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l'égalité? Nous réfifterons, fans doute, à leurs attaques s la nation ne s'agite-t-elle pas pour, fe réunir & s'oppo fer au torent de ces barbares ?.... Qui peut calculer les événemens Nous vaincrons, nous exterminerons enfin cette horde fanguinaire; mais il ne faut pas fe le diffmuler, ces grands effets de notre courage, nous ne les obtiendrons que par de grands efforts, que par l'union la plus étroite de concorde & de fraternité, que par un concours de prudence, de précautions & d'activité. Deux objets importans doivent effentiellement nous occuper; noire d finje & notre fubfiftance. Pour l'ane, il faut ar mer tous ces braves citoyens qui brûlent de voler à l'ennemi commun: pour l'autre, il faut mettre à l'abri les objets précieux qui peuvent affurer notre existence. C'ekt à quoi je vous invite & vous preffe, vous fur- tout, habitans des campagnes, dont les richeffes font exposées à devenir, d'un moment à l'autre, la proie des flammes & du pillage. Hâtez-vous de réalifer vos moillons, de faire battre & tranfporter tous vos grains, foit dans Paris, foit dans quelques autres villes de l'intérieur de l'empire : que là, chacun de vous ait un local où il puiffe dé poter, fous la foi & la garantie nationale, fes bleds, fes bef tiaux, & tout ce qu'il voudra préferver des incurfions étran gères ; & dans le cas où les befoins publics, qu'on eft pour tant loin de redouter, forceroient de puifer dans ces dépôts, que ce ne foit qu'à la condition expreffe d'en être payés fur le champ & au plus haut prix courant. A cette invitation, reconnoiffez ma follicitude pour vous, bons habitans des campagnes, & le défir qui m'embrâse de mériter la confiance d'une nation généreuse à laquelle je fuis dévoué jufqu'à la mort. Le miniftre de l'intérieur.

Signé, ROLAND.

Correfpondance des commissaires nationaux,

Nous avons cru ne pouvoir mieux fatisfaire nos lecteurs qu'en mettant fous leurs yeux les pièces originales de la cor refpondance des commiffaires envoyés dans les départemens par le confeil exécutif. D'après cette lecture, on connoîtra sûrement à quelle hauteur eft l'efprit public, depuis Paris jufqu'aux frontières; on faura quels font nos moyens de défenfe, & quel dégré de confiance nous devons avoir dans les généraux & les eorps adminiftratifs. Les

lettres que nous donnons ici font adreffées au miniftre de la justice. Nous en avons fupprimé les détails perfon nels; mais, en général, elles expriment toutes le défir qu'ont les départemens de voir M. Danton refter au miniftère, & la crainte que, s'il paffe à la convention_nationale, il ne foit pas remplacé dignement.

La Ferté fous-Jouare, le 9 Septembre. Après avoir paffé par Meaux, où des milliers de volontaires affluent de toutes parts, nous fommes àrrivés à la Ferté, où nous avons conféré avec le procurent de la commune, à l'effet d'affurer par tous les moyens qui font en la puiffance de la municipalité, la fubfiftance des volontaires. Nous avons trouvé onze cents citoyens de Paris, qui fe plaignent de n'avoir que deux cartouches chacun quand d'un moment à l'autre ils peuvent fe trouver en face de l'ennemi. Il leur manque une grande quantité d'objets néceffaires à leur défenfe. Plus de deux cents d'entre eux vont pieds nuds, faute de fouliers. Nous ne favons à quoi attribuer une négligence auffi coupable, & qui peut avoir les fuites les plus funeftes en vain requérons-nous; les diftricts & les municipalités manquent de fonds, & les fermiers ne veulent pas livrer leurs grains fans argent.

Il nous paroît indifpenfable de former des camps de réserve dans toutes les villes qui avoifinent les frontiè res. Les troupes de ligne & les gardes nationaux qui ont eu le temps de s'aguerrit, réclament l'honneur de fe. battre les premiers. Il faut que les autres s'exercent dans les camps, pour les remplacer s'ils venoient à fuccomber; mais pour cela il faut trouver de bons généraux, des commiffaires de guerre actifs & patriotes, qui mettroient de l'ordre dans les camps, renverroient les enfans, ceux qui n'ont pas la taille ou qui n'ont pas d'armes. Malgré ces élexions trop vraies, l'effentiel, en ce moment, eft de nourrir tous ces foldats de la liberté ; nous' allons nous en occuper fans relâche dans la Brie & le Soiffonnois; mais, encore une fois, il faut de l'argent, qui eft le nert de la guerre.

Nous fommes fraternellement vos concitoyens, les commilaires nationaux, LACROIX, RONSIN, HUNIER, pro curent de la commune de la Ferté.

Epernay, le 10 Septembre. Je me fuis féparé de mon collègue, M. Ronfin, à Château-Thierry, afin de doubler

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nos opérations, qui ont plus que jamais befoin d'activité pour nourrir tous les volontaires qui arrivent en foule dans le département de la Marne, qui produit à peine de quoi nourrir fes habitans, puifque le fol n'eft prefque planté qu'en vignes. Je vais me rendre à Châlons, pour accélérer l'arrivée des bleds & farines que nous avons recrutés dans la Brie.

En paffant à Dormans, j'ai appris qu'il s'étoit élevé une, rixe entre un bataillon de Paris & celui de l'Aube, parce que ce dernier alloit à Meaux, d'après les ordres de M. Luckner, & que le bataillon de Paris prenoit cette obéiflance aux ordres du général pour une lâcheté. J'ai harangué les foldats-citoyens, & leur ai prouvé qu'un zèle aveugle pour la chofe publique lui préjudicieroit, plus qu'il ne la ferviroit; que fi tous les citoyens qui ne font ni armés, ni habillés, ni difciplinés, vouloient fe rendre en foule aux frontières, ils affameroient nos armées, & perdroient la liberté en voulant la défendre. Ces raifons ont calmé les efprits; les volontaires ont reconnu leur erreur, & ils ont laiffé paffer le bataillon de l'Aube.

En arrivant à Epernay, j'ai trouvé le diftrict réuni à la municipalité, pour fauver plus efficacement la chose publique; ils m'ont remis une expédition du procès-verbal du défarmement de deux cent cinquante foldats du quatre-vingt douzième régiment, fugitifs de Verdun, & par cela même fufpects. Ces foupçons fe font réalifés; on a trouvé fur eux une grande quantité de cocardes blanches, d'argent & d'effets piliés à Verdun; ils ont été conduits à Châlons, pour y être sûrement jugés par un confeil de guerre. Vous devez déjà avoir connoiffance de ces faits, car la municipalité vous a fur le champ dépêché un courrier. Les confeils généraux de diftrict & de municipalité veillent nuit & jour pour le falut de la patrie, avec un zèle au-deffus de tout éloge.

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n'y a point d'ordre dans la marche des volontaires; on ne voit nulle part des commiffaires de guerre pour empêcher les défordres. Quelques volontaires enlèvent les chevaux de labour, entrent dans les maifons, y prennent ce qui leur convient: Ces excès font des en nemis à la liberté, & it feroit inftant de les réprimer. Je m'en rapporte fur cela à votre fagefle & à celle du

confeil exécutif, dans lequel le peuple a une grande

confiance:

Votre concitoyen, LACROIX, commiffaire national.

P. S. J'avois oublié de vous dire que derrière la cocarde blanche faifie fur les foldats, du quatre-vingt donzième régiment, eft le nom de Didier, qui, dit-on, demeure, quai de la Féraille. Il feroit bon de s'affurer de fa per.onne.

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Bernay, 8 Septembre. Nous allons fortir de Bernay, après y avoir rempli notre milion les chevaux à voiture & nons dedans, lorfqu'on nous arrête de la part de la municipalité, fous prétexte que nous étions de faux commiffaites. On nous conduit à la municipalité, où chacun des citoyens piéfens fe permet à notre égard les injures les plus atroces, les officiers municipaux leur en donnant l'exemple par la conduite la plus indécents. On nous fait quitter nos pistolets, on délibère ft l'on ne nous arrêtera pas fur le champi ainfi que notre co

cher.

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Voyant à quel point de vertige la municipalité & les ariftocrates fe portoient contre nous, je prends ators la pa role; je communique mes pouvoirs, nos palle-ports, &‹je requiers fur le champ, fur la refponfabilité de la mu nicipalité, de nous donner une garde pour nous accompagner hors de la ville. Je reprefente que les agens du pouvoir exécutit national, par l'étendue de leurs pou voirs, ont droit de faire cette requifition; que leur misfion eft d'une importance telle qu'elle doit trouver partout, & parmi les magiftrats fur tout, des appuis & des foutiens; que je fuis étonné après avoir parcouru tant de diftricts, cantons & coinmunes, après avoir éprouvé par-tour de la part des magiftrats, tant d'accueil & d'honnêteté, que la municipalité de Bernay attendit précisément le moment de notre départ, pour entraver la marche du pouvoir exécutif national provifoire.

Le procureur de la commune prit enfuite la parole, pour conclure à nous faire arrêter comme de faux commiffaires, des incendiaires & des féditieux. Un autre membre de la municipalité a demandé que nous fuffions conduits au corps électoral, pour être prononcé fur notre fort. Vous allez remarquer que c'étoit précitément parm nós ennemis que l'on nous conduifoit, Voici

comment.

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La veille, en arrivant à Bernay, vers le foir mon premier foin fut de me rendre au directoire de district,' pour y faire inferire nos commiffions tur le regiftre, & nous en faire donner une expédition; ce qui fut fait. Ce premier devoir rempli, je revins à l'auberge qui étoit tout près de là.

A peine y fus-je rendu, que des électeurs fe difant envoyés par le corps électoral, m'invitent à me rendre dans fon fein, pour y tranquillifer les citoyens fur l'objet de notre miflion, qui paroiffoit donner des inquiétudes. Je m'empreffe d'accéder au vou des électeurs, quoique je fuffe fat gué & que j'euffe befoin de repos. Ces meffieurs m'accompagnent au corps électoral; on me place à côté de M. Buzot, préfident. On étoit alors dans les bureaux. Je dis à M. le préfident que j'étois un peu fatigué, & que s'il vouloit permettre que je rendiffe le compte qu'on me demandoit, il me feroit plaifir. Le préfident qui favoit bien que l'aflemblée électorale n'avoit point mandé dans fon fein les commiffaires nationaux, demanda à voir & connoître mes pouvoirs, avant de parler à l'aflemblée. Je les lui préfentai, en lui difant que je les luf communiquois officieufement. Je ne connoillois point M. Buzot. Il ne me connoiffoit pas non plus; mais dès que nous apprîmes l'un & l'autre nos noms, le patriotiime s'y reconnut, & M. Buzot, après avoir mis l'affemblée à l'ordre, m'invita à parler. Je le fis; & après que j'eus fini, M. Buzot me dit tout bas, en me ferrant la main, qu'il étoit ravi de l'énergie avec laquelle je venois de parler à l'affemblée, & que j'avois réveillé le patriotime de fes membres.

. Des prêtres montèrent à la tribune pour me traiter de calomniateur; ils furent hués, & obligés de def cendre. On me donna quatre membres de l'affemblée pour me reconduire. Le lendemain, des électeurs vinrent me voir, & m'invitèrent à venir au corps électoral, avant de partir. Je m'y refufai d'abord, mais ils me prefsèrent tant, que je n'y rendis. Pour m'y faire entrer, on alla demander au bureau une carte d'électeur. Mon collègue Dufour y étoit aufli. Là, M. Buzot vint à moi; nous causames; on nous entoura; & comme ma miffion eft d'exciter dans le cœur des citoyens cette ardeur patriotique qui doit faire l'aliment de l'homme libre, je donnai grande carrière à mes opinions. Je dif

tribuai

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