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On a encore fait grand bruit d'une autre flotte appa rue fubitement dans la mer noire de l'Archipel. Mais d'abord ce bruit ne s'eft pas confirmé, & depuis un mois qu'il a été répandu, la flotte fans doute auroit été apperçue dans quelques points de ces mers; mais d'ailleurs ce paffage, par le Bosphore, de vaiffeaux de guerre ruffes, feroit une violation manifefte des traités fubfiftans entre la Ruffie & la Porte Ottomane; & certes, les Turcs ne feront pas affez fous pour familiarifer les Ruffes avec ce paffage.

En parcourant les autres contrées du Nord, on verra la Pologne déchirée de factions, à moitié fubjuguée par la force, ne pouvant rien contre nous par fes armes, nt pour nous que par de ftériles voeux; la Suède, dont le gouvernement actuel eft affez fage pour défirer la paix, & même de plus étroites liaisons avec la France, mais trop foible pour réfifter toujours aux follicitations impérieufes de Catherine II, qui exige en ce moment l'armement ftipulé par fon traité avec Guftave; le Dannemarck enfin, qui a l'habitude autant que le befoin de la neutralité, mais qui pourroit être entraîné auf dans les mouvemens de la Ruffie, dont il eft le fatellite inféparable. Au refte, il fera facile de juger bientôt les véritables intentions de la cour de Copenhague, par la conduite qu'elle tiendra en fa qualité de co-état de l'empire germanique.

Après trois ans d'incertitudes, de controverfes, de débats, de promeffes & de menaces, l'empire germanique, fé décidant lentement, fe remeant pefamment, a pris enfin la résolution de nous déclarer la guerre, & par conféquent de renoncer aux indemnités que la générolité française lui avoit offertes. On attend tous les jours le prononcé définitif de la diète de Ratisbonne contre la France; mais on attendra long-temps encore l'armée des cercles qui doit le mettre à exécution.

Plufieurs princes & états avoient devancé le jugement de la diète; d'autres états l'apprendront avec peine, & ne s'y foumettront pas fans contrainte. De ce nombre font toutes les villes impériales dont cette guerre ruinera le corsmerce, & peut-être rélecteur de Saxe, qui a le bon efprit d'aimer le repos de fes peuples & le fien. Mais les princes de la maifon de Heffe ceux de Bade, les électeurs ecclefiaftiques, l'électeur de Bavière, le duc

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Wirtember 99 déjà accédé depuis plus ou moins de ps an infinuations de l'Autriche & de la France. Ce fut long-temps, & c'est encore fans doute un fujet d'étonnement pour les hommes d'état, que l'alliance de ces deux mailons, effentiellement rivales & ennemies fous tous les rapports de localités, de prétentions, d'intérêts. Ce rapprochement a-t-il été le produit d'une vile intrigue, de courtifans? Eft-ce le fimple effet de l'erreur ou d'un mal-entendu? Ou cette inconcevable alliance ne feroit-elle qu'une de ces perfidies profondes dont la politique du cabinet de Berlin a fouvent donné le fcandale, & dont l'Autriche a été quelquefois la victime?

Ce qui paroit certain, c'eft que cette réunion de deux maifons rivales a été généralement improuvée par les grands hommes d'état de la Pruffe; c'eft qu'elle a achevé de produire à cette cour une fciffion dangercufe pour le roi, & dont les fuites font incalculables; c'eft que la guerre dans laquelle Frédéric-Guillaume a été entraîné, a excité dans les erats un mécontentement univerfel c'eft qu'il existe à Berlin une fermentation fourde qui s'accroit tous les jours, & dont l'explofion, plus ou moins prochaing, fera terrible, c'eft que cette guerre achève d'épuiler les tréfers amaflés avec tant de peine par le grand Frédéric; c'eft que le recrutement des armées eit devenu extrêmement difficile au Point qu'on point ne peut en ce moment, fans expofer la tranquillité de l'intérieur Savoyer au roi un renfort de trente mille hommes qu'il a demandé, c'eft que deja l'on n'apperçoit plus entre les cabinets, ni même entre les deux armées, cette confiance intime fi neceflaire pour la réuffite de pareils projets, c'eft qu'enfin l'on a des preuves que toutes leurs démarches ne fe font plus de concert

Peut-être pour bien juger la conduite de la Pruffe faudroit-il ne pas l'idoler de fes autres alliés plus anciens plus naturels, & fur-tout plus adroits Peut-être, ce qui nous paroît plus extraordinaire dans fa politique, trouveroit-il fon explication fuffante dans la lecrète influence des cabinets de Saint-James & de la Haie?. plus on fuppoferoit de concert entre ces trois alliés, moins il deviendroit indifférent de durveiller les démarches de l'Angleterre & de la Hollande.

Toutes deux ont pris ad referendum,&fe fort difpenTées de répondre à la propofition formelle que leur ont faite les cours de Vienne & de Berlin d'accéder à leur Trgue; toutes deux ont rappelé les amballadeurs qu'elles 'avoient à Paris; toutes deux ont renouvelé en même temps l'affurance de la plus exacte neutralité, mais avec une réserve commune concernant la perfonne du ci-devant roi; toutes deux ont témoigné vouloir continuer de vivre en bonne intelligence avec nous; toutes deux enfin ont promis folennellement de refpecter notre indépendance, & ne vouloir s'immifcer en rien dans les affaires du gouvernement intérieur de la France.

Il y auroit toutefois une témérité impardonnable à fe raffurer complétement fur les intentions réelles de cès deux puiffances; car c'eft-là fur-tout qu'il eft vrai de dire que fi en général les peuples y font favorablement difpofés pour notre révolution, les gouvernemens, au contraire, l'ont prife en haine, & que cette haine paroît fortement caractérisée. Si d'un côté l'intérêt du commerce 'national permet d'espérer qu'ils refteront fidèles à leurs proteftations de neutralité; d'un autre, nous avons peutêtre beaucoup à craindre des affections particulières de ceux qui gouvernent.

La Hollande, à la vérité, n'arme pas; mais elle donne exclufivement à nos ennemis, pour les transports, pour les emprunts, pour les achats d'armes & de munitions, toutes les facilités qui font en fon pouvoir.

L'Angleterre n'a équipé cette année qu'une foible efcadre,& cette efcadre eft même déjà rentrée dans le port, mais il ne paroît pas qu'on s'apprête à la défarmer, malgré que la faifon des évolutions foit paffée. Enfin on ne remarque, depuis un mois, aucun mouvement extraordinaire dans les ports de la Grande-Bretagne ; mais l'on fait que fa marine eft, dans tous les temps, fi bien ordonnée, qu'en moins de fix femaines elle peut avoir en mer une flotte confidérable.

L'Efpagne eft plus lente dans fes armemens, & c'est 'une des rafons de la moins redouter ; mais auffi fa malveillance contre nous eft plus vraffemblable. Des intérêts de famille, l'honneur d'un fang royal bleffé, le nom de Bourbon justement flétri parmi nous, ne font-ce pas, aux yeux d'un roi, de légitimes prétextes pour ravager la terre & verfer le fang des peuples? Il n'y a pas à douter un feul moment que l'Efpagne ne prenne une part

active dans cette guerre. Cependant, jufqu'ici le confeil de Madrid n'a arrêté aucune réfolution fixe: la fage citconfpection du premier miniftre s'eft trouvée d'accord, cette fois, avec les folles prodigalités de la cour, pour retarder cette décifion. On n'a donné encore que des ordres provifoires d'infpecter l'armée de terre, d'en vérifier l'incomplet, de préparer l'équipement éventuel d'une flotte; enfin de fortifier le cordon qui eft fur nos fron tières, moins pour nous obferver, que pour contenir Pimpatiente inquiétude des Catalans. L'armée de terre efpagnole, ne compte pas aujourd'hui au-delà de 25 mille hommes; mais la marine eft fur un meilleur pied.

On ne parlera ni des Suiffes, dont il faut peut être en ce moment refpecter les douleurs, dont il eft poffible encore de regagner l'attachement par quelques ménagenens, fans compromettre en rien la dignité nationale; ni de l'Italie, dont les petits princes font habitués à rester neutres, tant qu'on le leur permet, & à fe déclarer pour le plus fort, quand on les force de fe prononcer. Déjà nos armes ont châtié le plus infolent de ces princes: cet exemple févère nous répond des autres.

Des négociations importantes ont été entamées, & elles promettent une heureufe iffue; il en eft une fur-tout qui intéreffe effentiellement l'existence politique de la république françaife....

Suit le compte des fommes que l'affemblée nationale légiflative a remifes dans les mains du miniftre des affaires étrangères, pour les dépenfes fecrètes de ce dépar tement. Il ea réfuite que des fix millions décrétés le 26 avril dernier, il a été dépensé la fomme de 2,016,000 liv. y compris 500 mille livres accordées aux Belges & Liégeois par décret de l'affemblée nationale; & qu'il refte encore, tant à la tréforerie nationale, que dans la caisse du département des affaires étrangères, celle de 3,984,000 livres.

Il reste encore un autre dépôt. Il confifte en tabatières, montres, bagues à brillans, boîtes à portraits & autres effets précieux, que ci-devant on diftribuoit aux agens politiques étrangers, ou autres perfonnes, dont l'on recherchoit le crédit. La convention nationale jugera fans doute que ces richelles frivoles peuvent être employées plus utilement, en les échangeant contre du fer, le métal de la liberté.

Suite

Suite des lettres trouvées chez M. Delaporte, intendant de la lifte civile.

« Votre lettre, mon très-cher, a été pour mci comme le retour des hitondelles, qui nous annonce le printemps après le plus facheux hiver. J'écrivois à Jacques, mon coufin, pour favoir ce que vous êtes devenu au milieu de cette étonnante bagarre. Je ne vous dis rien de ce qui l'avoit occafionnée : j'étois bien d'avis de l'efcapade, mais jamais de la frontière, ni dé paroire mettre fa confiance dans la troupe. Le roi a été vendu dès le principe de l'entreprife: les ennemis favoient tout, & on a mis en œuvre les plus infames reflo ts pour irriter le peuple contre lui, fur toute la route. Graces à Dieu, il a échappé à tous les pétils dont ont l'avoit ferré, & fes malheurs touchent à leur fin. J'ai été afiez heureux pour lui faire parvenir, au nom de Dieu, une petite confolation au milieu du fel & du vinaigre dont on l'a breuvoit. Voyez la gazette de Durofoy, article : vous que je nofe nommer! Mon meflager s'eft avant & plus long-temps expolé que M. de Dampierre; les bonnes gens de mon village le voyoienr agir & parler; mais tous les ponédés étoient aveugles. Comment cela fé faifoit-il? C'eft le fceau d'en haut. La reine n'a caché ni la chofe ni le nom puifqu'on nous en a écrit; & vous, ferviteur de la maifon, vous l'apprenez de moi! mais pout le taire, & ne pas même m'en parler dans vos lettres. Le club des Jacobins règne encore à Epernay, par les racines qu'il a fu y prendre, en ramalant les fuppôts de l'ancienne faction; auli y parle-t-on d'arranger les aristocrates fur l'air de ça ira ; mais j'ai trop raifon de me railurer pour craindre ces malheureux - fanatiques. Oui, mon ami, oui, la chose va tourner à bien, autart qu'elle peut y tourner. Mais tout ek l'ouvrage du ciel, & il a encore fon coup à frapper, fans quoi il n'y auroit rien de fait. Il faut que notre fainte religion, attaquée depuis quarante ans par une foule d'impies, reprenne l'empire qu'elle doit avoir fur nous. Seafe, elle peut ramener les fujets à l'obéiffance, les troupes à la fubordination; feule, elle peut faire paroître le roi excufable des actes de clémence qu'il va être dans le cas de faire, comme des actes de févérité néceffaires; feule, quand les grands revien dront avec une foule de prétentions augmentées par la lifte des perfécutions qu'ils ont efluyées, & demandant vengeance, elle peut mettre dans la bouche du roi ; « Nous avions tous péché ; "nous avons tous été châtiés. Mon peuple a été fédu't, entraîné: je n'en veux qu'à fes corrupteurs en tout genre. Ses plaintes, au fond, étoient juffes. Je veux que tous les torts fojent re» dreffés; je veux qu'il jouiffe d'une liberté dont il ne puiffe faire » abus Áh! "?. que j'afpire à voir mon maitre, mon cher maitre, dans le cas de prononcer cette harangue!

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Je vous fuis bien obligé de toutes vos nouvelles ne m'en aillez pas manquer. Si vous prenez du reffort, tâchez de nous faire liquider. Je ne veux autour du roi que des domefiques de fon choix, qu'il puifle renvoyer quand il lui plait. Les gens en charge font trop à charge.

"Ce que vous penfez du maire de Paris eft juste N°. 168. Tome 14.

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