Il n'est point de particuliers qui puissent former une claffe à part, comine en formoit à lui feul le roi des François, il n'est point de particulier qui eut à fui seul au moins la moitié de la puissance législative par un veto, et le pouvoir exécutif suprême, il n'en eft point qui fût le repré'entant héréditaire de tout un peuple. Ces qualités, ces prérogatives donnent à ses crimes plus d'intensité, & un caractère bien plus public à sa personne: on ne doit point le juger comme un simple citoyen. , Ce n'est pas qu'il faille ajouter des articles au code pénal à cause du ci-devant roi; nous savons trop ce grand principe que Rouffeau a fi b en démontré, que la loi ne peut statuer sur un objet individuel, autrement le peuple se trouveroit juge & partie. Nous ne demandons point que l'on décrète un genre de fupplice nouveau pour ce nouveau coupable. Non : quoique toutes les peines déjà portées par le code pénal, foient infiniment trop douces, quoiqu'elles n'aient aucune proportion avec les crimes de ce traître nous voulons les lui appliquer, afin qu'au lieu d'accuser le peuple Français d'une injuste vengeance, tout l'univers admire sa clémence, son humanité. Oui, fon humanité ! qu' n se rappelle les tortures prolongées, les fupplices épouvantables que les rois font convenus de faire endurer à leurs affaffins! les cheveux dressent au seul récit des barbaries exercées fur Damien, Ankastrom et quelques autres. S'il étoit un enfer au pouvoir des rois, ils y eussent fait tourmenter éternelleinent ces malheureux; cependant ils n'avoient frappé qu'un homme, le plus souvent un monstre; & nous, qui avons à venger dans la personne d'un seul l'affaffinat prémédité de plusieurs milliers de citoyens, & le projet conftaté d'enchaîner ou d'égorger la nation entière, nous nous contentons de faire lubir à ce grand coupable le châtiment commun que la loi inflige à tous les fcélérats, & qui leur ôte la vie dans un instant plus prompt que l'éclair. Pourquoi ? C'est qu'une nation, toujours jufte quand elle se gouverne elle-même, en faisant périr un coupable, ne voit que la nécessité (qui cependant n'est pas constatée à beaucoup près) de retrancher de la société un membre qui a violé le pacte social par un grand attentat, & que refpectant l'homme dans l'hommə jusqu'au dernier moment, elle ne veut que que lui donner Ja mort, en lui en sauvant, s'il se peut, les horreurs. Mais les tyrans au contraire ont besoin d'effrayer par l'appareil des plus affreux fupplices celui que l'excès de leurs forfaits porte chaque jour à les poignarder. Revenons. Il ne s'agit que de jeter un grand éclat sur la cause Bz de Louis-le-Traître, de donner la plus grande publicité à la procédure, d'entourer ce roi enchaîné par le peuple de tout l'appareil qui environnoit le roi déchaîné contre le peuple. Puifque 'les rois aiment tant la pompe, il faut les entourer de pompe jusque sur l'échafaud! Quelques-uns prétendent qu'il suffit pour cela de créer, d'après les anciennes formes, un tribunal fuprême qui jugera Paniverfalité des crimes de Louis XVI; ils ajoutent que fi le tribunal actuel étoit chargé de cette affaire, il y auroit encore cet inconvénient que cette procédure étant immenfe, puisqui n'y a aucun point dans la république où la scélératesse de Louis-le-Dernier ne se soit fait fentir, elle absorberoit pendant un long espace de temps toute l'attention des juges: ils auroient à suivre la trace des perfidies de ce monftre jusque dans les cours, jufque dans les cabinets étrangers; ils ne pourroient s'occuper de long-temps d'aucune autre affaire, & alors les autres accufés gémiroient inutilement dans les Tritons; la procédure de Louis entraveroit toutes les autres procédures, & fous les liens d'une accufation, il arrêteroit encore le bras de la justice levé fur les coupables, corame il l'a fait tant de fois lor qu'il étoit fur le trône; & que, pour parer à cet inconvenient, il faudeot erblir un nouveau tribunal qui jugeroit tous les confpiratens tubalternes. D'autres pensent qu'il vaudroit mieux que ce tribunal fût établi pour juger, d'une manière plus impofante & plus authentique le ci-devant roi, & que celui qui existe pût continuer fans délai fes opération djà commencées. La majorité des opinions feinble donner à la convention nationale le pouvoir de juga Louis XVI, foit en se formant en cour judiciaire, for en nom nant une commission à cet efiet: nous n'entrerons point ici dans la discussion de cette question importante; eile doit faire la matière d'un article subséquent. Nous avons réuni en masse tout le corps de preuves que nous avons dû étendre & développer. Nous ne sommes pas forcés dans cette affaire de suivre la conftitution, parce qu'elle a été anéantie dans tous ses points. Nous avons le droit de l'anéantir d'après la constitution même, & fi nous nous trouvions liés par quelqu'un de ses articles , nous le ferions par tous. D'ailleurs, si jamais conftitution cût pu lier un peuple, ce n'étoit pas la notre, puisque le roi nous l'avoit fait jurer de force, puifque c'étoit lui-même qui l'avoit dictée, & en particulier Pticle que l'on invoque dans ce moment. Enfin, ce contrat paffé entre nous & Louis ne nous engage à rien, puisque Lou's ''a rompu le premier. Mais supposons encore que l'on doive suivre la constitution; elle n'a point prévu le cas dont il s'agit; elle n'a dit nulle part qu'il ne falloit point punir un roi s'il faifoit assaffiner le peuple. Son inviolabilité, si absurde pendant son règne, he subsiste plus après sa déchéance, le filence même de cette constitution le prouve: donc fans la constitution comme par la constitution, ce n'est donc point la simple déchéance, mais une peine proportionnée à ss crimes que Louis XVI doit encourir; c'est ce qu'il falloit d'abord démontrer. Suite des obfervations fur la maison militaire de la convention. La convention nationale vient de décréter une maison militaire à fon service, fournie par les quatre-vingt-trois départemens. , Un. mesure auffi étrange, dont ne s'est point avisée Tassemblée conftituante aux époques les plus orageuses, & dans fes jours de corruption a de quoi surprendre. On se demande quels motifs ont pu confeiller aux représentans d'un peuple républicain d'élever entre eux & lui une barrière aufli injurieuse pour la fection de la république où fiége la convention. Nous avons interrogé r'opinion publique, & ce sont ses résultats que nous avons contignés déjà dans un article de notre dernier numéro, 'page 117. Mais le rapport contenant le mode d'exécution de cette garde n'avoit pas encore paru; aujourd'hui qu'il est public, cherchons-y les raisons qui ont porté nos législateurs à un expédient de cette nature. Le rapporteur commence par établir pour principe que tout ce qu'il y avoit de personnel est anéanti ou va l'être. Le despotisme n'est plus, l'aristocratie n'est plus. Et pourquoi donc, inconiéquent Buzot, proposes-tu une mefare personnelle aux membres de la convention, une meture tendante à rappeler le despotisme qui n'est plus, à reffufciter l'ariffocratie qui n'est plus? Légoïsme ne fauroit fubfifter. Il ne fubfute plus en effet pour la grande majorité du peuplefrançais, qui depuis quatre années facrifie son temps, ses biens, toute ton existence au triomphe de la liberté. Majs vous tous, membres de cette cabale qui demande à grands cris dans la tribune de la convention une garde nombreuse d'nommes de cinq pieds trois pouces au moins, vous êtes de lâches & vains égoïstes qui ne pensez qu'à vous, qui ne voyez que vous dans l'empire, & qui, roulant dans vos cerveaux etroits de sinstres desseins, voulez apparemment vous en affurer d'avance l'impunité. La republique est une confederation fainte d'hommes qui Se reconnoiffent femblables & frères. Eh! fi nous sommes tous semblables, tous frères, à quoi bon appeler de tous les points de l'empire une garde autour de nos représentans? Ne font ils pas au milieu de leurs frères à Paris, comme ils le feroient par- tout ailleurs ? : Les représentans appartiennent à la nation; donc la nation doit être appelée à les honorer de sa vigilance, ou à les couvrir de fon égide. Oui fans doute, des quatre coins de la France tous les regards font tournés sur la convention, & tous les bras s'armeroient en même temps pour ele. Au premier bruit d'une invafion qui menaceroit Paris, les départemens viendroient tous se ranger autour de cette ville comme le fang se porte vers le cœur au plus léger chọc. , Il convient de faire concourir les départemens à la garde des dépôts & des établissemens, qui, fitués dans Paris font cependant la propriété de la nation entière. , En ce cas Paris qui, par sa population, forme le vingt - cinquième de la république, demandera aufli à concourir à la garde de nos manufactures d'armes de Maubeuge, Charleville, &c. de nos arsenaux de Toulon, Marseille, &c. de nos hôtels des monneies, de nos ports de mer, de nos forteresses. Légiflatenrs graves! quel pitoyable fubterfuge! car vous n'ignorez pas qu'aucun dépôt public n'a été violé; mais vous avez bien senti que faire venir 5000 citoyens à Paris pour vous seuls feroit aussi par trop révoltant. Le regard des législateurs n'a rien de commun avec le coupd'œil vulgaire de l'homme qui ne voit que le petit territoire de sa ville; il plane fur l'empire. Buzot, vous n'êtes qu'un phrafier; mais peut-être eftce un avis que vous donnez à ceux de vos collègues qui ne voient que l'enceinte de la salle où ils s'affemblent, & qui s'imaginent bonnement qu'on les croira eux-mêmes de grands hommes du moment qu'ils auront à leur service des foldats de cinq pieds trois pouces au moins, fans compter le bonnet. On s'amufa beaucoup à la cour d'un certain petit duc de Gevres, tout bossu, tout rachitique, qui avoit la manie de ne prendre à son service que de grands laquais de cinq pieds trois pouces au moins. Mais suivons le génie de M. Buzot qui plane sur l'em pire. Paris doit voir dans votre attention pour unir les dépar remens à lui par le partage des mêmes fonctions un écla tant témoignage de bienveillance, de justice & de reconnoisfance. Dis, Buzot, une preuve infigne du détestable esprit & de la mauvaise foi de la faction dont tu es l'organe. Paris ne voit dans ton projet que l'intention bien marquée de l'humilier, de le dénoncer aux départemens comme un ramas de factieux, d'infubordonnés, de gens qui se mêlent de tout & aiment à se rendre compte. Paris a fait la révolution ; mais la révolution feroit anéantie si le peuple des départemens n'avoit jaré de foutenir la révolution. Cela est vrai. Eh bien qu'en conclure ? C'est que Paris qui, pour nous fervir des propres expressions du rapporteur, a honoré l'assemblée conftituante & le corps législatif de fa vigilance, & qui les a couverts de fon égide, faura bien encore surveiller & garder la convention, fans qu'il foit besoin de déplacer 5 à 6 mille de nos frères des départemens. Buzot n'est pas de cet avis dans son apoftrophe oratoire à Paris. Ville fuperbe & fortunée, s'écrie notre phrasier, tu montres avec orgueil les fources de lumières qu'alimentent & grofsissent les tributs qu'on vient t'offrir de toutes pars, les vertus d'un petit nombre d'hommes qui font venus les exercer dans ton fein. C'est précisément à cause de cela que la convention ne fauroit être mieux placée qu'à Paris. Paris a tout ce qu'il faut pour la furveiller & la garder. De l'aveu même du rapporteur, Paris est comme le centre où viennent aboutir les lumières & les vertus de tous les départemens; ils n'ont pas attendu un décret pour contribuer, chacun felon fes moyens, à rendre Paris le séjour convenable à des législateurs qui ne fauroient être environnés de trop de forces & de facultés intellectuelles. Ainfi done, on a prévenu le vœu de la convention. Il est vrai que les fans-culottes, s'ils rempaçoient la gendarmerie qui fait le service auprès de l'assemblée, & qui feroit beaucoup mieux fur les frontières, n'auroient pas tous cinq pieds trois pouces au moins fans le bonnet; mais s'il ne falloit que cela pour fatisfaire la faction qui l'exige, il ne feroit pas impoffible, en cherchant bien dans tout le département de Paris de rassembler quatre milliets de gardes de cette taille. , |