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litiques coincidant avec la police incertaine de l'intérieur Pour nous réfumer, les trois fameuses républiques qui firent tant de bruit dans le monde ancien, ne durent. leur éclat ou fuccès qu'à l'ignorance du refte des peuples, qui alloit, comme elles aimoient à le dire avec orgueil, jufqu'à la barbarie. La Sparte d'autrefois, à la place de la guerre d'aujourd'hui, ne feroit peut-être pas une plus bril Jante figure, preffée par des voifins non feulement plus puiffans, mais aufli éclairés qu'elle. S'il y avoit eu une France, dans l'état où elle fe trouve en ce moment, du temps de Lacédémone & de Rome, on n'eût pas plus pris garde à celle-ci que nous ne nous occupons de la république de Genève ou de celle de Saint-Marin,

Ainfi donc, tout en refpectant les mœurs de la belle anti-, quité, tout en admirant les chef-d'oeuvres qu'elle nous a laifles dans les beaux arts, Athènes, Sparte & Rome, quant à leur légiflation, n'ont rien à nous offrir capable de nous fervir de règle ou de préfervatif. De ce que les républiques. anciennes ont fait en politique, nous ne pouvons rien con-: clure, pour ce que nous avons à faire. Toutes les circonftances ont changé, & à beaucoup d'égards nous pouvons voir du même il les républiques contemporaines.

Nous fommes les premiers & les feuls qui donnons à la nôtre, pour bafes, les faintes loix de l'égalité, en cela d'un avis différent de la charte anglaife, qui admet un roi, une noblefle & deux chambres, haute & baffe. Les premiers & les feuls, nous fondons un gouvernement tout fraternel; puifions-nous avoir des riyaux! mais à coup sûr, nous n'avons point de modèle, nous n'imitons perfonne., Rome naiffante demanda des loix à la Grèce, laquelle avot elle-même tout emprunté à la vieille Egypte. Nous pre-nons une toute autre marche ; c'eft la nature feule que nous confultons pous remontons aux droits imprefcriptibles de l'homme, pour en déduire ceux du citoyen.

Mais cette république dont nous jetons les fondemens, & qui n'aura que le nom de commun avec toutes celles qui ont paffé & qui exiftent encore fur la terre, fuppofe de grandes vertus, & affujettit à des devoirs pénibles & multipliés; il nous faut dès-à-préfent renoncer à ces idées, fauffes & gigantefques de la vieille diplomatie, & nos. moeurs auffi doivent prendre le caractère de nos loix.

Sur-tout évitons le cercle vicieux dans lequel ont donné les peuples nos devanciers. Une obfervation dont il nous faut profiter, c'est que les Athéniens, les Spartiates & les Romains, tous trois commencèrent par la monarchie, qui ne tarda pas, comme on devoit s'y attendre, par degenérer en defpotifme; c'eft le cours naturel des chofes, ils pafferent enfuite au régime ariftocratique, puis ils en vin

rent à la démocratie; ils y reftèrent trop peu de temps, & retournèrent trop vite, par l'anarchie, au point d'où ils étoient partis, c'est-à-dire, aux tyrans décorés de titres de rois ou d'empereurs. La chute de ces trois peuples fut même encore plus honteufe. O comble de l'ignominie! ô déplorable viciffitude des chofes humaines! Lacédémone qui eut à fe glorifier de Lycurgue, Athènes qui ent Solon pour légiflateur, font maintenant fous le croiffant du muphti! Rome la fuperbe, qui reçut des loix d'un Numa, d'un Marc-Aurèle, végète maintenant fous la férule du pape!

Les Anglais n'en font encore qu'au période du régime ariftocratique. Plus heureux que ces infulaires jaloux & rivaux, nous avons fu enjamber du fceptre monarchique aux faifceaux de la démocratie républicaine.

Mais enfin, nous demandera-t-on, queft-ce que la république ?

En dernière analyse, & dans fon vérirable sens, c'est le meilleur de tous les gouvernemens; car c'est le gouvernement de tous. Un peuple républicain eft celui qui gère lui-même fes affaires. Le gouvernement républicain dit plus & mieux qu'un gouvernement purement représentatif; ce dernier étoit inconnu aux anciens, ou plutôt les anciens avoient preffenti combien ce régime eft fufceptible d'être neutralife, & combien il avoifine le mode ariftocratique.

Les républiques anciennes, ainfi que les modernes, n'étoient que des aristocraties tempérées; c'étoit toujours & par-tout le grand nombre gouverné par le petit ; mais la république, dans la véritable acception de ce mot, eût été prématurée pour le peuple ancien, comme elle l'eft encore pour les trois quarts des nations modernes ; la république fuppofe des lumières diftribuées également fur toute la furface du pays où elle fe trouve établie. Les anciens ne connoiffoient pas nos affemblées primaires; il eft vrai que la population de tous ces états qui font tant de fracas dans T'histoire, étoit peu de chose comparée à la nôtre. Toute une cité fe raffembloit dans une place publique, fur les banquettes d'un théâtre, &.opinoit du bonnet, qu'on nous paffe l'expreffion, fans entrer dans aucune difcuffion für le projet de loi propofé. Si nous voulons être long-temps libres, il ne faut pas que nos affemblées primaires fe paffent ainfi. Il y avoit donc dans l'antiquité des meneurs, des chefs d'opinion, comme nous en avons vu chez nous ; mais chez eux ils avoient beaucoup plus de fuccès, & des fuccès plus rapides, d'où on peut conclure que la masse du peuple d'autrefois n'étoit pas plus libre, ni plus digne de l'être que la multitude d'à préfent.

C'est à la convention à organiser nos affemblées primaires,

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de façon que la fouveraineté de la nation, qui réfide en elles ne foit point paralyfée par le défaut d'instruction, ou ne de vienne point un inftrument liberticide.

C'est à nous, citoyens, de nous mettre au plus tôt en état de gérer nous-mêmes nos affaires. Il ne nous eft plus permis, comme par le paffé, de refter indifférens fur ce qui fe passe autour de nous. Nous favons ce qu'il nous en a coûté pour -nous être expofés fur la foi d'un chef fuprême & de plufieurs administrateurs; cr ignons de mériter à notre tour les reproches que nous faifions à nos mandataires. Quel que foit le mode du gouvernement républicain qui va nous être propofé, & que nous allons fanctionner, tout notre falut dépend de nos affemblées primaires. Les affemblées primaires font les colonnes de la république : nous pouvons nous égarer encore une fois fur la répartition des pouvoirs que nous allons organifer; mais il nous fuffira de nos affemblées, primaires pour corriger les vices du nouveau gouvernement. Ayons toujours préfent à la mémoire que nous formons une républi que, c'eft-à-dire, que nous gérons nous-mêmes nos affaires, & la patrie eft fauvée. Nous dirons plus, il n'eft pas de mauvais gouvernement pour un peuple qui ne ferme jamais les yeux, qui eft à fa chose, préfent par tout: Dieu même se feroit donné la peine d'écrire les loix d'un peuple, fi ce peuple n'en furveille jour & nuit l'exécution, il ne tardera passà devenir efclave & malheureux. Si la Bible pouvoit être une autorité, nous citerions en preuve l'hiftorien des Hébreux.

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Citoyens, nous allons vous le répéter: la république eft le gouvernement d'un peuple qui fait lui-même fes affaires. Dans ce peu de mots font contenus vos droits & vos devoirs. Quelle honte pour vous, fi vos affaires alloient plus mal que lorsque vous en abandonniez la gestion à un roi, fans ofer entrer en compte avec lui!

Quest-ce qu'une république? c'eft un gouvernement où tout le monde eft libre, où perfonne n'eft maître, où chaque seitoyen a pour fa patrie la même follicitude qu'un chef de emailonsporte à la famille.

Queft ce qu'un franc républicain? d'eft un citoyen qui ane voit que des égaux dans fes femblables, & qui ne connoit au-deffus de lui que la loi & fes organes quand ils font en fonction. Un bon républicain, conformément à l'efprit de ce mot, est tout à la chofe commune, qu'il préfère à sout; ce n'eft point un froid égoïste, qui n'appréhende d'autre calamité publique que celle qui l'atteint.

L'Helvétien qui de cend de fes montagnes pour aller vendre fes fervices & fon fang à celui des defpotes de P'Europe qui le paye le plus cher, n'eft point digne du titre de républicain encore moins le Barave calculateur, qui Pentafe for dans des tonnes, plutôt que de repouffer le fer

des

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des Pruffiens: encore moins l'infulaire de la Grande-Breta, gne, qui ne s'eft point déclaré ouvertement contre notre révolution, parce qu'il en profite pour étendre fon négoce & fatisfaire fon âpreté pour le gain. Déformais le véritable, républicain doit fe trouver en France. Délivré d'une cour qui énervoit les uns & pervertiffoit les autres, le Français républicain doit renoncer à cette miférable prétention de donner à l'Europe le ton des modes nouvelles : déformais: il faut que la vue d'un Français faffe pâlir les defpotes fur leur trône, & éveille dans l'efprit de fes voifins le fentiment de la liberté & de toutes les vertus républicaines.: Citoyens! il faut vous réfigner d'avance à des privations, & vous réfoudre à des facrifices; mais les vraies richeffes les véritables jouiflances, font celles que nous donne un fol fertile fous un climat aimé de la nature. Nous avons l'un & l'autre. Que nous manque-t-il? Nous pourrions nous paffer de tout le refte de la terre; nous avons tout ce qu'il faut pour vivre indépendans des chofes & des perfonnes. Notre, territoire eft véritablement la patrie adop tive de la liberté, nous avons tout ce qu'il faut pour, nous faire refpecter & craindre du reste de l'Europe. On se trans-, porta long-temps à Athènes & à Rome pour prendre des leçons de goût & des modèles dans les arts libéraux : on vien-: dra dorénavant en France pour apprendre comment on traite avec les defpotes, & quel eft le culte le plus digne de la liberté.

Notre intérêt même fe trouve lié à la nouvelle forme de gouvernement que nous venons d'adopter, & l'avenir ne tardera pas à nous dédommager amplement des pertes) que la révolution préfente nous a fait effuyer. Perfévérons; gardons l'attitude que les circonftances heureuses: nous permettent de prendre. Jamais peuple n'a joué un plus beau rôle fur la terre, Nous fommes à la veille de voir toutes les nations nous tendre les mains, & implo-, rer notre affifiance pour les aider à détruire le defpo-; tifme & toutes les ariftocraties. Encore un peu de temps, & toutes les couronnes du monde connti viendront fe brifer contre le bonnet de la liberté françaife; encore un peu de temps, & tous les peuples brigueront l'honneur d'être les alliés de la république des Francs.

Extrait de la lettre du ministre de l'intérieur aux corps adminiftratifs, en leur envoyant la loi qui abolit la royauté.

«La convention nationale eft formée; elle prend féance; elle vient de s'ouvrir. Français.! ce moment folennel doit, être l'époque de votre régénération. Jufqu'à préfent vous avez été, pour la plupart, fimples témoins d'événemens N°. 168. Tome 14. B

qui fe préparoient fans que vous cherchaffiez à les prévoir, qui furvenoient fans que vous en calculaffiez les fuites, & dans le jugement defquels les paffions des individus ont fouvent mêlé des erreurs. La masse entière d'une nation, long-temps opprimée, fe foulevoit de laffitude & d'indignation; l'énergie de la capitale frappa la première le coJoffe du defpotifme; il s'abaiffa devant une conftitution nouvelle, mais il refpiroit encore & cherchoit les moyens de fe rétablir. Ses efforts multipliés l'ont trahi, & fes propres manœuvres, pour anéantir les effets de la révolution, nous ont amené une révolution dernière & terrible. Dans ces années d'agitations & de troubles, fi de grandes vérités ont été répandues, fi des vertus, méconnues des peuples efclaves, ont honoré notre patrie, de honteufes paffions l'ont déchirée.

» La France ne fera plus la propriété d'un individu, la proie des courtifans; la clafle nombreuse de fes habitans induftrieux ne baiffera plus un front humilié devant l'idole de les mains. En guerre avec les rois, qui fondent fur elle, & veulent la déchirer pour le bon plaifir de l'un d'entre eux, elle déclare qu'elle ne veut plus de rois; ainfi, chaque homme, dans fon empire, ne reconnoît de maître & de puiffance que la loi.

Il ne faut pas nous le diffimuler, autant ce glorieux régime nous promet de biens, fi nous fommes dignes de l'observer, autant il peut nous caufer de déchiremens, fi nous ne voulons approprier nos mœurs à ce nouveau gouvernement. Il ne s'agit plus de difcours & de maximes; il faut du caractère & des vertus. L'efprit de tolérance, d'humanité, de bienveillance univerfelle, ne doit plus être feulement dans les livres de nos philofophes; il ne doit pas fe manifefter uniquement par ces manières douces ou ces actes paflagers, plus propres à fatisfaire l'amour-propre de ceux qui les montrent, qu'à concourir au bien général; il faut qu'il devienne l'efprit national par excellence; il doit refpirer fans ceffe dans l'action du gouvernement, dans la conduite des adminiftrés; il tient à la jufte eftime de notre espèce, à la noble fierté de l'homme libre, dont le courage & la bonté doivent être les caractères diftinctifs.

» Vous allez, meffieurs, proclamer la république ; procla mez donc la fraternité; ce n'est qu'une même chofe. Hâtezvous de publier le décret qui l'établit, faites-le parvenir dans toutes les municipalités de votre département; acculez moi fa réception; annoncez le règne équitable, mais févère de la loi. Nous étions accoutumés à admirer la vertu comme belle; il faut que nous la pratiquions

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