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fcellé de fon fang la conquête des droits, du Peuple, contre le vœu même des légiatures, qu'ils ont fu préserver dans tous les temps du poignard & de la rage des conjurés ? Paris n'a-t-il pas été a deux doigts de la perte, au milieu des complots les plus affreux ? N'a-t-il pas fupporté tout le poids de la révolution? N'eft-ce pas contre lui que font venus fondre tous les orages?

Les profcriptions ont dû maintenir en fûreté comme ert liberté les membres de l'affemblée nationale ? Les commiffaires à la municipalité ont pu éluder quelques formes; mais ils étoient ceux qui convenoient à la journée du 10; de plus fages & de plus inftruits euffent été plus timides. Au fond, ceux qui ont été immolés avoient provoqué les fureurs populaires; & qu'on fe tranfporte au moment où ils ont reçu la mort : la perfidie de la cour, le fuccès des armées pruffiennes qu'elle avoit évidemment favorifé, la réfolution que prirent en ce moment tous les citoyens, de mourir enfevelis fous les ruines de la patrie, l'indignation jetée dans tous les cœurs, tout commanda au courage la néceffité, fans donte affreufe, de purger la patrie d'une foule d'affaffins, de brigands, de traîtres fanatiques. Il y a eu des méprifescruelles; mais à la St. Barthelemi, en 1572, dans les Cevènes, vers le milieu de ce fiècle, le 17 feptembre 1783, à Paris, & le 28 avril 1789, a-t-on plaint les martyrs du defpotifme royal? Hélas non- Raifonnons donc jufte; foyons à l'intérêt commun; & non à celui des intrigues & des agitateurs qui les font naître.

Un parti, dans la convention nationale, follicite une garde particulière. Citoyens! prenez-y garde: cette mefure projetée nous menace du defpotifme le plus affreux. L'affemblée réuniflant tous les pouvoirs, celui de faire des loix, celui d'exécuter les réfolutions publiques, qui font les fiennes propres, & celui de juger, fi tel eft fon bon plaifir, les crimes ou les individus, fi nous lui fouffrons des janiffaires, autant vaudra-t-il vivre fous la dinastie des fultans, ou fous l'ariftocratie vénitienne. La pu flance dont la convention eft inveftie, ne peut durer long-temps fans danger pour la liberté, puifqu'elle peut à volonté employer la douceur & la violence; puifque la réunion de toutes les autorit's dans les mêmes mains, affurant l'impunité des dépofitaires, met à leur difcrétion d'un

ci: les citoyens armés des quarante-huit fections font, pour les fept huitièmes au moins, nés dans les autres départemens, dont la plupart font membres, & où ils ont encore leurs familles & leurs propriétés. On peut donc dire que l'opinion publique de Paris, provient des quatre vingt-deux départemens, & leur appartient.

moment à l'autre les droits de tous & de chacun. Ainh ̧
& par la volonté générale, & par fa volonté particulière,
elle affocie à fon inviolabilité l'affreux pouvoir de nuire
à toute la fociété. Ce deipotifme-là n'aura pas le fafte
impofant de l'Afie; mais qui ne doit pas craindre de
l'éprouver à chaque inftant? Mettre une force armée à,
la difpofition de tant de pouvoirs, c'eft vouloir anéantir
dans le peuple même la conquête de l'indépendance &
de la fouveaaineté. Il est donc inftant de nous oppofer
de toutes nos facultés à cet abus monftrueux de la puif-
fance, qui expoferoit notre liberté à être influencée par
une foldatefque bientôt corrompue, ou bien qui provo-
queroit une infurrection meurtrière, pour conquérir une
feconde fois les droits du peuple; car qui pourroit alors
empêcher la volonté conventionale d'ofer, fans qu'on eût
à s'en plaindre, transformer le comité de furveillance en
tribunal d'inquifition qui auroit une armée à fes ordres?
Au Capitole, les confuls feuls avoient des liéteurs, mais
les membres du fénat n'avoient que des efclaves à leur
fuite ils étoient au nombre de quatre millé ; & fi
chacun d'eux eût voulu avoir fix gardes, Rome eût-elle
laiffé une armée de vingt-quatre mille ftipendiés menacer
lés fept collines?

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A Londres, ni les membres de la chambre des Pairs, ni ceux des communes, n'ont des archers. Les citoyens Hollandais qui fiégent aux états-généraux, n'ont aucun foldat autour de leurs perfonnes. En Suiffe, Melchtal, Stauffacher, Guillaume-Tell, ces braves payfans, fondateurs de la liberté Helvétique, à Philadelphie, le congrès, ont-ils jamais penté à inftituer une maifon mili taire autour de l'autorité légiflative? Une armée se dévoua à Cromwel, & il s'en fervit pour fubjuguer l'Angleterre, pour caffer le long parlement, le faire défiler devant lui, prendre le chapeau de l'un des membres qui ne le faluoit pas, & le jeter par terre, en lui difant Apprenez à me refpefter.

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Avec une armée de gardes auprès du corps légiflatif. une_rixe, dans le genre de cele de Grangeneuve & de Jouneau, fuffiroit pour donner lieu aux plus grands troubles, & les malveillans, unis au chef, qui feroit devenu l'idole de la garde prétorienne en l'aidant à nous affervir, affouviroient la foif de leurs vengeances. Une maison militaire autour des légiflateurs ! Ils aboliffoient celle du ci-devant roi, ils craignoient qu'afiociée à des contre-révolutionnaires elle ne déchirât le fein de la capitale; & quand ils ont aboli cette maifon dangereufe, ils en veulent une pour eux! En vain prétend

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on que les quatre-vingt-trois départemens doivent avoir l'honneur de concourir à la garde de la convention & d'aflurer la liberté de fes délibérations. Dès qu'il eft queftion d'honneur, il ne faut plus croire à l'égalité. Celui qui a un honneur que d'autres n'ont pas, eft fupérieur à ceux-ci, & fous le masque de l'homme honoré se découvre une grande aritocratie. On veut délibérer librement; & les tribunes, le peuple, improuvent certaines opinions, ils ferment la bouche des méchans ou des imbécilles, mais tel eft leur droit. Sans la faculté d'approuver ou de défapprouver, exercée par les affiftans, que de plaies les deux légiflatures précédentes auroient faites de plus à la patrie! La confcience publique eft infaillible; les coeurs purs, les efprits éclai rés ont toujours recherché l'honorable fuffrage de l'opinion générale; il n'y a que les fots & les pervers qui la redoutent; le peuple applaudit avec tranfport aux Bonnes loix, & doit-il fe taire quand on lui propofe. des décrets ouvrage de l'intrigue, de la furprife ou de la corruption? Dans un aréopage animé par un esprit de juftice, échauffé du feu du patriotifme, toute garde devient inutile à ceux qui parlent & délibèrent, & à ceux qui écoutent.

Suivant le projet du comité, chaque législateur auroit quatre gardes à pied & deux à cheval. Four 745 membres, il y auroit 4470 militaires qui pourroient coûter cinq millions par année, c'eft-à-dire beaucoup plus que la convention elle-même, & cela pour donner plus de majefté au corps législatif. Mais la garde nationale eft bien une garde d'honneur, puifqu'elle fert gratuitement, & l'on doit dire avec affez de zèle pour mériter l'eftime & la confidération des légiflateurs, inême les moins zélés. — Oui : mais, difent ceux-ci, les départemes prétendent concourir à la convention. Où cette prétention eft-elle confignée ? Quoi ! des citoyens confentiroient à quitter l'honorable titre de volontaires nationaux pour prendre le nom de gardes du corps lég fati! Il y a loin entre la fonction civique d'un fervice gratuit, utile à tous, & une fonction in pofée feulement par 745.Qui eft plus honoré que les légiflateurs, plus accueilli & plus encouragé? Mais il y a parmi eux. des bons & des méchans; & ces derniers, fous le voile d'un faux patriotifime, nuifent à la république entière, mal eureufement trop difpotée à recevoir les impreflions de leurs calomnies & de leurs impoftures.

A la fuite de cette garde, les légiflateurs ne tarderoient fans doute pas à porter des marques diftinétives, & bientôt tous les regards rappelés à l'ufage des anciens préjugés, concentreroient

concéntreroient en eux toute la majesté nationale. Citoyens! non, cela ne fe fera pas, cela ne peut paffer: voulant tous l'égalité, il faut que les législateurs nous en donnent l'exem ple les premiers.

Nous avons que des bataillons de la Gironde, & qu'un autre de Dieppe, allant fur les frontières, ont reçu l'ordre de fe rendre à Paris, croyant que tout y étoit en féu, Toutes ces calomnies n'ébranleront pas les Parifiens, né les forceront point à l'anarchie, ils obéiront aux loix, ils ref pecte pecteront l'alfemblée nationale, toutefois en fe réservant le droit imprefcriptible d'eftimer ou de méprifer tels ou tels membres de la convention. Si des cabales la déshonorent, ils ne manqueront jamais de les dénoncer à leurs frères des 82 autres départemens.

Législateurs! hâtez de faire juftice vous-mêmes da port fur l'organisation d'une garde militaire qui vous feroit perfonnelle; ne coníacrez pas une grande injuftice envers les citoyens premiers nés de la révolution.

Réfumons-nous. Pourquoi veut-on donner une garde à la convention nationale? Ce n'eft pas qu'on croie qu'elle en a befoin. Le Parifien n'a-t-il pas refpecté même les Mauri & les Mirabeau cadet? Mais c'eft que cette garde fembleroit dire hautement à toute la république: Citoyens ! les Parifiens font des factieux; or c'étoit là le langage de Coblentz, des Tuileries, & des aristocrates de tous les partis.

Buzot ne s'en eft point caché à la féance du vendredi 12 du courant. Ce député du département de l'Eure a levé tout à fait le mafque, à l'occafion d'un arrêté de la section de Marseille. Il a ofé dire: puifqu'il n'y a plus d'obéiffance que dans les 82 départemens, vous devez les appeler icis La liberté n'existe plus pour eux (a-t-il ajouté) s'ils ne vous fourniffent les moyens de l'arracher des mains de la poly cratie de Paris. Pour contenir les factieux de cette ville une garde compoféé de tous les départemens n'a jamais été plus néceffaire.

Que fignifie cette convocation faite par le comité de légiflation de toutes les fections armées? Pourquoi toutes ces demandes timides, à demi-voilées, ayant évidemment un but fecret? Que vouloit donc dire Buzot le président, lorfqu'il s'informoit d'un air embarraffé combien il y avoit d'hommes à Paris en état de porter les armes ? Combien ly avoit dans les fections de gens sûrs, & fur qui l'on pút No. 170. Tome 14.

compter? Quel eft ce langage fayettifte? Auffi le brave Santerre, qui arriva des derniers au rendez-vous, ne put contenir fon indignation; il vit bien ainfi que les autres commandans qu'il y avoit là-deffous un piége, & il ne cacha ni fa furprife, ni fa colère patriotique.

Citoyens, vous l'entendez de la bouche de Buzot: vous êtes tous des factieux, parce que vous voulez élire vos magiftrats à fcrutin ouvert, comme vous avez élu ces mêmes députés à qui l'efpoir d'avoir fix gardes chacun fait déjà tourner la tête. Eh! miférables roitelets! vous avez oublié bien vite que c'eft à ces factieux que vous devez l'honneur de fiéger à la convention, & même l'existence, puifque la journée du 10 fans eux n'auroit pas eu lieu.

Et toi, Buzot, réponds? Quel cft le factieux, du citoyen de Paris qui fe laiffe paifiblement calomnier, ou de celui qui a l'impudence de dire à la tribune: « Déjà la ville d'Angers »fe prépare à nous envoyer 400 hommes : j'ai une pétition

chez moi par laquelle mon département me témoigne fa » fatisfaction fur mon rapport au fujet de la garde de la » convention.» Dis, Buzot, ce langage, que tu as tenu n'eft-il pas celui d'un véritable factieux? A t'entendre, qui ne croiroit que déjà les Parifiens font le fiége de la salle du manége, & que les députés en font réduits à demander des fecours d'armes & de munitions?

Et vous, Robespierre, Marat, Danton, Robert, où étiez-vous quand Buzot s'exprima ainfi?... Mais, diront les modérés, au nombre deíquels il nous répugne de vous furpreudre, les départemens ont le même droit que Paris de garder les députés de la république ?

Qui, fans doute mais auffi fi la convention fiégeoit à 'Angers, ou à Lyon, ou à Bourges, les Parifiens ne difputeroient pas cet honneur à la ville chargée de ce précieux dépôt; ils croiroient l'infulter en fe rendant à l'invitation qui leur feroit faite de venir partager ce fervice, ils soupçonneroient cette invitation d'être le vœu d'une poignée de factieux.

Il faut le répéter aux Buzot, Guadet, Lanjuinais, &c. une garde quelconque eft injurieufe aux repréfentans d'un peuple libre; elle les affimile à la cour d'un defpote, à un fént de Venife, à un parlement. La confiance publique doit être leur feule gardienne; les huiffiers de la convention lui fuffifent, un à chacune des portes de la falle d'affemblée. Cinq mille hommes euffent-ils des

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