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séduits; par-tout on prêchoit aux bonnes gens qui n'ont pas le temps de s'instruire le culte impie de la royaut : on calomnioit les Parifiens & les patriotes de l'aflem*blée nationale; par-tout, au nom du roi, des voix traîtresses invoquoient les phrases infidieuses du feuillantifme, qui faisoit admirer la constitution royale, & qui se jouoit des calamités publiques.

Les maslacres effroyables de Nîmes, de Montpellier, de Nancy, d'Avignon, des Colonies & tant d'autres exéeutés par les prêtres & les ci-devant nobles, leurs dignes fuppôts, par qui furent-ils commandés ? quelle voix en donna le fignal? Celle de Louis XVI.

Louis XVI est venu provoquer, le 20 avril, la déclaration de guerre. Oui, quand nos ennemis étoient prêts, & après avoir réfolu, dans le comité autrichien, d'éluder tous les préparatifs d'une guerre, pour les Français à la fois offenfive & défensive; après avoir parlé avec mépris du courage des volontaires nationaux; après avoir déclaré à Guillaume & à François que leurs troupes pourroient entrer dans l'intérieur de l'empire fans perdre un seul homme; après avoir donné le commandement de nos armées à des chefs, la plupart dévoués à ses perfidies, & initiés dans le secret de ses complots; après s'être assuré de toutes les mesures mises en œuvre par la coalition germanique: l'autorisation qu'il est venu demander pour commettre des hoftilités, r'a été que le moyen exécrable de nous faire égorger en détail

L'insolente rédaction du manifeste de Brunswick a été dictée par Louis XVI, & tous les maux qui ont suivi l'invasion de ce paladin en France doivent lui être attribués; oui, Louis XVI est comptable de tout le sang français qui a été versé depuis le commencement de la guerre. Aura-t-il assez d'une vie pour payer celle de tant d'innocens égorgés par le fer autrichien, des campagnes dévastées, des villes réduites en cendres, des milliers d'hommes massacrés, & toutes ces horreurs au nom de Louis XVI? Ah! périsse à l'instant la cause de tant de forfaits!

Le sang même des Pruffiens & des Germains crie vengeance; il la demande contre Louis XVI, Guillaume & Brunswick aux amis de la liberté & de toute P'humanité, à ceux-là même qui, obligés de les combattre, leur ont fait mordre la ponflière. Ceux qui fure

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vivent imputent à Louis XVI & à ses frères tous les malheurs qui les accablent; un jour viendra que la Germanie, éclairée sur les despotes de Vienne & de Berlin, les reconnoîtra pour des monftres, exécuteurs impuissans des trahisons dont Coblentz vouloit nous envelopper.

Louis XVI! voilà ta vie! elle est exécrable ! la voilà toute entière depuis 1789; voilà le tableau repoumant de tes crimes! On voudroit te conserver le jour que tu respires, & qui pâlit en t'éclairant ! Non, non, & pourquoi a-t-on déjà puni tes complices, si tu ne dois pas être puni à ton tour? A-t-on eu le droit de faire périr ceux que tu avois féduits, fans avoir celui de te poursuivre & de te rendre communs le fupplice qu'ils ont éprouvé!

Qui pouvoit être plus heureux que Louis XVI? Chargé de nos bienfaits, honoré de notre confiance, il nous promet amitié & dévoûment; & de retour dans fon palais, il devient parjure & populicide. Oui, il feroit cruel d'être indulgent envers lui; le moment où le peuple fouverain auroit prononcé sa grace, seroit un premier pas vers la servitude. Cette rigueur vengeresse est prefcrite à la justice par la néceflité; & qu'on ne dise pas que tous les faits que nous venons de passer en revue ne font pas prouvés, ils le font de reste, & ils vont acquérir l'évidence des preuves judiciaires qui excitera contre Louis Capet & les rois ses complices l'indignation de l'Europe entière, & fera pouffer ce cri philantropique:

A quels monftres, grands dieux! livrez-vous l'univers !

Un adage raisonnable est reçu en Angleterre: Rex major fingulis; fed minor univerfis. Ce principe établi, la personne d'un roi demeure sacrée pour quelques individus ; mais elle cesse de l'être aux yeux de la généralité des citoyens. Ainsi Charles premier avoit blessé les intérêts de tous; il périt sur un échafaud pour avoir fait assaffi. ner, par les mains de ses partisans, dans seize grandes batailles, 450,000 citoyens anglais. De pareils meurtres méritoient bien le fort qu'il éprouva. Aui les fans-culottes de Londres demandèrent-ils la mort du tyran, chacun d'eux ayant perdu, dans les sept ans de guerre civile, un père, un fils, un frère, ou un ami. Louis XVI a forfait à l'intérêt général comme Chartes premier. L'un a tenu la conduite d'un traitre, & l'autre fit ouvertement la guerre au peuple, de qui il tenoit fa couronne. Le premier a déployé, à côté de fes crimes, une hypocrifie méprifable, une lacheté infigne, le second fut un ambitieux fué'érat & fanatique. Louis existe dans un fiècle de raifon & de lumières. Charles exista dans un temps où la mode de difputer fur des fophifmes théologiques échauffoit encore follement & divisoit les efprits, & où la différence des cultes, autorifant le nom injurieux d'hérétique, pouvoit irriter les fectes & leur mettre les armes à la main. Le ci-devant rei des Français avoit avoué que dans le peuple réside le droit du fouverain. Charles Stuart prétendoit le contraire, fans avoir prêté aucun ferment, puisqu'en 1649 la conftitution britannique ne gouvernoit point encore l'Angleterre, alors uniquement pourvue de la grande charte de JeanSans-Terre.

Lesrapports du cas de Jacques II avec celui de Louis XVI ne se reflemblent point. Qu'avoit fait ce roi imbécille? Il avoit voulu établir le catholicisme en Angleterre, où ce culte étoit regardé comme la religion de l'esclavage; il fut donc obligé de fuir Londres, & d'y laiffer fon diadême, après avoir quitté sa prifon de Rochester, & de se réfugier à la cour de Louis XIV. Si c'étoient là tous les torts de Louis XVI, les Français pourroient en rire & se montrer indulgens. Mais le ci eft même parjure envers ses défenseurs; le 10 août, il devant roi abandonne les Suisses & ceux de fon parti après Icsavoir cáreflés, encouragés & paflés en revue.

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Quelques politiques pufillanimes voudroient que le roi, s'il est condamné, fût renvoyé de France', comme Tarquin le fut de Rome; mais Tarquin crèce, ne commit que le crime de l'amour, & ce prince en violant Lueut des vertus & des talens, tandis que Louis XVI n'a rien de tout cela; c'est un monftre qui n'a fu que trahir. Cependant le fénat ne poursuivit ni ne fit grace à Tarquin, en effet digne de mort par fon alliance Porfenna, & la guerre de 20 ans que les Toscans & les Etrusques firent aux Romains. Si à Rome Sextus Tarquinius avoit été dans la prison du capitole, Brutus & Valerius Publicola l'auroient fait précipiter du haut de la roche tarpéïenne.

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La mort d'Agis ne troubla point la Grèce, qui savoit bien que là où passe le glaive des loix on ne doit pas supposer l'iniquité d'un acte arbitraire. La mort des tyrans ne fut-elle pas chez les peuples anciens un bonheur public? Dans le droit des gens reçu en Grèce & en Italie, il y avoit une opinion établie qui faisoit regarder comme un homme vertueux l'assassin de celui qui ufur poit la fouveraine puissance. Chez les juifs même le fer des amis du peuple égorgea Isboseth, Nabab, Achab & Joram.

Lorsque Appjus déshonora la fille d'un citoyen romain, Virginius, père decette Romaine, préférant sa perte à la voir vivre deshonorée, la poignarda en présence du peuple, & ce facrifice paternel détruifit la tyrannie des décemvirs. Cette destruction utile fut Pouvrage du peuple qui a le droit d'exterminer les tyrans. Le même peuple précipite du haut du capitole Manlius Capitolinus fur un timp e soupçon, & l'on ne dit pas que les Romains eussent con mis une injuftice en faifant périr un héros qui avoit jadis bien fervi ton pays.:

Lorique Catilina voulut envahir la souveraineté du peuple, Rome remercia Cicéron de la violence active qu'il osa employer pour anéantir le parti de l'ufurpateur. Entre les deux factions de Marius & de Sylla, le fang coule dans la capitale & dans les provinces; Sylla l'emporte, & la liberté triomphe au moment où le parti de Marius est anéanti. Si après les victoires de Pompée & de Scipion, Rome avoit donné la liberté à l'univers, Céfar n'auroit pas eu vingt soldats pour combattre l'aranée du sénat, & ce, dictateur impérieux auroit évité le poignard de Brutus.

Les partisans de Louis XVI soutiendront qu'aucune loi ne peut l'atteindre, mais à Athènes il n'y avoit pas de loi contre le parricide, Solon ayant pensé qu'aucun citoyen ne feroit capable de tuer son père ou sa mère; & cependant on punissoit le parricide. Il suit de là que la peine marche toujours à côté du crime, & que nul ne peut avoir le droit de s'y dérober.

Le procès & l'exécution de Louis XVI, auffi-tôt après fon jugement, font nécessaires pour affermir dans toutes les ames les principes de l'égalité, ils releveront les têtes encore intimidées & flétries sous le joug de la ferN°. 169. Tome 14.

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vitude; ils perfuaderont aux Français laborieux & ifolés que la loi éternelle de la justice a mis tous les hotmes au même niveau & que fon glaive frappe indiftinctement toutes les têtes criminelles.

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Qui doit juger Louis Capet, ci-devant roi? La convention nationale. Le peuple français l'ayant investie de tous ses pouvoirs, elle peut exercer & l'autorité législative & la puissance judiciaire: elle seule est la haute cour qui doit & peut juger le tyran, à moins qu'aux assemblées primaires ne soit réservé de ratifier le jugement.

La femme & la fæœur de Louis Capet seront remifes aux tribunaux ordinaires; autrement on porteroit atteinte au droit de l'égalité. C'est le moment de respecter les convenances politiques, appliquées avec soin aux opinions nouvellement reçues, si l'on veut tirer un précieux avantage du coup qu'on va porter à la tyrannie. Avec la puissance de la fouveraineté, le génie national va développer un caractère étonnant de grandeur & de majesté, dont les impressions peuvent jeter les racines profondes de ces mœurs sévères qui diftinguèrent les Spartiates, les Athéniens & les Romains, & dont l'apreté male & prononcée se laisse appercevoir à travers Pallure altière du peu ple anglais.

<< Une loi antique de l'île de Ceylan, dit Raynal, >> afssujettissfoit le roi à l'observation de la loi, & le >> condamnoit à la mort, s'il osoit la violer. Si les peu>> ples connoiffoient leurs prérogatives, cet ancien usage >>> subsisteroit dans toutes les contrées de la terre. La loi >> n'est rien, si son glaive ne se promène sur toutes les >>> têtes ». Voulant être libres, Français! foyez inexorables envers le tyran qui vous opprithe.

La sainte égalité règne aux lieux où les loix, Quand ils font criminels, n'épargnent pas les rois.

Nous reviendrons fur cette importante matière, à mefure que le procès de Louis XVI s'instruira, & nous prouverons que c'est d'après les loix éternelles de la raifon & de l'équité qu'il doit être jugé, & non d'après la constitution de 1791, qu'invoquent déjà ses partisans en s'apitoyant sur son fort à venir, & même sur sa détention.

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