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la guerre comme des hulans qui rançonnent une ville &

's'en vont.

Armée du midi. La vérité nous oblige de dire que de puis cette huitaine nous n'avons aucun reproche à faire au général Montefquiou. Ses plans paroiffent fages, fes opérations bien combinées; il a fu épargner le fang des Français & des Savoifiens, cependant toute la Savoie & une partie du Piémont font à nous; le Faucigny, le Chablais, le Genevois font évacués; la république. pof sède tout le comté de Nice, ou plutôt elle ne possède rien; elle a conquis tout ce pays fur le tyran, pour le rendre au véritable fouverain, c'est à dire aux habitans. Nulle action lâche n'a fouillé notre armée, ce qui prouve que lorsqu'un général ne fe conduit pas mal, les troupes fe conduilent bien, & que là où il y a du défordre, c'est toujours la faute de celui qui commande.

La convention a peut-être ben fait de ne pas con damner encore Montefquiou; pour nous, nous fommes bien loin de le laver de tous les juftes reproches qu'on lui à faits, & quand il fe condurroit parfaitement bien défor mais, nous ne pourrions nous empêcher de dire que celui qui a été l'ami de Lafayette, qui a pris le parti du roi avant le 10, ne peut être qu'un de ces courtifans fouples qui fe tournent vers ceux qui ont l'autorité, un de ces hommes qui, royaliftes ou républicains, encenfent l'idole du jour or ce n'eft pas de tels hommes qu'il faut à un peuple libre. Anfelme a fait au moins autant que Mon tefquiou; il n'a jamais été Fayétifte, nous pouvons avoir une plus grande confiance en lui, du moins jufqu'à nouvel ordre.

Armes de l'intérieur. Dumourier prétendoit que l'armée pruffienne alloit s'enfuir au grand galop, & qu'il iroit hiverner à Bruxelles. Les Pruffiens ne paroiffent pas ce pendant beaucoup fe preffer: les maladies, dit-on, font parmi eux de continuels ravages; nous leur prenons un grand nombre de prifonniers, & cependant ces troupes ainfi atténuées & délabrées nous tiennent tête, s'en vont au très-petit pas, comine en fe promenant, font affez redoutables pour que nous n'ofions engager une action: elles forment un camp fous Verdun; & nos armées, fortes il y a trois femaines de plus de foixante-dix mille hommes, nos armées dont on détache eulement trente mille hommes pour aller à une autre fro tière, nos armées qui doivent être là, tout au moins de quarante mille,' n'ofent en attaquer trente mille qui ont le fx de fang, qui font extrêmement fatigués. A quo penient donc Ajax Bournonville, & l'Achille ou l'Agamemnon Du No. 170. Tome 13.

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mourier? Nous ont-ils trompés ci-devant; ou nous trompent-ils à cette heure? Les prifonniers qu'ils ont faits, où font-ils où vont ils? combien font-ils? Donnez-nous-en du moins le compte général. Depuis le temps que vous en prenez, fur-tout fi vous en prenez autant que vous voulez le faire entendre, ils doivent obftruer votre armée, l'affamer, la fatiguer, rien qu'à les garder? out cela n'eft pas clair l'ennemi recule, mais pas bien fort; il n'eft donc pas fi mal qu'on le difoit? Le roi de Pruffe s'en va à Berlin: que nous importe, fi fon armée refte & ne bouge pas ? Ce n'eft pas un roi qui combat ! Vous avez pris beaucoup d'émigrés, & vous ne nous en défignez que trois ou quatre. Il eft vrai que vous avez la berline de Monfieur; il paroît du moins qu'elle aura fervi à Dumourier pour venir à Paris.

Que fignifie ce voyage de Dumourier? Lafayette en faifoit aufli de femblables? Est-ce pour concerter les opé rations avec le miniftre? Mais quand les opération, étoient bien plus importantes & bien plus difficiles, quand l'ennemi s'avançoit à grands pas fur Paris, Dumourier n'est pas venu? Eft-ce parce qu'il y a un nouveau miniftre? Mais s'il vient à caufe de Pache, il faudra donc qu'à chaque mutation dans le miniftère, chaque général vienne faire fa révérence à chaque nouveau miniftre? Est-ce pour fe promener? Que ne fe promène-t-il avec fon armée? Tout cela nous paroît inconcevable. Ce n'est pas le mystère qui nous pèfe; ce font les contradictions qui percent à travers ce mystère.

Eft-ce dans ce moment-ci qu'il falloit quitter fon armée, dans un moment où il paroît qu'on la travaille? L'événe ment arrivé aux bataillons de Mauconfeil auroit dû fixer Dumourier fous fa tente. Ces quatre hommes maffacrés par le bataillon étoient-ils des efpions, comme on le penfe, & comme le patriotisme de Mauconfeil le feroit préfumer? Alors Dumourier auroit pris le parti de ces efpions, en puniffant les bataillons, & il viendroit intriguer contre ces honnêtes citoyens à Paris; & en appelant fur eux des decrets terribles, il laifferoit encore aux efpions le temps de faire beaucoup de mal pendant fon abfence.

Ces quatre hommes maffacrés par les bataillons de Mauconteil étoient ils réellement ir nocens ? Alors ce feroient de mauvais principesje tés à deflein dans l'armée, comme à l'attaque de Mons. Le malheur arrivé dans l'armée de Cuftine donneroit à croire qu'il y a un systême combiné de malveillance, qui tend à agiter nos troupes. Sous ce point de vue, la prétence de Dumourier étoit abfolument néceffaire au milieu des foldats qu'il commande.

Un événement plus récent devoit l'y retenir encore. Nous fommes décidément trahis par Arthur Dillon Pendant qu'un officier général intrigue là-bas avec nos ennemis, Dumourier doit-il être ici? N'y a-t-il pas entre lui & le miniftre une communication prompte & sûre?

Il est néceflaire que nous donnions à nos lecteurs, fur Arthur Dillon, les pièces de conviction. Nous allons copier fa lettre au Landgrave, & la réponse de celui-ci. Copie de la lettre d'Arthur - Dillon au Landgrave de Heffe-Caffel. Clermont, 4 octobre, l'an premier de la république. « J'ai l'honneur d'envoyer à S. A. S. le Landgrave de Heffe-Caffel le lieutenant Lindaw; il pourra juger, par l'atteftation que j'ai fait donner à cet officier, que la nation françaife, toujours grande, toujours généreuse fait apprécier une belle action & eftimer la valeur même dans les ennemis.

» Je faifis cette occafion pour offrir à S. A. S. quelques réflexions dictées par l'humanité & la raison.

»Elle ne fauroit difconvenir qu'une nation prife en maffe a le droit de fe donner telle forme de gouvernement qu'elle juge à propos; que par conféquent, nulle volonté particulière ne peut paralyfer la France libré & abfolument indépendante à jamais. La nation française a repris les droits, a voulu changer la forme de fon gouvernement. Tel eft le précis de ce qui fe paffe en France. S. A. S. le Landgrave de Heffe-Caffel a mené en France un corps de troupes. Comme prince, il facrifie fes fujets pour une caufe qui lui est étrangère; comme foldat, il doit appercevoir la fituation où il fe trouvoit : elle eft périlleuse pour lui. Je lui propofe de reprendre demain matin le chemin de fon pays, de vider le territoire français; je lui procurerai les moyens de passer en sûreté près les armées françaifes, qui fe font rendues maîtreffes de plufieurs points par où il doit paffer. Cette propofition eft franche. Je demande une réponse cathégorique & formelle: la république françaife excufe une erreur; mais elle fait fe venger, fans pitié, de l'envahiffement & du pillage de fon territoire. (Oui, Oui, furtout en laiffant paffer en sûreté les brigands. ) Signé, ARTHUR-DILLON.

» P. S. Je vous envoie cette lettre par M. Gobert, mon adjudant-général, qui attendra votre réponse: elle preffe je fuis prêt à marcher ».

Réponse du Landgrave de Heffe-Caffel. « Monfieur, monfeigneur le Landgrave reconnoît parfaitement l'attention. particulière que vous lui avez marquée par la manière noble & généreufe dont il vous a plu de traiter le lieu

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tenant de Lindaw. Son alteffe féréniffime m'a chargé, monfieur, de vous exprimer fes plus vifs remercîmens comme d'une action qui fait l'éloge de votre mérite & de votre humanité.

» Confidérant au refte les événemens actuels fous un point de vue différent de celui du peuple égaré, fon alreffe férénfime m'a témoigné que la fuite du contenu de votre lettre étoit d'une nature à n'y pouvoir faire réponfe.

» J'ai honneur d'être avec une haute confidération, monfieur, votre très-humble & très-obéiflant ferviteur. Signé, l'aide-de-camp général ». ( Remarquez que le Landgrave n'a pas daigné faire réponf. lui-même. ),

Deux chofes résultent de la lettre de Dillon; c'eft qu'il apprend au Landgrave quelle eft la pofition de nos troupes; il l'inftruit qu'elles occupent les points par où il doit pailer, & il paroît que la lettre même n'a été écrite que pour cela; que tout le refte n'eft qu'un échafaudage pour marquer le véritable deffein du général francis or, découvrir à l'ennemi la pofition d'une armée, cft un crime jugé digne de mort par tous les codés militaires.

La feconde vérité qui fort évidemment de cette lettre, દર્દી c'est que Dion propofe au Landgrave de le laiffer paffer en sûreté or, dis donc, général royaliste, eft-ce pour laiffer pafler les ennemis en sûreté que la république t'a confé le commandement ? Ton devoir n'eft-il pas de les hacher, de les environner, de les prendre fi tu peux ? Qui t'a donné la permiffion de faire de telles propofitions? qui t'a permis de lui écrire? Ne fuffifoit-il pas de lui renvoyer fon Lindaw? Tu ne pouvois lai adreffer de Jettres que pour l'échange des prifonniers, & tu n'en avois pas à propofer: tu as voulu favorifer fa fuite! Tu aimes mieux le Landgrave que ta patrie.

Dillon auroit dû être mis fur le champ en état d'arresttion, Qua-t-on voulu dire à l'affemblée, lorfqu'on a prétenda qu'il falloit connoître fes motifs & fa pofition? Quoi! fi fa pofition pouvoit rendre cette lettre excufable, nous, ferions donc bien loin d'être vainqueurs? Nos troupes, comme l'afluroient des ariftocrates ces jours derniers, ferolent donc enveloppées elles-mêmes? Mais en fuppofant re fait, nous vondrions encore que Dillon fût décrété d'accufation pour avoir menti au Landgrave: un homme libre ne doit pas mentr auffi impudemment, même pour fauver la vie, il a l'air, en mentant, de la mendier làchement

Si Dillon nous a traltis auprès du Landgrave, ou fi fa

pofition eft telle qu'il ait eu besoin de defcendre à une pareille rufe, Dumourier étoit néceffaire à fon armée; fon départ peut livrer la France à des traîtres ou à l'ennemi. De toute manière, fa conduite eft inexplicable.

Républicains! gardez-vous d'idolatrer des hommes; gardez-vous de vous porter en efclaves au - devant de Dumourier, de combler d'hommages & d'applaudiffemens un homme qui, tout au plus, aura fait fon devoir, & qui peut-être n'eft qu'un patriotre douteux & équivoque. Retenez cette maxime 'de Solon: qu'il ne faut croire un homme grand qu'après fa mort.

Le général Dumourier, arrivé à Paris jeudi 11 à dix heures du foir, a paru à la barre de la convention nationale le lendemain; il y a dit expreffément qu'il étoit venu pour concerter les opérations de la campagne d'hiver, & l'entrée dans la Belgique. On s'attendoit à cela. Mais ce qu'on n'attendoit pas, c'eft que Dumourier interrogé fur ce qu'il penfoit de la lettre d'Arthur Dillon, de fa conduite avec le Landgrave de Heffe, a répondu qne ce n'étoit qu'une bravade de Dillon, à laquelle il falloit attacher peu d'importance; & la convention nationale a applaudi!!!ô honte! ô douleur !

La ville de Verdun a été évacuée vendredi 12 par les Pruffiens; le général Dillon a protégé leur retraite, ainsi qu'il en était préalablement & formellement convenu avec le commandant pruffien, puis il eft entré dans la ville..

De la maifon militaire de la convention nationale.

«L'opinion publique fe trouve fans énergie ni li»berté, lorfque le corps législatif met, comme les em» pereurs romains, une tête de Médufe fur la poitrine? » lorsqu'il prend cet air menaçant & terrible que Commode faifoit donner à fes ftatues; lorfqu'il méconnoît les bornes de fon autorité, ce que vaut la confiance du » peuple, & lorfqu'il ne fent pas bien qu'il doit le juger » en sûreté comme un defpote doit fe croire en péril. MONTESQUIEU.

La convention nationale fe met en garde contre Paris: qu'a-il donc fait pour exciter la défiance des représentans du peuple? Paris s'eft facrifié pour la révolution : cependant nulle ville n'avoit plus d'intérêt à maintenir, entre les mains d'un monarque, l'ufurpation de la fouveraineté, A qui doit-on les premiers & les derniers triomphes de la liberté (1)? Qui plus que les Parifiens a

(1) Une obfervation qui échappe à plusieurs, eft celle

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