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de revenu net ne paie rien, abfolament rien en argent acquittera fa dette envers l'état par fon travail, par fa conformation, par la défenfe de les foyers, par le nombre de fes enfans. Ne croyons pas qu'il en foit moins attaché au fol, moins dévoué à nous, fes frères & fes amis. Il fera jufte envers eux, parce qu'ils feront jufles envers lui. Il n'y a que le méchant qu'aucun bienfait ne touche; l'homme fimple & bon et naturellement reconnoiffant & porté à rendre le bien qu'il reçoit. La yoix du peuple vous exprimeroit ainfi fa volonté, qui eft la fimple justice.

Qui fubviendra donc aux befoins publics du moment? La justice vous diste encore les mesures de remplacement qu'elle exige que vous cherchiez à l'impofition dont le pauvre doit être exempt. Les biens des émigrés vous fourniront une partie des befoins que la guerre amultipliés, & auxquels vous devez fournir plutôt avec prodigalité qu'avec parcimonie. La juftice vous ordonne encore de lever une contribution extraordinaire fur les ennemis connus de la liberté & de l'égalité, dont les forsunes & les priviléges font le plus cher tréfor, & qui ont manifefté ouvertement, par leurs criminels efforts le défir de renverfer la fouveraineté du peuple. Ce n'eft pas le peuple qui doit être écrafé du poids des malheurs que leur avarice & leur ambition lui font fupporter; c'eft eux qui doivent payer la plus forte part du défardre dont ils font l'unique caufe. Si un individu cause à un autre individu quelque perte ou dommage dans fa fortune, il, eft condamné à le réparer ce feroit ici l'offenfé qui paieroit les frais du dommage qu'il a reçu. En vérité, il feroit abfurde de traiter la nation entière autrement qu'elle ne traite un individu.

Vous devez en outre armer le peuple & le difcipliner. S'il étoit tout entier fur la place publique, il armeroit luimême le plus foible de fes frères; vous devez. fuppléer à fa préfence. Le tréfor public qui eft à lui, doit lui fournir des armes, & vous devez lui apprendre à s'en fervir car il faut qu'à tout moment, & dans un inftant, il puifle être en état de réfilter à l'oppreffion. N'est-il pas odieux que l'affemblée législative ne fe foit point occu pée de la fabrication des piques ? que dans l'instant où l'ennemi eft non pas à nos portes, mais dans le fein de nos foyers, les places publiques de nos villes ne reten No. 167. Tome 13. C

tiffent point encore du bruit des marteaux & des ené clumes, qu'elles ne foient pas couvertes de fer? que dans les champs, on ne voie point manoeuvrer des ba taillons de piquiers, fous le commandement de plufieurs hommes favans dans l'art de manier cette arme, & qui le font présentés en vain? N'est-il pas abfurde que l'af femblée ait négligé des mefures que commandoit le falut public?...... Mais on fait ce qu'étoit l'assemblée législative, & nous verrons à fes premières oeuvres ce que fera la convention nationale.

I fuit du principe de juftice établi plus haut, que les ennemis connus d'une forme de gouvernement populaire, doivent être affujettis, par impofition extraordinaire, à une part majeure des frais que néceffitent les maux qu'ils ont caufés; il s'enfuit, dis-je, qu'une mefure que l'on prend actuellement eft abfolument fauffe, & dictée par cette funefte erreur de calcul qui invoque la juftice en faveur de l'oppreffeur, & abandonne l'opprimé. On achète en ce moment les chevaux dont on s'eft emparé pour les befoins de la guerre; c'est-à-dire, qu'au lieu de fe contenter d'en faire l'eftimation, on les paie à là minute même cela eft fouverainement injufte & impolitique. Injufte, parce que des chevaux de felle & des chevaux de carroffe font affurément du fuperflu dans la main de leur propriétaire, & qu'aflurément auffi l'homme qui à du fuperflu, peut bien s'en priver quelque temps pour Pavantage de celui qui eft forcément privé du néceffaire. Impolitique 1°. parce que tous les hommes à fuperflu doivent être, dans un temps de révolution, regardés comme ennemis, ou fecrets, ou déclarés du gouvernement popufaire, & que vous leur remettez le prix de ce fuperflu dans un moment critique où ils peuvent encore en faire un mauvais ufage, & qu'en ne leur remettant qu'après la guerre, ce feroit entre leurs mains une arme moins dangereufe; 2. parce qu'au lieu d'augmenter le trésor public, vous l'appauvrifiez réellement, en donnant une valeur réelle pour une valeur idéale, puifqu'elle n'eft que de fantaisie dans la main de celui qui vous la fournit Et que favez-vous de quelles fommes immenfes veus pouvez avoir befoin? 3. parce que vous n'obligez les gens riches à aucun facrifice, même momentané, & que Je peuple feul qui vous en fournit de continuels & de volon

taires, fé voit encore à la veillé d'en faire de nouveaux pour garantir les propriétés de ces hommes qui, la plupart, ont creusé l'abîme. Nous fommes loin de foupçonner le citoyen Servan d'entrer dans une combinaison d'agiotage, qui peut-être eft la fource de cette fauffe mefure, mais nous l'invitons à ne pas fe laiffer abufer plus long-temps, car ce n'eft pas toujours les agens qu'on accufe des fautes qu'ils font commettre.

Si la convention nationale ne prend pas, à l'inftant même de fon organisation, les premières mefures indiquées, les feules qui peuvent imprimer fortement dans l'esprit du peuple qu'elle va fonder, d'après fon vou, un gouvernement populaire, entiérement combiné pour le plus grand bien des adminiftrés, & non pour l'avantage personnel des adminiftrateurs; s'il ne voit qu'enfin il eft tout aux yeux du corps entier des légiflateurs; s'il n'apperçoit un prompt foulagement, une prompte libération, qu'elle ne s'en prenne qu'à elle, fi les inquiétudes & les méfiances continuent, fi elles entravent la marche des opérations dans lefquelles la maffe du peuple, ne verra pas fon bonheur réel; qu'elle ne s'en prenne qu'à elle, fi de véritables agitateurs, des intrigans manient des efprits mécontens, & déjà trop aigris par le fentiment du malheur, fi le peuple cherche d'autre appui, d'autres vengeurs; & malheur à elle, fi ce même peuple, égaré par de perfides confeils, cherchoit dans une autre forme de gouvernement, les biens qu'elle ne lui auroit pas donnés !

Que les amis de la liberté, de l'égalité fe réuniffent, fe refferrent, s'embraffent, & ne permettent pas qu'il existe parmi eux aucune divifion perfonnelle; qu'ils n'écoutent les uns contre les autres aucune calomnie, & qu'ils s'occupent très-rarement de répondre à celles qu'on lancera contre eux; c'eft la conduite de chacun qui le fera juger. Eh! quand on tapifferoit les rues de Paris d'accufations contre un vrai défenfeur des droits du peuple, la publicité des féances le met à couvert des traits les plus envenimés, Que les fpectateurs foient en très-grand nombre; il faudroit dix mille affiftans aux féances du corps légiflatif.

Il nous refte une obfervation à faire à quelques-uns des députés à la première légiflature, qui ont vraiment mérité l'honneur d'être élus à la convention. Ils doivent compte au peuple de tout ce qu'ils peuvent faire pour lui; & il

en eft parmi eux qui n'ont point fait affez d'ufage de leurs talens peut-être ils pourroient nous dire, que n'ayant prefque plus d'efpoir de triompher d'une majorité cor rompue, ils étoient tombés dans une forte de décourage. ment. Mais aujourd'hui que la deftinée d'un grand empire repofe fur eux, ils feroient inexcufables de garder le filence; ce ferolent des foldats immobiles pendant le combat; ils mériteroient un jugement févère, car ils doivent à la patrie le tribut de leur génie comme le foldat lui doit fon fang.

Jeudi 20 feptembre 1792, la convention nationale tint fa première féance dans un des falons du palais des Tuileries. La circonftance du local eft digne de remarque. Les députés s'y trouvèrent au nombre de plus de trois cents; ils élurent prefqu'à l'unanimité M. Pétion pour préfident. MM. Robefpierre & Danton eurent que'ques voix. Les fecrètaires fort MM. Condorcet, Briot, Guadet, Vergniaud, Genfonné & Lafource, membres de l'affemblée nationale, & pour ainfi dire choifis exprès parmi ceux qui ne la quinèrent point pendant la législature.

La convention ne verifia point les pouvoirs de fes membres; elle ne fit que les conftater; autre obfervation bonne à faire.

Perfonne ne put affifter à cette première féance, local, n'ayant pu être encore difpofé pour cela, ce qui donna lieu à M. Dubois de Crancé de dire qu'il ne convenoit pas que le premier acte de la convention, le choix de fon préfident, fe fît à huis-clos, en l'absence du peuple de Paris.

Ces derniers mots furent relevés très-vivement par plufieurs députés, à qui il échappa de dire avec une naïveté qui fut faifie, qu'ils n'étoient point envoyés de leurs provinces pour capter les fuffrages du peuple de Paris.

Nous faifons remarquer ce petit incident, parce qu'il femble préfager déjà que plufieurs députés à la convention, venus des départemens, arrivent avec une prévention contre les citoyens de Paris; déjà ils redoutent de les avoir pour témoins de leurs opérations. M. Dubois de Crancé fe feroit exprimé d'une manière plus légale peut-être, en ne parlant que du peuple, fans ajouter de Paris; quoiqu'il foit notoire que les habitans de cette ville font un compofé de Français de tous les départe

mens qui affluent dans le centre de toutes les affaires. Paris peut très-bien être confidéré comme la France en abrégé, & c'étoit le fens des paroles de M. Dubois de Crancé.

Vendredi 21 feptembre, à midi, l'affemblée lég flative installa la convention nationale avec une folennité fimple & touchante. Cette féance fera mémorable, du moins par fes grands réfultats; car le début n'en fut pas heureux. L'ami Manuel, qui n'aime pas les rois, en propofa un de fa façon, fous le nom de préfident de la France; il lui affignoit déjà le château, des Tuileries pout logement, & une force publique pour escorte, & comme figne extérieur de la grander. Il vouloit encore qu'on fe levat à l'entrée de ce préfident dans la falle, ainfi qu'il se pratiquoit naguère encore à l'égard du feu roi Louis XVI. On vit quel ques députés fourire à cette motion, qui, aux honneurs de la royauté, fubftituoit tout l'appareil de la dictature romaine; mais la plupart des autres fé récrièrent contre un cérémonial puéril & attentatoire à l'égalité. Des légis lateurs appelés à refondre même la déclaration des droits de l'homme, s'occuper gravement & avant tout du genre d'étiquette affecté à leur préndent! Mais l'imagination de Pami Manuel, qui ne s'en défie pas affez, le tranfportoit déjà fans doute au fauteuil de la préfidence; mais aufh peut-être que l'ami Manuel étoit convenu de tout cela avec fes collègues, comme autrefois dans les jeux olym piques, le athlères à la courfe, pour mieux prendre jeur Elan faifoient quelques pas en arrière.

Chabot pouila brufquement l'aflemblée au but, en rẻclamant pour le peuple le droit inalienable de fanctionner les décrets, ou plutôt d'en donner le caractère & la force aux projets de loi de fes repréfentans, revifés dans les affemblées primaires.

Couthon & Bazire appuyèrent la propofition de Chabot, en rendant hommage à la fouveraineté du peuple. Jurons, dirent-ils, d'avoir en exécration, non-feulement la royauté, mais encore toute efpèce de dictature, triumvirat, protectorat, &c. Anathême & peine de mort au premier qui propoferoit une autorité, foit héréditaire, foit temporaire, autre que celle des repréfentans élus par le peuple!

Point de ferment, dit un autre député. Levors-nous feulement.... & toute l'aflemblée fut debout, Danton le premier. Miniftre encore de la juftice, il fe hâta de mont

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