénonciation y eft auffi-tôt crue qu'entendue; & ajouter foi ainfi à toutes les dénonciations, c'eft le moyen d'en multiplier Le nombre & de leur ôter à chacune toute importance & toute utilité.

Si ce que la commiffion de l'assemblée nationale a rapporté à ce sujet eft vrai, on ne peut fonger fans fré mir aux effets horribles de la négligence & de la témérité de ce comité. Quoi! un innocent dont on ne s'eft pas même donné la peine de vérifier le nom, a été jesé dans les prifons & maifacré au 2 feptembre, pour avoir ref

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femblé à un coupable par quelques lettres (1)! On fent bien que lorique des noms font entièrement femblables on y aura fait encore moins d'attention. Un Roland eft accufé; auffi-tôt mandat d'arrêt contre le ministre de ce nom. On défigne un Ribbes comme coupable; fur le champ ce doit être le Ribbes de l'affemblée législative. A l'aspect de telles monftruofités, on le regarde les uns les autres d'un air effrayé; on fe craint mutuellement; on craint jufqu'à fon nom; on fe croit, malgré le témoignage de fa confcience, à la veille d'être pris, égorgé. De tels amis dé la liberté épouvantent autant que des tyrans!

Il est temps que de pareils défordres, que l'appréhenfion même de pareils défordres ceffe. Si la sûreté des individus fouffre de telles atteintes, fi tous les Français qui fe trouvent à Paris font ainfi menacés, fi les députés fe trouvent ainfi fous le glaive d'accufations vagues, hafardées & tardives, les départemens croiront, non fans fondement, que ce comité de lurveillance eft dirigé ou entrainé par une faction qui cherche à dominer la république; ils oublieront les fervices que nous avons rendus à la patrie; is fe défieront de nous, & finiront par nous hair. Nous laiffons au lecteur le foin de calculer les maux infinis qui résulteroient de cette fciffion; mais nous obferverons, en finiflant, que les députés des départemens font venus pour la plupart dans nos murs avec cette idée': c'est pourquoi oubliant que la meilleure garde des fonctionnaires publics eft l'opinion, ils ont voulu donner à la convention une garde compofée par tous les départemens; garde très-dangereufe à la liberté, fi l'affemblée fuccom boit elle-même fous une faction. Nous n'avons plus de garde du roi il nous faut, felon eux, une garde pour la convention, & formée comme celle de Louis-le-Traître, & de vingt-quatre mille hommes, Parifiens! voyez comme vous êtes avilis! Hâtez-vous de reprendre votre dignité & les droits que vous avez à l'eftime publique, en faifant de bons choix & en rempliffant votre municipalité nouvelle d'hommes étrangers à tous les partis, & de patriotes raisonnables.

(1) Le nommé Witingtin a été incarcéré au lieu de Witinkoff, & égorgé par le peuple.

DB

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