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Armées de l'intérieur. Les armées Pruffiennes fe retirent bien doucement, & nous les reconduifons bien poliment. On nous parle toujours de prifonniers faits, mais on n'a garde de nous en dire le nombre. Chez les Grecs, c'étoit un ufage que lorfqu'un étranger arrivoit dans une contrée, dans une vile, les habitans le rece-yoient avec beaucoup d'honnêteté, le reconduifoient fraternellemeat, & faifoient alliance avec lui. Il paroît que c'est ainsi que nous nous conduifons avec les Pruffiens. On parle déjà d'un traité fecret avec Frédéric-Guillaume. Il faut remarquer cependant que les Grecs ne traitoient pas de la forte les étrangers qui venoient chez eux à main armée. Ils eurent bien foin de tailler des croupières à Xerxès, & ils ne firent de traité avec leurs agreffeurs, qu'après avoir pendant dix ans porté la guerre dans leurs foyers. 11 et vrai que Thémistocle, qui vouloit fe ménager un afile en Perfe, en cas de befoin, ne fit pas autant de mal à Xerxès qu'il auroit pu; & en cela nos généraux reflemblent bien à Thémiftocle; cependant Thémistocle remporta des victoires.

Nous avons vu que Dillon avoit ouvert & enfeigné le paffage aux Heflois, & que Dumourier n'appella cela qu'une bravade. Nous croyons, nous, qu'une bravade n'étoit qu'une infulte, qu'une forfanterie faite à l'égard de quelqu'un plus fort que nous; la promelle, par exemple, faite par Dumourier de prendre les Pruffiensen trois jours, peut bien être appelée une bravade; mais la polttelle anti-civique que fait un officier à un ennemi vaincu offrant de le lailler pailer fans coup férir, ne peut point être appellée de ce nom.

en lui

Il y a une tactique dans la conduite des affaires. Quand un officier eft en défaut, on le charge d'une entreprife qu'on croit belle, & on efpère le laver par-là. Montefquiou, accusé & déjà condamné, eft averti fous main d'entrer en Savoie, & il y va; & auffi-tôt le peuple français & la convention de crier Montefquiou a raison, & nous avons eu tort. Dillon, accufé de trahifon, eft chargé de reprendre Verdun. On favoit bien qu'il feroit rendu; tout étoit concerté d'avance. Dumourier étoit venu fe pavaner à l'Opéra, parce qu'il voyoit bien qu'il ne pouvoit plus fe vanter de rien à l'armée. Il laiffa à Kellerman le rôle fubalterne de marcher tranquillement derrière l'ennemi, & à Dillon celui d'entrer dans une ville qu'il favoit bien qu'on lui céderoit.

Dillon n'a pas profité de la circonftance; il a fait avec l'ennemi une capitulation ridicule; la voici :

Copie de la lettre de M. Courbière, lieutenant-général au fervice de Pruffe, à M. A. Dillon, lieutenant-général commandant l'armée des Ardennes, datée de Verdun, le 11 octobre 1792. Monfieur, J'ai ordre du roi de vous marquer, en réponse à la fommation que vous m'avez faite, d'accorder demain, 12 du courant, dans la matinée, la porte de Secours qui fera occupée conjointement par les troupes du roi et par les troupes françaises.

Le terme de l'évacuation entière de la ville de Verdun pourra avoir lieu le 14, & les malades tranfportables fuivront fur des voitures du pays que l'on paiera.

Ceft d'après cela que je fuis autorifé à convenir des points de la capitulation; c'eft au refe avec les fentimens de la confidération la plus diftinguée que j'ai l'honneur d'être, Monfieur, votre trèshumble & obéiant ferviteur. Signé, COURBIERE, lieutenant-géné

ral au fervicé de l'rufle.

Certifié conforme à l'original, le lieutenant-général commandant l'armée des Ardennes. A DILLON.

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D'où vient que l'ennemi, en fuyant, paroît encore nous faire la lo? Le commandant ne femble pas céder à la néceffité de la guerre, à la loi du plus fort, mais à la bonne volonté de fon roi à notre égard. Il prend fon temps; il fixe lui-même les époques; il a foin même, pour montrer que tout le fait de bon accord, d'arranger les chofes de manière à ce que les Français gardent la ville avec les Pruffiens; il donne les munitions qu'il ne peut emporter; mais auf on lui laite tous les autres effets appartenans à la Prufe. Ce font deux amis qui troquent un logement, & qui s'arrangent pour les meubles, ou plutôt c'est le Pruflien qui eft vainqueur, car il prescrit les conditions.

Nous ne demenderions pas, comme le député Choudieu, que les généraux n'eulent pas le droit de dreller des capitulations, cela feroit quelquefois très-dangereux; mais il faut examiner s'il les font comme ils doivent les faire ; & s'ils prévariquent, les punir.

Lille. Le fiége de cette ville eft levé & nous avons peu de nouvelles fraîches à en donner; mais c'eft concourir à ce tribut d'admiration & de reconnoillance que la république entière doit aux bra-. ves Lillois, que de recueillir & de publier tout ce qui peut retras cer quelques traits de leur héroïque conftance. C'est dans cette vue que nous confignons ici les détails fuivans choifis parmi tant d'autres. Nous les trouvons dans une lettre adreflée le 6 de ce mois au directoire du département du Nord, par les adminiftrateurs du district: de Lille.on

Pendant le fiége, on jouoit à la boule avec des boulets fur la grande place, où il en tomboit abondamment, et l'on en apportoit d'autres dans des baquets. Le 5 un ouvrier tiroit à lui un boulet rouge avec fon chapeau, le chapeau brûla: d'autres qui étoient à la pourfuite du boulet, le coifferent en cérémonie d'un bonnet rouge. Un autre voyoit fa maifon près d'être incendiée, mais avant d'y portet du fecours, il voulut mettre en fûreté le bonnet de la li berté qui étoit fu le coq du clocher, à côté de fa maison.

Les bombes qu'envoyoient les Autrichiens contenoient des petites phioles d'huiles de thérébentine, et quand elles faifoient explosion, Phuile enflammée s'attachoit aux boileries & les brûloient.

Un boulet rouge tomba fur le coin du grenier de la maison du fieur Grenet, émigré, rue des jéfuites; ce coin de grenier étoit féparé du' refte du bâtiment, par un mur affez épais, que la recherche du boulet a déterminé les gardiens à ouvrir leur furprise fut extrême en trouvant là une quantité prodigieufe de meubles, de glaces, & autres effets précieux. Il y en avoit jufqu'aux faîtes de la couverture. Le procureur-syndic ayant été prévenu de ce fait, a été infpecter" les lieux et l'on étoit encore occupé le lendemain à transférer ces effets. 11' n'eft pas néceflaire de dire que les braves fans-culottes ont refpecté cette propriété nationale.

11 eft bien trifte après avoir occupé nos lecteurs de ces actions généreufes, d'avoir à leur parler des querelles des officiers: deux hommes fe difputoient. L'un appeloit ton adverfaire un coquin, & l'autre lui renvoyoit cette qualification; ils ont raison tous deux, dit un paffant qui les connoiffoit: n'avons-nous pas à craindre qu'on ne pulle dire peut être la même chose de Labourdonnaye & de Duhoux, qui's'accufent réciproquement d'être des confpirateurs.

La lettre de Lebourdonnaye ne prouve rien en fa faveur le ton en eft peu digne d'un républicain. C'eft une animofité, c'eft une haine perfonnelle qui y perce d'un bout à l'autre. Qu'est-ce qui choque le plus, qu'est-ce qui a frappé d'abord le général ? C'est que la convention nationale ait accordé les honneurs de la féance N°. 171, Tame 14..

E.

à Duhoux. Voilà ce qui allamme en premier lieu fa bile, & l'on voit percer dans ce reproche le petit e prit de nos ci-devant. Il accufe Duhoux d'être intimement lié avec les Polignac. Voilà une imputa-` tion grave. Si elle est vraie, elle retombe fur le miniftre de la guerre. Comment peut-on avoir laillé pénétrer dans nos armées, un homme qui avoit la moindre liaison avec cette famille dévastatrice? on vouloit donc perdre la France: toute négligence à cet égard et non crime.

L'indignation n'empêche pas de rire lorsqu'on entend Labourdonnaye parler de fes difpofitions pour fecourir Lille. Il falloit done bien du temps pour les faires Apparemment que Labourdonnaye fe difpofort à la fecourir quand elle feroit prife, ou ruinée. Dilons le mor: Labourdonnaye et Duhoux ne s'aimaient pas; ils ne vou loient pas avoir aftuire un avec l'autre, ils ne vouloient pas fe Trouver en face. L'amour propre de Duhoux-fe trouvoit mortifié de rendre le commandement. Labourdonnaye ne se soucioit point d'être dans le cas de continuer certaines opérations de Duhoux. Et dependant fous leurs yeux Lille tomboit en ruines.

Ce Labourdonnaye fait déjà le petit Lafayette, comme lui il veut donner des loix à l'affemblée nationale: il faudra hientôt que pour admettre aux honneurs de la féance l'affemblée confulte préliminaicement nos généraux. La convention a eu tort ; nous le croyons. Il ne falloit point inviter à la féance un homme accufé & non encore juftifié, mais il ne falloit pas que le général Labourdonnaye le lui Reprochât fi durement, & 'impérieufement. Quand nos généraux auzont raifon, s'ils ne s'accoutument pas à être modeftes, s'ils ofent donner des leçons à l'affemblée nationale, ils lui en donneront bientôt quand ils auront tort. De façon ou d'autre la liberté eft perdue: quand l'armée domine, un peuple eft efclave.

1

P.S. Dillon vient d'être deftitué par le confeile exécutif; c'eft le général Valence qui a pris le commandement de fon armée.

1.

CONVENTION NATIONALE.

Seance du vendredi 12 ottobre 17920

Le fecrétaire Guadet lit un arrêté de la fection de Marseille, qui, invitée par la lection du Marais à nommer des commiffaires pour obtenir la révocation du décret qui ordonne que les nominations feront faites par voie de fcrutin a déclaré * que, perfiftant dans fon premier arrêté, elle feroit tes nominations par appel nominal; & que fi un décret contraire lui étoit notifié officiellement, elle prendroit, dans fa fageffe, les mesures néceffaires pour en obtenir la révocation. Plufieurs membres ont demandé un décret d'accufation contre Mo moro, préfident, & Peyre, fecrétaire, tous deux fignataires de l'adreffe. Décrété qu'ils paroîtron: à la barre. Une lettre des commiffaires envoyés à l'armée du Midi,

a appris que le général Montefquiou avoit licencié plufieurs bataillons de volontaires. Ces commiffaires demandent une prompte explication du décret qui permet aux volontaires de fe retirer après la campagne. Des lettres du confeil-général de l'Isère ont appris que les trois bataillons licenciés étoient de ce département, & qu'ils avoient été requis extraordinairement par Montefquiou. qui n'en ayant plus befoin les avoit renvoyés. Le coni-général demande qu'on leur indique leur pofte..

Décrété que la caiffe de l'extraordinaire, verfera 145,370,627 livres dans celle de la trésorerie, nationale, pour la mettre au pair.

Le minißre des affaires étrangères a fait part d'une lettre de Berlin, qui annonce le mécontentement des habitans de cette ville, & leur mauvaise opinion de la Euerre.

Sur le rapport du comité de légiflation, le premier arocle du renouvellement des corps adminiftratifs à été décrété en ces termes :

Article premier. Il fera, dans la forme & les délais ci-après fixés, procédé au renouvellement de tous les corps apminiftratifs, judiciaires, municipaux, juges de paix, affefleurs des juges de paix, tribunaux de com-merce, bureaux de conciliation, ainfi que de leurs fer crétaires & greffiers, & des fuppléans des juges.

Dumourier a paru à la barre, il a rapidement rendu compte de fa conduite; la convention l'a beaucoup applaudi, & l'a admis aux honneurs de la féance.

Samedi 13. Le général Cuftine fe louant beaucoup de la tenue & de la difciplice de fon armée, a envoyé l'état des munitions & approvifionnemens trouvés dans Spire & Worms; il confifte en 36c0 tonneaux de farine, 12,000 facs d'avoine, plufieurs milliers de quintaux de foin, une grande quantité de guêtres & de fouliers, & beaucoup d'effets de campement. La recette des impofisions qu'il a mifes fur le chapitre & le bourguemestre le monte à un million.

Le préfident & le fecrétaire de la fection de Marfeille, mandés à la barre par un décret, y ont été introduits. Le préfident a dit que la fection avoit, conformément à la loi, procédé à la nomination du maire de Paris par fcrutin fecret; l'affemblée, fur cette décla ration vérifiée fur les regiftres de la fection, a palle à l'ordre du jour, en accordant aux préfident & fecrétaire les honneurs de la féance.

On a lu des lettres du général Arthur Dillon, qui annoncent que les Pruffiens évacuent Verdun, & que nous entrons dans cette place. La fommation faite par Dillon au général pruffien, & la réponse de celui-ci, qui étoient jointes à la lettre de Dillon, ont été renvoyées au comité chargé d'examiner la conduite de ce général. Des lettres d'Allemagne, envoyées à la convention par le ministre de la guerre, ont appris que l'électeur de Trèves avoit pris la fuite, & que l'armée françaife avoit été reçue avec de grandes démonftrations d'amitié à Ramftad & à Francfort.

La municipalité de Courbevoie a préfenté à la convention des drapeaux trouvés enfouis dans la caserne des Suiffes à Courbevoie. ( Accepté. )

Après avoir entendu un rapport au nom du comité de la guerre, l'affemblée a decrété ce qui fuit:

1o. A compter du jour de la publication du présent · décret, dans toutes les manufactures nationales d'armes il ne pourra être fabriqué d'armes que pour le compte de l'état, & en vertu de commandes ordonnées par le miniftre de la guerre, ou de marchés paffés par lui.

Le miniftre de la guerre eft fubrogé dans tous les marchés & commandes qu'auroient pu faire les corps adminiftratifs & municipaux, ou autres autorités.

2o. A compter du même jour, aucune administration, aucune municipalité, aucun particulier ne pourront faire de commandes ni aux manufactures nationales, ni avec les entrepreneurs particuliers chargés d'exécuter des fournitures commandées par le miniftre.

3°. Le confeil exécutif provifoire eft feul chargé de procurer des armes aux armées & aux citoyens armés des départemens.

4°. Il ne fera fabriqué des fufils qu'aux deux modèles de 1777 & 1763. Toute autre fabrication eft provifoirement défendue.

5. Chaque fufil du modèle de 1777 sera payé 22 liv., & chaque fufil du modèle de 1763 fera payé 35 livres; le tout comptant fans indemnité, après la livraison & l'épreuve.

Dimanche 14. Un fecrétaire a lu une lettre des commiffaires près l'armée du Nord, datée de Cambrai; elle apprend que les gendarmes de la première divifion, & après eux ceux de la feconde, ont fait donner la liberté à plufieurs prifonniers détenus dans la citadelle de Cambrai; que le commandant de la citadelle ayant voulu

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