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4. de la Convention Nationale.

RÉVOLUTIONS

DE PARIS, DÉDIÉÉS A LA NATION,

AN PREMIER DE LA RÉPUBLIQUE. QUATORZIÈME TRIMESTRE.

Avec gravures et cartes des départemens,

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Du jugement de Louis XVI.

NOUS
ous avons démontré, dans notre dernier article ;
No. 169, que le ci-devant roi Louis XVI avoit mérité la
mort; nous avons prouvé, d'après l'hiftoire & l'exemple de
tous les peuples, qu'il devoit être jugé & exécuté : nous
prouver aujourd'hui que la ci-devant conftitution ne
doit ni ne peut nous arrêter dans cette affaire.
No. 171. Tome 14.

allons

A

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Les forfaits de Louis XVI font avérés; il n'y a que des traîtres comme lui qui puiffent les révoquer en doute : ils crient vengeance. Les morts de Nîmes, d'Avignon, de Nanci, de la Chapelle, du Champ de Mars, des Tuileries, tous ces malheureux égorgés par le fer des Autrichiens & des Pruffiens, demandent, du fond de leurs tombeaux, la tête de leur infâme affaffin. La république entière eft couvette de fes crimes; il faut que le glaive de la loi, trop long-temps fufpendu, tombe enfin, & lui faffe, aux yeux de l'univers, expier fes trahisons.

Mais la horde des ariftocrates, des Feuillans, des modérés, tous ces cœurs féroces qui n'ont pas donné une larme aux victimes infortunées des fureurs de Louis-Néron, s'apitoient aujourd'hui fur fon fort, & veulent qu'il ne foit jugé que d'après la constitution : c'est-à-dire, ils veulent que cet exécrable affaffin de tout un peuple foit lavé, blanchi, élargi, & qu'il jouiffe, comme tous les bons citoyens, de la liberté qu'il a voulu étouffer, de ce fol qu'il a par-tout enfanglanté, de la vie, enfin, dont il a conftamment abufé pour nous perdre.

On voit bien quels font leurs projets; on voit bien que ces dignes partifans de Louis-le-Traître voudroient qu'en lui laiffant la vie & la liberté, on lui laiffât les moyens de remonter fur fon trône brifé, & de renouer la trame de ses complots. Mais comme ce grand mot de conftitution frappe encore beaucoup d'efprits foibles, comme nous souhaitons que le jugement de Louis XVI ne trouve ni contradicteurs ni improbateurs parmi les citoyens droits & honnêtes, nous allons prouver d'abord, que, pour le juger, on ne doit pas fuivre la conftitution. Nous irons plus loin, & nous démontrerons que, même en la fuivant, Louis peut encore être condamné à mort.

La conftitution eft abrogée; le peuple fouverain, le peuple juge & des rois & des loix, a reconnu que la conftitution n'étoit qu'un monstrueux affemblage de contradictions, d'erreurs, & de faux principes, qu'un code délaftreux où la vérité a compofé avec le menfonge, la liberté avec l'ariftocratie, l'égalité avec les priviléges: le peuple n'a pu fupporter plus long-temps une légiflation si informe, il l'a renverlee; & il ne s'eft pas contenté d'en dé ru re quelques parties, i l'a anéantie tout entière; il n'a point diftingué tel décret d'un autre un article d'un autre article: comme le poifon circuloit par tout & infectoit toutes les pages de ce

bizarre volume, il les a déchirées toutes, & a voulu qu'on le recompofât entièrement à neuf.

Si en effet il en avoit gardé une feule ligne, il l'auroit, pour ainfi dire, gardé tout entier. Tous les abus fe tiennent & fe protégent; & comme en 1789, lorfque nous paflames de la nuit de l'efclavage au crépuscule de la liberté, nous fentimes qu'il falloit entièrement abattre l'édifice de nos loix tyranniques & gothiques; qu'il falloit abfolument dégager & nettoyer le fol pour y élever un bâtiment plus régulier & plus majeftueux, aujourd'hui que nous reconnoiffous que nos architectes ont abufé de notre confiance, il faut renverfer celui-ci jusqu'à la dernière pierre.

Lorsqu'au 10 août nous avons relégué la conftitution parmi les archives du defpotifme, nous avons voulu qu'il n'en fût plus queftion, & que, l'oubliant entièrement, on nous en recréât une autre. Tous ceux qui ofent rappeler & représenter, comme obligatoire, quelque article de ce mêlange adultère du bien & du mal, s'élèvent contre la fouveraineté de la nation, combattent fa volonté fuprême, & font de véritables rebelles. (On voit qu'ici nous mettons à part l'exécution provifoire des loix, que pourtant le peuple n'a pas confentie, exécution provifoire abfolument néceffaire pour le maintien de l'ordre dans la république. )

Mais quelle eft la partie de la conftitut on qui l'a précipitée plus vite vers fa ruine? N'eft-ce pas tout ce qui concerne la royauté? C'eft principalement fur les articles qui regardoient le roi qu'eft tombée l'indignation générale. Il n'eft aucun patriote qui n'eût voulu les effacer de fon fang. C'eft pour anéantir jusqu'au nom de roi, que les Marfeillois, les Bretons, tous les braves Fédérés, ont été avec les Parifiens prodiguer leur vie au château : nos frères font morts pour abolir tous les priviléges de la royauté.

Or, n'est-ce pas un des priviléges les plus odieux attachés à cette dignité ufurpatrice, que de n'être puni que par la perte de cette mê e dignité? N'est-ce pas un des outrages les plus fanglans faits à un peuple libre, que de reconnoître un homme au - dessus des loix? La nation a renversé la royauté, parce qu'elle n'a voulu voir perfonne au-deffus d'elle, parce qu'elle a voulu que les loix feules régnaffent, que les loix repriffent le pouvoir qu'un monarque avoit ufurpé. Le ci-devant roi n'eft donc plus rien; tous fes priviléges paffés, préfens & à venir font donc abolis à jamais. Nous dirons plus: c'est que la conftitution doit être anéantie

dans tous fes articles, ou elle doit refter toute entière des bout. Nous demanderons aux partifans, aux amis du roi, pourquoi Louis-le-Traître ne doit pas être jugé; ils répondront: c'eft que la conftitution ne le permet pas; mais, vils hypocrites que vous êtes, felon vous la conftitution nous lie donc à cet égard? On pénètre vos indignes deffeins; car fi la conftitution nous lie à l'égard de cet article, elle nous lie à l'égard de tous: il faut tout ou rien. Si ce décret en particulier eft obligatoire, tous les autres le font : dès-lors nous devons refpectueulement reporter Louis le dernier fur le trône, le combler, comme autrefois, de vils hommages, lui rendre, & fa garde d'honneur, & fes vingt-cinq millions, & fon veto, & fes châteaux nombreux; dès-lors fa famille, fi bien appelée princes & princeffes du fang, doit faire encore une claffe à part parmi des hommes égaux; que difonsnous! des hommes égaux! Non: il n'y a plus d'égalité: nous devons reconnoitre encore des citoyens actifs & paffifs, tous les vices de la contitution demeurent intacts; il n'y a pas de milieu: ou nous, fommes tenus d'obéir à quelques articles de la confitution, ou il faut leur obéir à tous, & rentrer dans l'esclavage conftitutionnel.

Heureufement que cette conftitution, invoquée aujourd'hui par tant d'hommes qui naguère la critiquoient tant pour le peu de bien qu'elle renferme, heureufement que cette conftitution bâtarde a reconnu folemnellement que la nation a le droit imprefcriptible de changer fa conftitution, & par conséquent de n'admettre, s'il lui plaît, aucune des idées, aucun des principes que contient celle qu'elle réprouve; & d'après la conftitution même, les conftitutionnels n'ont rien à répondre.

que

Il est vrai, & nous ne pouvons nous empêcher de l'avouer, fi une conftitution faite par un peuple, long-temps méditée par lui, librement acceptée par lui, venoit tout-àcoup à être diffoute, de manière à ce qu'il n'en laissât subfifter aucune pièce, quoique nous ne puffions lui reprocher d'outre-paffer fes droits, puifqu'un peuple peut tout ce qu'il veut, on auroit lieu de l'accufer d'inconftance & de verfa tilité; mais dans ce moment, qui oferoit nous faire ce reproche? Avons-nous pu, tandis que l'on compofoit notre conftitution, nous bien pénétrer de fes principes, les bien peter, les examiner à loifir, à tête repofée? Non; elle s'eft fabriquée à la hâte & au milieu des orages: les circonftances en dictoient alternativement les différens

articles; on n'avoit jamais, pour la former, établi un enfemble, une férie de queftions; on l'a faite réellement par lambeaux, & ces lambeaux, les diverfes factions les différens partis les ont coufus au hafard? Ce n'eft point ce peuple qui a fait l'ancienne conftitution, ni par lui, ni par fes repréfentans : non, nous ne craignons point de le dire, c'est le roi, c'eft Louis XVI qui l'a dictée

lui même.

Dans quel temps notre prétendue conftitution a-t-elle commencé à prendre une certaine forme, à faire un tout, tant bien que mal? N'est-ce pas à la révision? Jufqu'alors les décrets conftitutionnels avoient été jetés, éparpillés ça & là; on ne les avoit pas même diftingués des décrets réglementaires. C'est à la révision qu'on les a raffemblés, réunis comme on l'a pu, que, malgré leur incohérence on a tâché de les faire accorder enfemble. Or, qui ignore aujourd'hui que le roi après fa fuite concertée avec les conftituans, n'ait regné pleinement à l'affemblée, que fa lifte civile n'y ait dicté les décrets, que la grande majorité n'y ait été la vile efclave du tyran couronné? On fe rappelle avec quelle chaleur tous les feuillans, tous les ariftocrates déguilés attaquèrent, mutilèrent & détériorèrent les décrets les moins mauvais. Le peuple étoit vendu à beaux deniers comptans, & l'on eût tout auffi-tôt fait de laiffer à l'infâme Louis le droit de dicter feul & tout haut cette conftitution composée en fecret aux Tuileries; à peine y auroit-on vu quelque différence, car Louis, non plus que nos conftituans, n'auroit rien ofé demander de trop évidemment révoltant, il eût craint encore de foulever la multitude, Tout l'art confiftoit à cacher le ferpent fous les fleurs, à faire retentir à tort & à travers les mots de paix, d'ordre, d'harmonie & de bonheur public; & c'eft fur-tout avec ces vains fons qu'on fit paffer le décret qui nous occupe en ce moment, ce décret abfurde qui prolonge l'inviolabilité royale même au-delà du règne, & qui ferviroit d'égide au monftre roi, même lorfqu'il ne feroit plus roi, Les patriotes s'élevèrent avec force contre une loi qui ne laifferoit aucun frein à la tyrannie; mais le tyran avoit payé, & leur voix fut étouffée par les murmures, les huées & les outrages des royalistes.

Devons nous donc juger Louis-le-Traître par des loix qu'il a faites lui-même, & qu'il a faites en fa faveur? A-t-on jamais laiffé compofer un code pénal par les fcélérats qu'il

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