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doit punir? Et fi un code se trouvoit composé ainsi, ne feroit-il pas nul par cela même ?

J'entends d'ici nos adversaires répéter leurs argumens favoris, & nous dire: Pourquoi donc avez-vous juré cette conftitution? Et puisque vous l'avez jurée, comment ofezvous violer vos fermens?

Nous pourrions dire qu'un serment ne nous engage qu'au tant que notre confcience garde les mêmes lumières, & qu'elle persiste à voir le bien dans l'accomplissement du serment qu'elle a prononcé, mais nous répondrons d'abord que ce ferment que l'on fait tant valoir a été forcé, & qu'ainsi il est nul, qu'ainsi il ne nous engage à rien.

Lorsque la royale famille fut allée, suivant l'expreffion de Louis XVI, faire fes farces, ce ne fut qu'un cri dans tout Paris & dans tout l'empire qu'il falloit faire le procès à ce lâche déserteur. Des mouvemens patriotiques éclatèrent dans la capitale & dans tous les clubs civiques. Des pétitions furent envoyées de divers départemens, elles demandont la déché ne du roi; de là il n'y avoit qu'un pas à l'abolition de la royauté, plusieurs le franchiffoient déjà & l'exigeoient. Les patriotes de Paris se rassemblent au champ de Mars pour rédiger & signer une pétition qui renfermoit ces deux points principaux. Le vœu général commençoit à se manifester; c'étoit le même vœu que les bons citoyens connoissant enfin leur force & leur majorité ont, fait éclater le 10 août. Mais l'assemblée constituante étoit d'intelligence avec le prévenu; dès-lors les pétitions des départemens restèrent ensevelies dans les comités, & ne virent point le jour; une troupe de fayettistes en habit bleu, avec fufils, fabres & canons, tomba sur les pétitionnaires du champ de Mars, qui conformément à la loi étoient fans armes, tua & massacra depuis huit heures jufqu'à onze. Dans tout le cours du mois suivant, des décrets de prise de corps, des mandats d'arrêt étoient continuellement lancés contre les patriotes; les directoires, les tribunaux de départemens imitèrent ceux de Paris; & lorsque Louis-le-Traître accepta la constitution qu'il avoit faite luimême, il fallut bien accepter aufli & répéter son ferment; trop heureux d'en être quittes à ce prix, de ne plus gémir dans les cachots, de ne plus trembler fous le fer des affaf sins. C'est le poignard sous la gorge qu'on nous a fait jurer; la constitution n'a donc point été jurée librement par le peuple. D'ailleurs il ne l'a pas faite, il n'a pas eu même

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le temps de la méditer. Cette constitution est l'ouvrage du plus grand ennemi de la France; nous ne sommes done aucunement obligés aujourd'hui de la fuivre.

Cette constitution ainsi fabriquée, on s'est bien gardé de la faire sanctionner par le peuple: on sentoit bien qu'elle n'étoit faite ni par lui ni pour lui; mais on l'a fait fanctionner ou accepter par le roi, parce qu'elle étoit faite par le roi & pour le roi. Rien ne nous lioit, rien ne peut nous lier à la conftitution, Louis XVI seul se trouvoit lié par fon acceptation & ses sermens; il avoit fait avec nous de cette manière un contrat frauduleux qui étoit tout à son avantage. Son intérêt comme son devoir étoit de le suivre.

Mais ce Louis si avantagé par ce contrat a été le premier à le rompre. Le premier il a cherché à le détruire, le premier il a violé la constitution, & a tâché de la renverfer; c'est donc lui-même qui a voulu annuller le contrat; il il n'en peut plus réclamer aucun article. Puisque malgré toutes les raisons qu'il avoit de maintenir ce traité, il re l'a pas cru obligatoire pour lui, il ne peut pas l'être pour nous. Il s'est condamné lui-même.

Il est donc évident que sous quelque point de vue que ce soit, nous ne sommes pas obligés de tuivre la conftitution: il ne peut pas y avoir d'exception pour le jugement de Louis-le-Traître; ce n'est pas d'après la constitution qu'on doit le juger.

Malgré tant de preuves irréfragables, nous voulons bien cependant encore supposer, pour contenter tous les efprits, que nous devions suivre à l'égard de ce traître la la constitution entière. Eh bien! la constitution même ne nous empêche pas de le juger suivant la raison, la justice.

Si l'on veut suivre la constitution, il ne faut lui faire dire que ce qu'elle dit; il ne faut point lui faire dire ce qu'elle ne dit point; nulle part elle n'a dit qu'on ne dût point juger le roi pour les crimes dont celui-ci s'est rendu coupable.

Quels font les crimes royaux que la constitution a prévus? Ils se bornent à trois. Le refus ou la rétractation du ferment; fa fortie du royaume & fon refus d'y rentrer après l'invitation du corps législatif; enfin le commandement d'armées ennemies pris par le roi, ou sa non-oppof tion par un acte formel à l'entreprise des ennemis. Voilà les seuls cas prévus par la constitution.

• Elle inflige la même peine pour ces trois crimes: la dé chéance.

Elle n'a pas supposé d'autres forfaits dans un roi; elle n'a pas indiqué d'autres peines pour d'autres forfaits.

Elle n'a pas prévu qu'un roi commanderoit le massacre du peuple, qu'il parcouroit en perfonne le rang des foldats pour les exciter à faire feu sur les français.

Si un roi se trouve donc fouillé de tels crimes, c'eft d'après la raison universelle, c'est d'après les loix communes qu'il doit être jugé.

Qu'on ne dise point qu'il ne doit pas l'être, parce que la constitution a déclaré sa personne inviolable & facrée. Cette phrase est assez absurde en elle-même ; elle put assez l'idolatrie pour qu'on ne lui donne pas un sens plus étendu qu'elle ne l'a. Cela signifie qu'aux yeux de cette conftitution facrilége le roi est inviolable & facré tant qu'il est roi; cela signifie qu'il est inviolable & facré tant que sa déchéance n'est pas prononcée; mais dès qu'il est descendu du trône, cette même constitution déclare qu'il rentre dans la classe des particuliers.

Cette inviolabilité qui couvre un roi pendant tout fon régne, annonce non-feulement des législateurs esclaves, mais des législateurs stupides; elle est réellement imprat cable. On l'a dit cent fois: quoi! fi un farouche tyran vient violer ma femme ou ma fille, attaquer en se jouant mes propriétés ou ma vie, quoi! mon premier mouvement, mon premier devoir ne feroit pas de poignarder ce tyran couronné? Quoi! je ferois puniffable pour avoir vengé la vertu outragée! Non, ce ne peut être là que la doctrine des sérails de la Turquie; & la nature, plus forte, plus jaste que vos loix, me crie qu'il n'y a de sacré que la

vertu.

Quoi! je verrois un Charles IX tirer sur les Français, je verrois un Louis XVI conjurer la perte d'un peuple entier, couvrir une surface de deux cents quarante lieues quarrées de sang et de carnage, attirer par d'horrihles perfidies les ennemis dans nos foyers tout en feignant de les repousser par des actes formels, nous livrer fans défense, piés & mains liés à de lâches Autrichiens, & nous n'aurions pas le droit de donner la mort à ce monstre, quand même. il feroit encore roi constitutionnel! La déclaration des droits ne dit-elle pas que le devoir des peuples et des particuliers est de résister à l'oppreffion? Comment réfisterons-nous si

nous

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nous ne frappons pas le monstre au milieu de ses crimes? comment résisterons-nous, si par un exemple salutaire nous n'effrayons tous ceux qui oferaient l'imiter? quoi ! nous laisferons nos femmes nos enfans, nos frères fans vengeance! Quoi! parce qu'un particulier aura fait mourir un feul citoyen, il périra, & celui qui aura été l'affaffin de toute une nation restera impuni parce qu'il porte une couronne ! Tous les confpirateurs qui ont payé de leur tête leur láche complaifance pour le tyran, tous ceux qui vont satisfaire de la même manière à la vengeance des loix n'auroientils pas le droit de vous dire du fond de leur tombe ou de leurs cachots: c'est à cause de lui que nous sommes punis, et il ne l'est pas; c'est pour lui, c'est avec lui que nous confpirions, et vous l'épargnez! vous épargnez les grands les grands criminels, et vous ne frappez que les petits; vous n'êtes ni justes, ni libres, et si louis ne périt pas, notre mort est un crime. Non: nous n'avons jamais pu jurer une telle infamie, même sous le couteau des tyrans; non ce n'est pas ainsi que nous avons entendu cette horrible inviolabilité qui d'un scélérat fait un dieu, ou si nous l'avons promise, soyons, soyons, parjures citoyens,

Le parjure est vertu quand on promit le crime.

Mais dans la circonstance actuelle le parjure n'est pas nécessaire, Louis n'est plus roi. Il n'est donc plus inviolable et sacré, même aux yeux de votre abfurde constitution, qui le range, après sa déchéance, parmi les simples particuliers.

De deux choses l'une: ou les conftituans, dans la basseff: de leur admiration pour un roi, n'ont pas suppose qu'il pût être un Phalaris et un Neron, ou ils l'ont supposé. S'ils n'ont pas cru qu'un roi pût être piré qu'un Desrues, il est clair que leur filence ne prouve rien, et que puisqu'ils ne l'ont pas supposé capable de si grands crimes, ils n'ont pu affigner des peines analogues au cas préfent, & puisqu'ils n'ont pas dit formellement qu'on ne devait pas le punir dans tout autre cas, leur intention n'étoit pas qu'il échappât à une punition qu'ils ne prévoyoient pas qu'il pût mériter. Nous l'avons déjà dit: Louis le traître est dans le cas deęs parricides d'Athènes, Solon n'avoit pas cru que jamais aucun homme pût tuer son père: la peine de ce crime n'étoit point portée dans fon code. Cependant quand il y eut des parricides, ils furent punis: car la loi ne défendoit pas de les punir.

Et fi les conftituants ont supposé que le roi des Français pût se souiller de tant d'horreurs, alors il est bien évi N°. 171. Tome 14.

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dent qu'ils n'ont pas cru que ces horreurs pussent rester impunies; car vendus à la liste civile comme ils l'étoient, s'ils avoient eu cette pensée, certes, ils l'auroient déclarée hautement; ils auroient décrété en termes exprès & formels que jamais le roi ne pourroit être poursuivi pour des crimes antérieurs à sa déchéance: ils ne l'ont pas fait : leur filence prouve contre eux; c'est qu'ils ont fenti que tout le public, que l'imprescriptible vérité s'élèverait contre ce décret, c'est qu'ils n'ont pas cru que de tels crimes pussent refter impunis, ils n'ont pas même imaginé qu'on pût le croire. Le filence de la conftitution est donc la plus forte preuve contre Louis XVI.

Examinons l'article de la constitution qui paroît le plus favorifer ce grand coupable: le voici : après l'abdication expreffe ou légale, (dans les trois cas déjà mentionnés) le roi sera dans la clafle des citoyens, & pourra être accufé & jugé comme eux pour les actes postérieurs à son abdication.

On voit ce que nous avons déjà remarqué, que dans cet article nos prétendus législateurs n'ont pas oíé étouffer le cri de leur confcience; ils n'ont pas ofé dire : seulement pour les actes postérieurs à son abdication: ils ont laisse la vérité dans le vague. Mais comme on ne peut jamais faire dire à une loi ce qu'elle ne dit pas, il s'enfuit qu'elle ne prononce point qu'il ne fera pas jugé pour les actes antérieurs à fon abdication volontaire ou forcée, qui n'ont pas été prévus. Certes, à l'égard des trois cas mentionnés par elle et auxquels elle assigne pour peine la déchéance, elle assure que le roi n'a pas d'autre peine à encourir, et comme elle n'a pas prévu d'autres forfaits, ce n'est que relativement à eux qu'elle parle du jugement des actes postérieurs à l'abdication.

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On pourroit objecter, mais ce seroit une véritable chicane de mots, que l'article de la constitution fait entendre, que fi on le jugeoit pour des crimes antcrieurs, il ne pourroit être accuté et jugé comme les simples citoyens.

Cette chicane n'embarrassera pas. Car notre avis n'est point que Lou's soit jugé, quant aux formes, comme les simples citoyens. Nous voulons que son procès, instruit devant l'Europe entière, fafle le procès à tous les rois, éclare tous les peuples sur les dangers incalculables de la royauté, et que la tête de Louis XVI en tombant fafle crouler tous les trônes: il a commis des crimes qu'un soi seul peut commettre, il faut qu'il foit jugé comme roi, et nor comme un particulier, dont les crimes ne peuvent avoir nice degré profond de scélératesse, ni cette influence monstrueuse sur tout un empire.

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